Jeudi 4 avril 2024, l’Assemblée nationale s’est prononcée sur la proposition de loi visant à interdire les PFAS sur le sol français. Le texte est adopté à l’unanimité mais exclut les ustensiles de cuisine du champ d’application de la future loi. Retour sur le contenu de la proposition.

Le 4 avril 2024, les substances per- et polyfluoroalkylées, dites PFAS, étaient inscrites à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale avec une proposition de loi du député Les Écologistes de Gironde Nicolas Thierry. Pour mémoire, ils s’étaient invités l’an dernier dans le débat par le biais d’un prélèvement de cheveux de 14 députés, tous contaminés aux “polluants éternels”. Après plusieurs heures de débat, la proposition a été adoptée en première lecture à l’unanimité par les élus avec 213 votants, dont 186 exprimés et aucun contre. Les parlementaires ont, en revanche, écarté l’utilisation des PFAS pour la fabrication des ustensiles de cuisine qui constituaient pourtant l’une des cibles principales du texte.

Au programme initial, quatre articles. Le premier prévoyait l’insertion d’un nouvel article dans le code de l’environnement pour interdire à compter du 1er janvier 2025, “la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché des produits contenant des PFAS”. Étaient notamment visés les textiles, les mousses anti-incendies, les produits en lien avec l’alimentaires, dont les ustensiles de cuisine, le matériel médical, etc. Les trois autres articles portaient sur l’instauration d’un contrôle de la présence de PFAS dans les eaux potables, la présentation de rapports un an après la promulgation de la loi proposant des normes sanitaires actualisées pour tous les PFAS ainsi qu'une trajectoire de dépollution, auxquels s’ajoutent les conséquences financières de la législation anti-PFAS pour les collectivités.

Remise en cause 

Le premier article a fait l’objet de vives critiques, notamment de la part de certains députés des groupes Renaissance et Les Républicains allant jusqu’à réclamer sa suppression quand d’autres le pointait du doigt. Au premier rang desquels, les industriels… et leurs salariés. La veille du vote à l’Assemblée nationale, la direction, les syndicats et les salariés du groupe Seb, propriétaire de Tefal, ont manifesté devant la chambre basse contre le texte. Pour eux, l’interdiction des PFAS entraînerait pour l’entreprise, suppression d’emplois et perte de compétitivité. Pour produire ses légendaires poêles Tefal, Seb utilise un polytétrafluoroéthylènes (PTFE) de la famille des PFAS. Si la loi venait à bannir ce composé, les usines risqueraient d’arrêter leur production et les sites de production français, de fermer. Pour Jean-Baptiste Perret, coordinateur de Seb au syndicat CFE-CGC interrogé sur France 3, ce texte agit comme une sanction et une “surtransposition du droit européen”, qui ne s’est pas encore prononcé sur leur interdiction. L’agence européenne des produits chimiques (Echa) se penche actuellement sur le sujet.  Interrogé par Le Monde, Nicolas Thierry estime à l’inverse que “cette loi est avant tout faite pour protéger les salariés qui sont en première ligne face à cette pollution. Les lobbys industriels essaient de faire peser une menace sur cette proposition de loi avec un chantage à l’emploi”.

Autre sujet d’inquiétude, celui du matériel médical contenant lui aussi des PFAS. La proposition de loi de Nicolas Thierry l’avait anticipé en prévoyant un régime d’exception : “en cas d’absence d’alternative, la présente interdiction ne s’applique pas au matériel médical et de santé”.

Alternatives

L’association Générations futures, fervent soutien de la proposition, détricote les arguments des opposants au texte. Il n’y a pas lieu de parler de “surtransposition” dès lors qu’aucune norme européenne n’interdit l’utilisation des PFAS.  En adoptant cette loi, la France ne ferait que suivre la voie ouverte par quelques États qui, comme le Danemark et le Pays-Bas, ont interdit l’usage des polluants éternels. Sans nier l’existence de risques pour l’emploi et la compétitivité de certaines industries, l’association rappelle que des alternatives aux PFAS existent déjà. Elles ont été identifiées par les cinq États européens ayant proposé à l'Echa d’interdire les PFAS sur le continent. Ces pays soutiennent que l’interdiction permettra au contraire aux entreprises de développer de nouvelles lignes de produits innovants, d’emporter ainsi des parts de marché et in fine de maintenir et, peut-être, d'augmenter les emplois. Dans ces conditions, “l’impact sur l’emploi, d’une interdiction dans les ustensiles de cuisine sera faible”, prédit Générations Futures.

Victoire en demi-teinte

Pour les députés écologistes, la majorité a “cédé aux lobbyings [du fabricant] Seb, au détriment de la santé des Français”, rapporte Le Monde. La sortie des ustensiles de cuisine fait dire à l’ONG Notre Affaire à tous que c’est une “nouvelle victoire des lobbies, Tefal en tête, appuyés par les députés de la majorité, de droite, et de l’extrême-droite”. L’heure n’est pourtant pas à la déception. Nicolas Thierry se réjouit : “Ce texte est une première avancée majeure, dont on peut collectivement être fiers. Pour la première fois, l’Assemblée nationale adopte un texte sur le fléau des polluants éternels”. Il en va de même de l’association Générations futures qui salue “une victoire emportée grâce à un travail collectif”.

Dans sa dernière version, le texte fait courir l’interdiction de ces composés à compter du 1er janvier 2026 pour la fabrication, l’importation et la vente de tout produit cosmétique, produit de fart (pour les skis) ou produit textile d’habillement contenant des substances per- et polyfluoroalkylées, à l’exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile. Prochaine étape pour la proposition de loi : l’examen au Sénat.

Chloé Lassel

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