Le brevet est une arme économique que, malheureusement, certaines entreprises ignorent encore. Généralement, elles méconnaissent le droit qu’il confère ou le considèrent à tort comme trop complexe et réservé aux ruptures technologiques. Un éclairage sur ces entreprises s’impose, notamment en exposant succinctement ce qui est protégeable par brevet dans le domaine de la santé et en présentant l’utilité pratique d’un brevet, en particulier pour les PME et start-up évoluant dans un environnement technologique très concurrentiel.

Un brevet confère un droit d’interdire à un tiers l’exploitation de l’invention, objet du brevet. Ce droit permet à l’entreprise propriétaire du brevet d’accorder des licences et de percevoir des redevances. Si l’entreprise exploite l’invention, le brevet lui fournit surtout un avantage compétitif souvent essentiel au succès commercial. L’exclusivité sur l’invention confère en effet un avantage concurrentiel aux produits ou aux procédés qui mettent en oeuvre cette invention. Le brevet est ainsi un atout économique largement utilisé dans le domaine de la santé. Pour les start-up, il est d’ailleurs souvent considéré comme un prérequis à toute levée de fonds.

En pratique, il est possible de protéger sensiblement toutes les innovations techniques dans le domaine de la santé, et notamment les innovations portant sur :

- un médicament, et en particulier sur les composants actifs du médicament, la formulation du médicament, sa forme galénique, les processus de production, la posologie, ainsi que les applications thérapeutiques pour le médicament ;

- un dispositif médical, tel qu’une prothèse, un implant, une broche, un dispositif d’acquisition d’images médicales ou de traitement de telles images, un instrument de mesure, un test de dépistage ou un équipement de diagnostic. Le brevet peut en particulier couvrir les aspects de conception, les matériaux utilisés, les processus de fabrication et, parfois, les utilisations de ces dispositifs ;

- un procédé d’acquisition de données médicales ou de traitement de telles données, par exemple en vue d’un diagnostic ou d’un traitement thérapeutique.

En pratique, il est possible de protéger sensiblement toutes les innovations techniques dans le domaine de la santé

Retenons que, a priori, toute solution technique à un problème peut faire l’objet d’un brevet. Certes, des pays prévoient des exclusions à la brevetabilité, mais celles-ci ne sont pas universelles. En particulier, elles ne sont pas les mêmes aux USA ou en Europe. En outre, ces exclusions sont généralement contournables. Par exemple, un brevet européen ne peut protéger une méthode de traitement thérapeutique, une méthode de diagnostic ou un logiciel "en tant que tel". Cependant, une analyse de la situation avec les inventeurs permet souvent de trouver une solution pour obtenir une protection utile, en dépit de ces exclusions. Par exemple, pour protéger un programme informatique en Europe, on peut revendiquer le procédé correspondant, ou l’instrument mettant en oeuvre ce programme.

De manière générale, un brevet peut donc être délivré pour toute invention qui, au moment du dépôt de la demande de brevet, est nouvelle et implique une activité inventive. Le critère de l’activité inventive n’impose pas une "hauteur inventive" minimale pour la délivrance d’un brevet. Si l’invention n’est pas suggérée par l’état de l’art, elle pourra être protégée par un brevet, même si elle est techniquement simple, ou si, a posteriori, elle paraît évidente. Cette considération est d’autant plus importante que l’intérêt du brevet ne se mesure pas à l’aune de l’originalité ou de la complexité technique de l’invention, mais dépend essentiellement de sa capacité à générer un profit économique. Une invention « basique » peut être ainsi plus utile à protéger qu’une invention géniale.

Une invention "basique" peut être plus utile à protéger qu’une invention géniale.

L’option d’un dépôt d’une demande de brevet ne devrait donc pas être écartée sans analyse éclairée, et notamment sous la seule intuition que "c’est trop simple ou trop évident pour être brevetable". Cette analyse peut être réalisée par un conseil en propriété industrielle (CPI, profession réglementée) spécialisé en Brevets. Le CPI est en effet un technicien, généralement un ingénieur ou un docteur en sciences, capable de comprendre l’invention et son intérêt. Il est aussi formé aux arcanes du droit des brevets de manière à rechercher, avec l’entreprise, la meilleure protection et à définir avec elle une stratégie de protection adaptée à ses besoins.

En conclusion, il faut retenir qu’un brevet peut être un facteur essentiel du développement d’une entreprise, que toute solution technique est potentiellement protégeable par brevet et qu’avant d’écarter l’hypothèse d’un dépôt d’une demande de brevet, il est prudent de recueillir l’avis d’un CPI. Cet avis est d’autant plus utile que les inventions dans le domaine de la santé, et en particulier les programmes informatiques, les méthodes de traitement thérapeutique et les méthodes de diagnostic peuvent faire l’objet d’exclusions de brevetabilité.

SUR L’AUTEUR 

Jérôme Sartorius est associé du groupe Ipsilon. Ingénieur de formation (IT, mécanique, matériaux), il est expert en brevets auprès de la cour d’appel de Paris, les cours administratives d’appel de Paris et Versailles, et le centre de médiation et d’arbitrage de l’Office mondial de la propriété intellectuelle. Il est également conseil en propriété industrielle et mandataire en brevets européens.