Nos emplois vont-ils disparaître au profit d’un algorithme ? Cette question ne cesse d’inquiéter les actifs au sujet de l’intelligence artificielle. S’il est certain qu’une révolution est en cours, une récente étude d’EY Fabernovel démontre que l’IA fera davantage évoluer les métiers qu’elle ne les supprimera.

De nombreux rapports mettent en avant l’éventuelle suppression d’emplois avec l’arrivée des nouvelles technologies comme ChatGPT (notamment l’étude Goldman Sachs de mars 2023). Certaines entreprises ont d’ores et déjà supprimé des postes à la suite de l’utilisation de l’intelligence artificielle. En France, c’est plus particulièrement Onclusive, société spécialisée dans la veille médiatique, qui a annoncé en septembre dernier la suppression de 217 postes sur 383 emplois actuels, invoquant une "mutation technologique" de la transformation globale de l’entreprise. 

Toutefois, l’étude du 27 septembre 2023 publiée par EY Fabernovel intitulée "AIpocalypse ou AIvolution ? Intelligence artificielle générative : vers l'évolution des métiers" démystifie l’idée selon laquelle nos métiers pourraient disparaître face à ChatGPT.

Cols blancs versus cols bleus

À l’instar de la révolution industrielle qui a automatisé certaines tâches auparavant effectuées par les ouvriers, l’intelligence artificielle est apte à réaliser, aussi bien que l’humain, des activités administratives.

L’étude EY Fabernovel en déduit que l’IA générative pourrait affecter plus spécifiquement les emplois de bureau, et aurait dès lors un effet dévastateur sur le marché de l’emploi des pays riches et en majeure partie sur l’emploi des femmes, qui occupent davantage les fonctions administratives. Mark McNeilly, auteur du rapport de Goldman Sachs de mars 2023, souligne que 70% des femmes sont des cols blancs.

Toutefois, peu de métiers sont exclusivement constitués de tâches répétitives entièrement substituables par une IA. "On peut sattendre à une évolution des tâches de tous les métiers, sans pour autant que cela ne les détruise. À la clé, un gain de temps évident qui pourra être mis à profit dans les choix stratégiques des entreprises pour développer les compétences de tous leurs collaborateurs", argumente Cyril Vart, associé chez EY Fabernovel.

Déplacement du champ des compétences

Cette automatisation de certaines missions aura entre autres pour effet de permettre aux salariés de développer davantage leurs compétences "intrinsèquement" humaines. Concrètement, pour reprendre l’exemple donné dans l’étude, une profession comme celle d’avocat, les tâches qui seront partiellement ou totalement réalisées par l’IA seront : la recherche d’antécédents juridiques, le résumé des textes de loi, la prédiction d’issues judiciaires. Concernant les tâches qui demeureront au cœur du métier d’avocat : le conseil stratégique aux entreprises, la gestion de la communication, l’avis consultatif sur les lois nationales.

Pierre Deheunynck, président du Conseil d’administration de France compétences, interrogé dans le cadre de l’étude, confirme : "Je ne suis pas ému par la suppression des tâches les moins qualifiées. Les métiers vont nous motiver davantage et nous pousser à avoir davantage recours à notre intelligence."

Les RH au cœur de cette métamorphose

Le temps qui sera accordé aux collaborateurs à la suite de la réalisation de certaines de leurs tâches par l’IA pourra, de ce fait, être investi pour la formation : upskilling ou reskilling des compétences des salariés. Pour ce faire, l’intelligence artificielle se présente justement comme le meilleur allié des directions des ressources humaines afin de mener à bien cette transition.  En croisant les données SIRH et les souhaits d’évolution des salariés, des outils peuvent aider à déterminer quelle peut être la meilleure direction à donner à un parcours professionnel. Par conséquent, la personnalisation des parcours offerte par l’IA s’avère un outil précieux pour la gestion de leurs compétences.

La révolution de l’IA ne peut être opérante que si les DRH s’en emparent dès maintenant, notamment parce qu’elle comporte certains risques discriminatoires provoqués par les algorithmes.

Si l’IA tend à modifier nos organisations de travail plus qu’à supprimer des emplois, la question de l’exigence éthique émerge dans les esprits.

Elsa Guérin