Le facteur humain est clé lorsqu’une entreprise acquiert ou fusionne avec une autre. Afin d’éviter les mauvaises surprises, Anne-Frédérique Burgaud, principal au sein du cabinet de conseil en recrutement Heidrick & Struggles, milite pour que les fiancées apprennent à se connaître avant le mariage, c’est-à-dire en demandant à un prestataire une due diligence du leadership.

Décideurs. Souvent, à l’occasion de l’annonce d’opérations de fusion-acquisition, les dirigeants des entreprises mettent en avant la relation qu’ils entretiennent. Celle-ci est-elle suffisante ?

Anne-Frédérique Burgaud. C’est une bonne chose qu’il y ait un "fit" entre les deux dirigeants lorsque leurs entreprises se rapprochent mais cela ne dit rien sur les deux collectifs qu’il y a derrière ni sur leur capacité à travailler ensemble. En cas d’acquisition, la société cible va continuer comme avant, tout en mettant en place quelques synergies. Dans un projet de fusion, les personnes sont amenées à travailler ensemble. Quel est l’écart entre les deux cultures ? Est-ce qu’il y a des éléments qui, en amont du deal, peuvent interroger sur leur compatibilité ? C’est bien que les dirigeants aient un coup de cœur, mais derrière cette intuition il faut savoir comment fonctionnent les équipes, si elles parlent du même projet, s’il y a des incompréhensions… Ce que permet d’appréhender la due diligence du leadership.

Comment ces due diligences fonctionnent-elles ?

C’est un processus transparent qui doit obtenir l’accord de l’entreprise cible et permet de se faire une idée du type de culture managériale. Les dirigeants acceptent d’avoir un entretien avec un prestataire sur leurs compétences en leadership durant lequel nous les interrogeons de manière approfondie sur leurs capacités à mobiliser leurs équipes, à s’adapter à des circonstances changeantes, à résoudre des problèmes complexes, à maintenir leur énergie en cas de difficultés, etc. Ils doivent convoquer des expériences récentes qui nous permettent de dresser un portrait et d’identifier les risques liés au projet. Ces face-à-face sont complétés par des questionnaires psychométriques. Disposer de ces éléments en amont du deal permet d’établir rapidement les outils pour accompagner les équipes dirigeantes une fois que l’opération est signée.

"La due diligence met en avant des signaux d’alerte"

Qui est interrogé ?

Nous prenons le temps de mener un entretien individuel avec tous les membres de l’équipe de direction, voire quelques personnes clés. Mais on ne peut pas interroger tout le monde. Cela n’aurait pas de sens et il ne faut pas oublier que les délais sont très courts. Une due diligence de leadership, ce sont deux semaines et un nombre restreint de personnes dans la confidence.

Est-ce qu’il arrive que les résultats d’une due diligence de dirigeants puissent faire capoter un deal ?

Quand une opération n’est pas menée à son terme, il y a toujours plusieurs raisons. La capacité du leadership à travailler collectivement peut en faire partie. Elle est parfois sous-estimée. La due diligence met en avant des signaux d’alerte et, parfois, confirme les doutes de la société acheteuse.

Les dirigeants sont généralement des personnes assez intelligentes qui savent se vendre. Comment s’assurer que ces entretiens soient révélateurs ?

La due diligence de leadership est un exercice qui nécessite un savoir-faire. Elle donne une vision qui sera toujours plus juste que si la société acheteuse s’était uniquement appuyée sur l’intuition de son dirigeant. Vous seriez étonné de ce que l’on peut nous dire, même dans ce genre d’entretiens. D’abord, on voit si le dirigeant de la société cible accepte ou non l’exercice, ce qui en dit long. Ensuite, quand un patron décrit un projet, on peut déceler s’il y a un écart entre sa vision et celle portée par la société acheteuse. On peut aussi sentir quand il y a un risque de départ ou des comportements toxiques. Nous arrivons également à nous faire une idée de la compatibilité entre les deux cultures et de ce qui pourrait poser problème.

Propos recueillis par Olivia Vignaud