L’ouverture à la concurrence des jeux et paris en ligne était attendue. Si de nombreux opérateu ont l‘intention de prendre position sur le marché français, leu espoi pourraient être déçus par la nouvelle législation.

L’ouverture à la concurrence des jeux et paris en ligne était attendue. Si de nombreux opérateurs ont l‘intention de prendre position sur le marché français, leurs espoirs pourraient être déçus par la nouvelle législation.


Le projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne a finalement été adopté le 6 avril dernier.
Cette évolution était attendue. En effet, dès 1994, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a posé pour principe que les activités consistant à proposer des jeux d’argent et de hasard sont des prestations de services(1), solution ensuite étendue aux paris sportifs(2) . Dès lors, en application des principes de liberté de prestation de service et de liberté d’établissement qui reconnaissent à tout opérateur communautaire le droit de s’établir et de fournir ses services dans toute l’Union, les règles instituées par certains états membres, dont la France, visant à réserver la fourniture de ces prestations à des monopoles, étaient susceptibles de heurter le droit communautaire. Cette situation a conduit la Commission à mettre en demeure la France de modifier sa réglementation aux termes d’un avis motivé adopté au mois de juin 2007.
Face à cette menace, mais également pour enrayer le développement des sites illégaux dont la fréquentation par les internautes français ne cesse d’augmenter, le Gouvernement a donc entrepris de modifier le cadre légal applicable. Si la loi entérine la fin du monopole dont bénéficiaient jusqu’ici la Française des Jeux et le PMU, du moins pour ce qui concerne les activités en ligne, l’ouverture à la concurrence est loin d’être totale et soulève plusieurs questions tant au regard du droit communautaire que des règles de concurrence.


UNE OUVERTURE LIMITEE ET ENCADREE

La loi n’ouvre à la concurrence que certains types de jeux et paris en ligne(3) : les paris sportifs (en la forme mutuelle ou à cote), les paris hippiques (en la forme mutuelle uniquement) et les jeux « de cercle » (ce qui inclut le poker mais pas les jeux de pur hasard).

L’obligation d’obtenir un agrément
Pour pouvoir exercer ces activités, les opérateurs devront obtenir un agrément auprès d’une nouvelle autorité administrative baptisée Autorité de régulation des jeux en ligne (« Arjel »). L’Arjel appréciera si les opérateurs en cause disposent des moyens techniques, économiques et financiers leur permettant de faire face durablement à leurs obligations (prévention des addictions et du jeu des mineurs, lutte contre la fraude et le blanchiment notamment). En cas de garanties insuffisantes, l’Arjel pourra rejeter la demande d’agrément qui lui aura été présentée.

Des conditions strictes d’exercice
Afin d’assurer le respect des obligations pesant sur les opérateurs agréés, le législateur a prévu que ceux-ci devraient faire certifier leur activité par un organisme agréé et mettre en œuvre une comptabilité séparée pour les activités agréées exercées sur le territoire français.
En outre, les opérateurs ne pourront s’adresser aux internautes français que via un site « .fr » et devront archiver en temps réel et en France métropolitaine l’intégralité des données relatives à leurs activités.
S’agissant des prélèvements appliqués par l’état, outre les droits fixes dus au titre de l’agrément, la loi prévoit, à titre principal, un prélèvement sur les mises des joueurs (ou sur les droits d'entrée acquittés dans le cas de tournois) dont le taux s'établira à 7, 5 % pour les paris sportifs et hippiques et à 2 % pour les jeux de cercle.
Enfin, un plafonnement des taux de retour aux joueurs est prévu (les taux, qui seront fixés par décret, devraient être compris entre 80 % et 85 %).


DE POTENTIELLES DIFFICULTES AU REGARD DU DROIT COMMUNAUTAIRE ET DU DROIT DE LA CONCURRENCE

Le Gouvernement, qui souhaite assurer la mise en place effective du dispositif avant le lancement de la Coupe du monde de football le 11 juin prochain, a annoncé avoir déjà préparé les projets de décrets d’application nécessaires. Si le Conseil constitutionnel n’y fait pas obstacle, le Gouvernement devrait être en mesure de tenir son pari. Pour autant, le texte adopté n’est pas exempt de critiques. En premier lieu, les pouvoirs publics français ont choisi de faire fi de certaines préoccupations exprimées par la Commission dans son avis circonstancié du 8 juin 2009. Cette dernière y avait épinglé plusieurs points susceptibles de ne pas être conformes au droit communautaire, notamment :
• L’obligation de désigner un représentant fiscal en France ;
• L’obligation d’archiver en France métropolitaine les données relatives à l’activité de jeux ou de paris en ligne ;
• Le plafonnement du taux de retour au joueur.

A cet égard, si la CJUE a admis, étant donné la nature particulière des activités de jeux et de paris, que les états puissent apporter des restrictions à la liberté des opérateurs économiques pour des raisons impérieuses d’intérêt général, ce n’est qu’à la condition cependant que ces restrictions soient nécessaires, adéquates, non discriminatoires et strictement proportionnées(4).
S’agissant des trois règles précitées, si les objectifs poursuivis par ces différentes mesures (lutte contre la fraude fiscale, contre l’addiction et volonté de contrôle des activités exercées) paraissent légitimes, les obligations imposées semblent, en revanche, soit disproportionnées (obligation relative à la désignation d’un représentant fiscal en France), soit injustifiées (obligation d’archivage en France et plafonnement des taux de retour), de sorte qu’une remise en cause de ces dernières sur le fondement du droit communautaire ne saurait être exclue. En second lieu, la loi consacre au profit des organisateurs de manifestations sportives un droit de consentir à l’organisation de paris sur leurs événements (droit déjà reconnu par la jurisprudence(5) ). Or l’exercice de ce droit par les organisateurs de compétitions sportives est susceptible de soulever des difficultés au regard du droit de la concurrence. Pour les limiter, le législateur a pris soin d’indiquer qu’un organisateur ne pourrait réserver l’exclusivité de l’organisation des paris à un seul opérateur, ni exercer une discrimination entre opérateurs agréés pour une même catégorie de paris. Afin de contrôler ces éléments, les contrats conclus devront être transmis à l’Arjel et à l’Autorité de la concurrence et tout refus devra être notifié à l’Arjel.
Pour autant, en dépit du fait que ces données sont indispensables aux opérateurs pour exercer leur activité – ce qui pourrait conduire à qualifier ces données de facilité essentielle au sens du droit de la concurrence –, aucun encadrement tarifaire de cet accès n’a été prévu par la loi.
Le cadre réglementaire n’étant pas encore totalement stabilisé, il est trop tôt pour faire un pronostic quant à l’éventuel succès de cette ouverture à la concurrence. En revanche, ce n’est pas prendre une grosse cote de penser que sa mise en œuvre donnera lieu à quelques contentieux.


1 CJUE, 24/3/1994, C-275/92, Schindler
2 CJUE, 21/10/1999, C-67/98, Zenatti
3 Les activités en dur (casinos et activités de jeux et de paris proposées au travers d’un réseau physique) conservent leur organisation actuelle sous forme de monopole.
4 Ainsi, dans l’arrêt Liga Portuguesa, la CJUE a considéré que le monopole institué par la législation portugaise en matière de jeu n’était pas contraire au droit communautaire étant donné l’objectif poursuivi, en l’espèce la lutte contre les dérives criminelles liées au jeu (CJUE, 8/9/2009, C-42/07, Liga Portuguesa).
5 CA Paris, 14/10/2009