Dans son dernier rapport sur la gouvernance et la rémunération des dirigeants de sociétés cotées, l’AMF pointe du doigt les mauvais élèves. Le seul moyen pour elle de faire pression sur les entreprises.

Michel Combes d’Alcatel-Lucent, Bruno Lafont de Lafarge, Christopher Viehbacher de Sanofi... En 2015, les conditions de départ de certains dirigeants du CAC 40 ont prêté à polémique avec des sommes importantes versées qui ne respectaient pas toujours les conditions contraignantes attachées aux indemnités. Pour l’Autorité des marchés financiers (AMF), le code fixé par l’Afep-Medef n’est pas assez précis. Benoît de Juvigny, secrétaire général de l’autorité, plaide pour « la publication d’un communiqué de presse détaillant les indemnités de départ pour tous les dirigeants quittant leur fonction. Il n’est pas normal que nous devions passer des heures sur le site Internet de ces compagnies pour trouver les informations. La transparence doit être au centre de la rémunération des dirigeants. »

 

Dirigeant, toujours gagnant ?

 

L’AMF met également en avant la contradiction dans la mise en œuvre des différents éléments de rémunération octroyés par le conseil d’administration. Le P-DG est, en effet, traité soit comme quittant le groupe, ce qui lui permet de prétendre à une indemnité de départ, soit comme restant afin de pouvoir bénéficier de son régime de retraite supplémentaire. Bien sûr, à chaque fois, l’approche choisie est favorable au dirigeant.

 

Autre sujet d’inquiétude pour l’AMF : le « say on pay ». Cette possibilité donnée aux actionnaires de se prononcer, a posteriori, sur la rémunération des dirigeants ne fait pas encore l’unanimité au sein des grands groupes cotés. Malheureusement, comme elle le concède elle-même, l’AMF n’a aucune autorité en la matière. Pas plus d’ailleurs que le haut comité de gouvernance d’entreprise (HCGE) mis en place en octobre 2013 pour surveiller l’application du code Afep-Medef.

 

 

Une approche « souple »

 

Comment alors faire bouger les lignes ? Deux solutions : les médias et la législation. « En relayant l’information auprès de l’opinion publique, la presse peut faire pression sur les sociétés. Aucune d’entre elles n’aime avoir de la mauvaise publicité », insiste Benoît de Juvigny. Moyen plus radical, la législation permet d’aller encore plus vite. La féminisation des conseils promue par la loi Copé-Zimmermann a entraîné une modification du code de gouvernance. Résultat, dans l’échantillon analysé par l’AMF, 31,5 % des membres des conseils d’administration étaient des femmes, contre 28 % un an plus tôt. Pour rappel, le gouvernement indiquait que ce pourcentage devait atteindre 20 % au 1er janvier 2014 et 40 % en 2017. Un objectif parfaitement atteignable au vu des récentes évolutions. Preuve qu’en contraignant la législation sait être efficace.

 

Une éventualité que l’Afep et le Medef balaient aussitôt. Selon eux, une loi serait trop complexe à appliquer en matière de rémunération. L’approche « souple » d’un code de conduite permet quant à elle d’adapter au mieux les règles aux réalités des entreprises. Une jolie façon d’esquiver le problème. Du côté de l’AMF, on préfère regarder le verre à moitié plein. « Ce petit nombre de cas ne doit pas masquer une courbe de progression réelle en termes de gouvernance et de de transparence au sein des entreprises », conclut Benoît de Juvigny.

 

V. P.