Si l’alimentation constitue un enjeu de santé publique, son suivi ouvre désormais les portes de la sphère privée. MyBody, solution en ligne proposant à chaque Français un rééquilibrage alimentaire personnalisé et quotidien avec une prise en charge par un diététicien diplômé d’État, en est l’illustration. Clément Muzelle, son fondateur, revient sur la genèse de son aventure, détaille sa vision du bien-être en entreprise et précise le lien entre alimentation et performance.

Décideurs. Quelle est l’empreinte de MyBody aujourd’hui ?

Clément Muzelle. MyBody compte plus de 20 entreprises partenaires, 40 diététiciennes et diététiciens partenaires et près de 10 000 personnes ayant déclenché un suivi. Nous nous adressons aussi bien aux particuliers qu’aux entreprises. Ces derniers mois, nous avons expérimenté une nouvelle approche en nouant des partenariats avec des acteurs de la grande distribution à destination de leurs clients. Notre ambition est claire : devenir le leader européen de la prévention par l’alimentation pour les entreprises et leurs collaborateurs.

Pourriez-vous revenir sur l’origine de votre projet ?

Nous sommes partis du constat que l’alimentation est presque automatiquement associée aux régimes, à la perte de poids ou à un changement radical : véganisme, végétarisme… C’est oublier la question de la santé ! Changer son alimentation c’est se sentir mieux dans sa tête et son corps, rester en forme plus longtemps, réduire les chances de diabète, de cholestérol, ou encore de problèmes cardio-vasculaires… Depuis de nombreuses années, l’évolution de la santé de notre civilisation occidentale va de pair avec notre alimentation quotidienne. Un certain nombre d’études le révèlent, notamment le rapport du Trésor-Éco n° 179 "Obésité : quelles conséquences pour l'économie et comment les limiter ?" qui souligne l’évolution du surpoids dans notre société et son impact sur notre santé. Nous pouvons aujourd’hui corréler près d’un tiers des cancers à une mauvaise alimentation. De plus, les projections nous informent que d’ici 2030, plus d’un Français sur deux sera obèse ou en surpoids.

"L’alimentation constitue le carburant du corps, dans ses dimensions physique et cérébrale"

Vous établissez un lien entre performance d’une entreprise et santé de ses collaborateurs. Pourriez-vous expliciter cette corrélation ?

Depuis la pandémie de 2020, un grand nombre d’entreprises a fait le choix d’investir sur la santé de leurs collaborateurs dans le cadre d’une stratégie de marque employeur et de RSE. La santé mentale a été l’un des points de vigilance majeurs. Cependant, il ne faut pas occulter le phénomène de la mauvaise alimentation ni de son impact sur les entreprises. En effet, les habitudes de consommation des salariés jouent un rôle primordial. Les rapports de l’Organisation internationale du travail (OIT) de juillet 2005 et de mai 2021 ont établi qu’une mauvaise alimentation peut se trouver à l’origine d’une chute de 20% de la productivité. C’est cette statistique en particulier qui m’a incité à créer MyBody.

Comment expliquez-vous ce phénomène ?

L’alimentation des collaborateurs peut avoir des impacts sur la productivité mais aussi sur la sécurité. De nombreux accidents sont associés à une baisse d’énergie, donc de vigilance. L’alimentation constitue le carburant du corps, dans ses dimensions physique et cérébrale. Lorsque l’homme n’est pas assez ou mal alimenté, il perd une partie de ses capacités. Cette perte impacte directement la santé et l’efficacité au travail. De nombreuses directions des ressources humaines se sont emparées de la question, intégrant le fait que l’alimentation répond à un triple enjeu : de bien-être, de productivité et de sécurité. "Mens sana in corpore sano". Si cette citation que l’on prête à Juvénal a presque deux millénaires, elle est toujours d’actualité.

"Nous nous intégrons dans une stratégie globale de marque employeur et de RSE"

Quelle solution apportez-vous ?

C’est en souhaitant transformer cette problématique en valeur ajoutée que nous avons créé l’application MyBody. Nous accompagnons les entreprises sur la santé de leurs collaborateurs à travers l’alimentation de ces derniers. Nous disposons d’un réseau de plus de 40 diététiciens certifiés qui proposent, via notre application, un suivi diététique quotidien sur douze semaines. Chaque collaborateur peut télécharger l’application et démarrer son suivi lorsqu’il le souhaite. Il envoie quotidiennement les photos de ses repas à son diététicien référent et reçoit des conseils pour optimiser son alimentation en fonction de ses souhaits, ses pathologies éventuelles, son travail, sa vie de famille… Pour ce qui concerne les entreprises, nous mesurons et formalisons les résultats à travers un rapport annuel d’impact qui leur permet d’estimer et de comprendre l’efficacité du service. Dès lors, nous nous intégrons donc dans une stratégie globale de marque employeur et de RSE.

Comment convaincre les DRH et les entreprises plus généralement ?

Les marchés de l’emploi et du recrutement sont en tension. Sur un grand nombre de secteurs, les entreprises se livrent une guerre des talents sans merci et cherchent à tout prix à retenir les leurs. En quelques années, le rapport de force entre candidats et entreprises s’est inversé et le rapport au travail a considérablement évolué. Les nouvelles générations envisagent leur activité professionnelle non plus comme une finalité  mais comme un moyen qui ne doit pas freiner leurs aspirations personnelles. Ce changement de paradigme soulève, entre autres choses, la question du bien-être au travail. Notre parallèle éprouvé entre bien-être et alimentation constitue donc un argument important.

Propos recueillis par Alban Castres