Par Anne Morel, avocat associé. Bonn Steichen
Réputé pour offrir des salaires et des avantages attractifs à ses salariés, le Luxembourg caracole en tête des classements européens voire mondiaux dans le domaine. Bien que les rémunérations ne soient plus aussi intéressantes qu'avant la crise de 2008, les salaires restent tout de même d'un niveau élevé avec un salaire médian de 44 995 euros (1). Petit tour d’horizon des éléments clefs de la rémunération en droit luxembourgeois.

Le code du travail luxembourgeois (CT) définit en son article L.221-1 les termes de «?salaires et appointements?» comme «?la rétribution globale du salarié, comprenant, en dehors du taux en numéraire, les autres avantages et rétributions accessoires éventuels, tels que notamment les gratifications, tantièmes, remises, primes, logements gratuits et autres valeurs quelconques de même nature?».

Le salaire social minimum
Malgré la liberté de négociation existant entre l’employeur et le salarié lors de la fixation du montant de la rémunération, l’employeur est dans l’obligation de respecter les dispositions du CT concernant le salaire social minimum, ces dispositions étant d’ordre public. Ce salaire social minimum est fixé depuis le 1er octobre 2013 à 1 921,03 euros (index 775,17). Le taux applicable à ce montant varie en fonction de l’âge et de la qualification du salarié comme repris dans le tableau ci-dessous.
Un salarié qualifié est celui qui exerce une profession comportant une qualification professionnelle usuellement acquise par un enseignement ou une formation sanctionnée par un certificat officiel.
Lorsqu’un salarié exerce une profession comportant une qualification professionnelle usuellement acquise par un enseignement ou une formation sanctionnée par un certificat officiel mais qu’il ne dispose pas de ce certificat, il sera reconnu comme employé qualifié après dix années de pratique professionnelle dans ladite profession. Dans les professions où la formation n’est pas établie par un certificat officiel, le salarié peut être considéré comme salarié qualifié lorsqu’il a acquis une formation pratique résultant de l’exercice pendant au moins six années de métiers nécessitant une capacité technique progressivement croissante.
L’échelle mobile des salaires, l’indexation à l’évolution du coût de la vie
Le CT prévoit que «?le taux des salaires et traitements résultant d’une loi, d’une convention collective et d’un contrat individuel de travail est adapté aux variations du coût de la vie?».
Il s’agit là de l’application de l’échelle mobile des salaires, lorsque l’indice des prix à la consommation augmente ou diminue de 2,5?% au cours du semestre précédent, les traitements sont adaptés dans les mêmes proportions. En 2013, l’indexation a eu lieu au 1er octobre.

Les gratifications et primes
Si la gratification ou la prime est prévue par le contrat de travail ou la convention collective de travail applicable à l'entreprise, elle constitue alors un élément de la rémunération du salarié. L’employeur sera donc dans l’obligation de la payer. Si la gratification ou la prime n’est pas prévue par le contrat de travail ou la convention collective de travail applicable à l’entreprise alors le salarié qui entend la recevoir, doit apporter la preuve que la gratification constitue un usage constant.
L’usage constant suppose trois critères :
• La généralité : l’attribution de la gratification doit être faite à l'ensemble du personnel ou au moins à une catégorie de salariés déterminée se trouvant dans une même situation.
• La fixité : le mode de calcul de la gratification et donc le montant de la gratification doit être déterminé ou déterminable. Le mode de calcul doit rester le même chaque année.
• La constance : l’attribution de la gratification ne doit pas être occasionnelle mais intervenir pendant plusieurs années de suite.
Il y a lieu de souligner que, bien que ces trois critères soient réunis, l’attribution de la gratification ne pourra être qualifiée d’usage constant, lorsque l’employeur aura clairement affirmé le caractère discrétionnaire de l’attribution de la prime ou de la gratification et ce par différents moyens.

Les rémunérations dans le secteur bancaire et financier
La directive 2010/76/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24?novembre 2010, modifiant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (dite CRDIII), a été transposée en droit luxembourgeois au travers de deux circulaires (circulaires CSSF 10/496 et 10/497) obligeant les établissements de crédit et les entreprises d'investissement à mettre en place une politique de rémunération adéquate.
Il y a lieu d’entendre par «?rémunération?» toutes les formes de paiement ou de bénéfices versés directement ou indirectement au nom des établissements en échange de services professionnels rendus par les salariés (2). Sont ainsi compris tous les composants de la rémunération fixe et variable, tel que le versement d’argent ou de bénéfices (espèces, actions, obligations, cotisations de pension, rémunération par des parties tierces), assurance santé, indemnités spéciales pour la voiture ou le téléphone portable, prestations de pension supplémentaires accordées sur une base discrétionnaire par un établissement de crédit à un salarié et formant une partie de la rémunération variable de ce salarié.
La politique de rémunération a pour objectif une gestion du risque saine et effective et n'encourage pas une prise de risque excédant le niveau de risque toléré de l'établissement de crédit.
Les établissements de crédit et les entreprises d’investissement doivent donc établir un équilibre approprié entre les composantes fixe et variable de la rémunération totale. La composante fixe doit dès lors représenter une part suffisamment importante de la rémunération totale pour qu'une liberté complète puisse être exercée en matière de politique relative aux composantes variables de la rémunération, et notamment la possibilité de ne payer aucune composante variable.
Lorsque la rémunération varie en fonction des performances, son montant total est établi en combinant l'évaluation des performances de la personne et de l'unité d'exploitation concernées avec celle des résultats de l'ensemble de l'établissement de crédit.
L'évaluation des performances s'inscrit dans un cadre pluriannuel afin de garantir que le processus d'évaluation porte bien sur les performances à long terme et que le paiement effectif des composantes de la rémunération qui dépendent des performances s'échelonne sur une période tenant compte de la durée du cycle économique sous-jacent de l'établissement de crédit et de ses risques économiques.
La rémunération variable, y compris la part reportée, n'est payée ou acquise que si son montant est compatible avec la situation financière de l'établissement de crédit dans son ensemble et si elle est justifiée par les performances de l'établissement de crédit, de l'unité d'exploitation et de la personne concernée.



1- Chiffre publié par la Statec portant la structure des salaires de 2010 au Grand-Duché.
2- CEBS Lignes directrices sur les politiques et pratiques de rémunération