L’inflation a beau marquer le pas, les dépenses des Français ont diminué de 12 % en un an et demi, révélait l’Insee en juillet. Lancé il y a trois mois, le média "150 euros" propose aux consommateurs de recevoir des promotions par courrier et par mail. Déjà, 4,1 millions de personnes se sont abonnées. Retour sur cet engouement avec Pierre-Yves Larvor, directeur général adjoint du magazine.

 Décideurs. Le 18 juillet, vous avez publié une étude en partenariat avec Ipsos sur le rapport des Français aux promotions dans un contexte d’inflation et de baisse du pouvoir d’achat. Quels en sont les principaux enseignements ?

Pierre-Yves Larvor. Trois enseignements majeurs sont à retenir. Tout d’abord, 83 % des Français considèrent les promotions indispensables pour gérer leurs courses et leur pouvoir d’achat. Cela va à l’encontre de l’idée que celles-ci poussent à la surconsommation. La hausse des salaires n’a pas compensé la hausse de l’inflation et a entraîné une vraie chute de la consommation. Deuxième enseignement : 58 % des Français souhaitent recevoir leurs promotions en format papier ou papier associé au digital. Notre média, "150 euros", qui a trois mois d’existence, compte déjà 4,1 millions d’abonnés. Parmi eux, 55 % ont choisi de recevoir le magazine par courrier ou par courrier et e-mail car il est plus simple de comparer les prix sur papier. Troisième enseignement : les Français comparent les enseignes. Là où cinq-six ans auparavant, ils en fréquentaient six par an, ils font désormais leurs courses auprès de neuf distributeurs différents chaque année. L’infidélité des Français auprès des enseignes ne fait que croître.

Ces chiffres sont-ils une surprise pour vous ?

Malheureusement, non. La première surprise pour nous tient au volume d’abonnements que nous avons engrangés en trois mois. Les Français se préoccupent de leur pouvoir d’achat et les promotions font partie intégrante de leur quotidien. Pour la première fois, les chiffres montrent une baisse de la consommation sur l’alimentaire.

Les soldes, pré-soldes, ventes privées et autres promotions se multiplient. Finalement, les prix affichés avant réduction ne sont-ils pas gonflés ?

Cela peut se vérifier dans un contexte non inflationniste. Mais en matière d’alimentaire, au mois de mars, une inflation à deux chiffres a été enregistrée. Ce qui n’avait pas été vu depuis une dizaine d’années. Les promotions prennent tout leur sens mais elles ne suffisent pas à réduire le ticket de caisse. Dès le dixième jour du mois, un tiers des Français dispose d’à peine 100 euros à dépenser, d’où l’intérêt de l’accès aux promotions en amont de la préparation de la liste de courses. La surconsommation provoquée par les promotions existe mais nous pouvons œuvrer pour une meilleure éducation sur ce sujet. Notre média produit des contenus afin de mettre en lumière les bons usages, les bons comportements et partager les astuces permettant d’acheter mieux et de gaspiller moins.

"Les promotions font partie intégrante du quotidien des Français"

Y a-t-il davantage de femmes abonnées à "150 euros" ?

Nous avons recensé 65 % de femmes parmi nos abonnés. Pour l’anecdote, avant de lancer ce média, j’étais très fier de faire les courses. En soi, ce n’est pas une tâche complexe, ce qui l’est, c’est de préparer la liste. D’où l’importance de centraliser les promotions dans un seul et même magazine. Nous disposons également d’autres statistiques. Nos abonnés sont plutôt des CSP moyens, voire moins, et nous avons une surpondération de personnes situées dans la périphérie urbaine et rurale ainsi que dans le Nord et l’Est de la France. Et sur le magazine papier, une sur-représentation des seniors, même si celle-ci n’est pas flagrante.

Les Français restent attachés au fait de recevoir les promotions papier mais cela ne va pas dans le sens de l’histoire. Comment réduire l’impact environnemental de ces envois ?

Il est très compliqué de trouver des études objectives et fiables sur la différence entre l’empreinte carbone du papier et celle du digital. En revanche, il ne faut distribuer du papier qu’à ceux qui en ont besoin. Les personnes qui s’abonnent à "150 euros" le font de manière choisie. D’ailleurs, 60 % des Français ne veulent pas recevoir de prospectus dans leur boîte aux lettres. Nous avons la conviction que la loi climat et résilience va introduire le principe du "oui pub" qui requiert l’assentiment de ceux qui souhaitent recevoir les prospectus en apposant une étiquette sur leur boîte aux lettres. Dans les pays européens où la mesure est déjà en place, 30 % des foyers mettent l’étiquette. Cela permet de réduire le nombre de destinataires. Toutefois, nous estimons que cela stigmatise les personnes qui ont besoin des promotions. Elles peuvent également être accusées de négliger l’environnement. Une offre ciblée comme la nôtre trouve alors toute sa raison d’être.

Propos recueillis par OIivia Vignaud