Les discours sur les différences générationnelles concernant le rapport au travail se multiplient, notamment depuis la crise sanitaire. Pour autant, existe-t-il une différence entre les jeunes et les autres générations ? Pas si sûr...

Les jeunes actifs n’accorderaient plus au travail une place aussi centrale dans leurs vies que leurs aînés. Ils exprimeraient aussi, selon une logique tristement manichéenne, des attentes tantôt plus utilitaires comme à propos de la rémunération, tantôt plus politiques notamment concernant l’engagement de leur entreprise. Moins fidèles et investis que leurs parents, ils seraient particulièrement moins respectueux de l’autorité.

Un rapport au travail identique à celui de leurs aïeux

Pourtant, selon une récente étude de l’Apec, près de 50 % des jeunes de moins de 30 ans estiment leur travail au moins aussi important que les autres sphères de leur existence. Une proportion similaire à celle de la catégorie des 30-44 ans et même supérieure à celle des 45-65 ans.

Il apparaît également que les jeunes partagent les mêmes espérances que les autres actifs interrogés vis-à-vis de leur travail. En retour de leur investissement, ils sont 55 % à attendre de leur travail qu’il soit rémunérateur, 41 % qu’il soit intéressant et 34 % qu’il se concilie facilement avec leur vie personnelle. 

Les jeunes sont-ils plus rétifs à l’autorité ? L’étude bat aussi en brèche cette idée reçue. Les jeunes travailleurs sont 40 % à déclarer accepter par principe les décisions de leur hiérarchie et 43 % à les appliquer dès qu’ils les comprennent, sans nécessairement être d’accord avec. Des chiffres qui donnent donc tort aux préjugés, puisqu’ils sont seulement 3 % à avoir des difficultés à accepter les directives, contre 5 % pour les 30-44 ans et 8 % pour les 45-65 ans.

Des jeunes trop impliqués dans leur vie professionnelle ?

Si les jeunes actifs se distinguent, c’est plutôt par une volonté de progresser dans leur carrière plus affirmée que celle de leurs aînés, notamment pour ce qui est de l’autonomie (80 %) et des responsabilités professionnelles (69 %). Dans une économie déjà caractérisée par une fragilité financière due aux conséquences du Covid et au contexte géopolitique instable, cette ambition plus marquée n’est pas toujours sans risques pour la santé psychologique des plus jeunes actifs. Alors que la génération Y (née entre le début des années 1980 et la fin des années 1990) fut la première à aborder le sujet de la santé mentale au travail, la génération Z (née durant les années 2000), la plus sensibilisée aujourd’hui sur le sujet, est la plus touchée par le burn-out.

En plus de véhiculer des préjugés facteurs de discriminations, les discours infondés reprenant l’antienne du "c’était mieux avant" dépossèdent les jeunes de leur propre voix. Ils ont par ailleurs un effet performatif sur ces derniers : certains risquent d’intérioriser ces jugements, qui pourront alors constituer des freins à leur autocritique, voire à leur épanouissement personnel et professionnel. 

Cem Algul