Marina Baillon, directrice générale en charge du développement chez Smartside, nous parle d'une méthode innovante de plus en plus utilisée par les entreprises françaises : le storytelling.

Décideurs. Quelle est la genèse de Smartside ?

 

Marina Baillon. Initialement, Smartside était à la fois un cabinet de conseil en stratégie de marques et un institut d’études. C’est à la suite d’une présentation innovante pour un client que ce dernier nous a demandé de le former, interpellé par la présentation réalisée pour son projet. L’histoire a commencé ainsi.

 

 

Décideurs. Pourquoi cette présentation avait-elle tant marqué le client ?

 

M. B. Parce que nous lui avions raconté une histoire. Yaël Gabison, la fondatrice du cabinet – ancienne journaliste, directrice marketing puis à la tête d’une agence de communication, devenue scénariste – utilisait déjà des méthodes de scénaristes de séries télévisées pour écrire ses présentations. C’est comme ça qu’elle a formalisé une méthode applicable par tous : la méthode Storyleader* qui interprète le storytelling, utilisé en communication, et particulièrement développé aux États-Unis.  Cette technique innovante, ainsi formalisée pour un client, est devenue le cœur de l’activité de Smartside.

 

 

Décideurs. Quels sont les fondements de la méthode ?

 

M. B. La méthode est basée sur un constat simple : nous avons tous une part héroïque en nous que nous appelons le leadership chez Smartside. Notre idée : développer cet acquis. Cette qualité s’appuie essentiellement sur la capacité de mettre en mouvement les autres. Pour cela, nous avons déterminé trois axes de travail : communiquer avec la méthode Storyleader, manager comme un leader (la méthode du héros*) et rendre la vente plus intime et puissante (la méthode Storyseller*).

 

 

Décideurs. Comment le monde corporate réagit face à cette approche innovante ?

 

M. B. Dans certains groupes, de luxe notamment, le storytelling et les histoires sont innés. Voyez leur façon de vendre leur produit : raconter des histoires autour d’un sac ou d’un parfum, c’est inscrit dans leur ADN marketing. Ils appréhendent donc très bien la méthode qui leur permet de formaliser la créativité de ces grandes maisons. Pour d’autres, dans l’industrie notamment, la démarche est moins naturelle mais reconnue comme étant très efficace depuis quelque temps. C’est parce que nous avons fixé un cadre, que nos méthodes s’appuyant sur le storytelling font rapidement leurs preuves au quotidien et que tous les secteurs s’y adaptent désormais très bien. Au-delà de ça, l’une des vertus de la méthode est de devenir un véritable langage commun entre toutes les populations – commerciaux, financiers, marketing et autres communicants – de l’entreprise.

 

Cependant, aujourd’hui, nous sommes tellement aguerris aux secrets de la construction des histoires que notre savoir-faire commence à s’étendre aux grands projets de transformation. En effet, dans un contexte économique en constante mutation, nous accompagnons, depuis peu, les grands groupes dans ce type de projets. Nous les guidons afin qu’ils racontent la bonne histoire à leur salariés. Il nous arrive, lors d’une fusion, par exemple, moment souvent anxiogène pour des collaborateurs, de les accompagner à reconstruire, reconnaître et s’approprier de nouvelles histoires, celles de leur avenir. L’objectif est alors de rassurer et d’impliquer.

 

Dans ces cas-là, nous travaillons généralement avec le comité de direction pour définir tous les ingrédients de la construction d’une histoire vraie, inspirante mais surtout convaincante pour ensuite la déployer auprès des collaborateurs.

 

 

Décideurs. Le storyteller est-il nécessairement un bon orateur ?

 

M. B. Il y a une vraie différence entre l’orateur qui prononce un discours et qui possède pour cela des qualités oratoires spécifiques et le storyteller qui est là pour faire passer d’abord une émotion, puis un message.  Nous travaillons beaucoup sur les émotions et les signaux à émettre en fonction des personnalités : on ne donne pas les mêmes conseils à Nicolas Sarkozy qu’à Carla Bruni. Un timide ne se sentira pas à l’aise dans l’exercice oratoire mais pourra exceller en tant que storyteller s’il se sert de ce qu’il est naturellement ; preuve de la différence qui existe entre un storyteller et un orateur.

 

 

Décideurs. Tout le monde est donc apte à devenir un storyteller ?

 

M. B. Ce n’est pas parce qu’on fait trois tours de stade qu’on peut courir le marathon, donc « oui » mais il faut s’entraîner.

* Toutes ces méthodes sont des marques déposées

 

Propos recueillis par Julie Atlan