Après des procédures judiciaires engagées da bon nombre de pays, le système AdWords de Google s’est finalement retrouvé da les mai de la CJCE. La toute première décision, rendue le 23 ma 2010 à la suite de l’initiative des tribunaux français, oscille entre avancée, déception et espoir.

Après des procédures judiciaires engagées dans bon nombre de pays, le système AdWords de Google s’est finalement retrouvé dans les mains de la CJCE. La toute première décision, rendue le 23 mars 2010 à la suite de l’initiative des tribunaux français, oscille entre avancée, déception et espoir.



Le service Google AdWords repose sur l’achat de mots-clés qui, une fois introduits par l’internaute comme termes de recherche, déclenchent l’affichage de « liens commerciaux »  sur les pages des résultats. 

Tout mot-clé acheté pouvant correspondre à une marque, les conflits entre Google et les titulaires de marques n’ont pas manqué d’éclore devant les tribunaux de différents pays.

Le tout premier arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) du 23 mars dernier était ainsi particulièrement attendu au regard des hésitations jurisprudentielles et de la multiplication de ces procédures. 
 


POURQUOI L'INTERVENTION DE LA CJCE ?

Le nombre d’affaires impliquant le système AdWords de Google s’est accru en France depuis 2003 avec quatre périodes distinctes. De 2003 à 2006, la contrefaçon de marque était majoritairement retenue à l’encontre de Google et reposait sur la reproduction et l’usage non autorisés des marques de tiers au sein du système informatique proposé aux annonceurs. Certaines décisions considérèrent que l’atteinte provenait de l’affichage de la marque sur l’écran des internautes pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux du titulaire. 

De 2006 à 2007, la publicité trompeuse et la responsabilité civile prirent le relais. Pour les magistrats, l’intitulé « liens commerciaux » conduisait le public à croire à tort à l’existence de liens commerciaux entre le(s) titulaire(s) de(s) marque(s) et les annonceurs et à espérer des produits authentiques lorsqu’ils cliquaient sur ces liens. La responsabilité civile était quant à elle engagée à raison de l’absence de système permettant de s’assurer qu’un mot-clé choisi par un annonceur ne portait pas atteinte à des droits de marque. La contrefaçon de marque fut finalement de retour en 2007.



LES TROIS AFFAIRES SOUMISES A LA CJCE

Les affaires examinées par la CJCE et d’origine française reposaient sur l’affichage de liens commerciaux vers des sites proposant de faux produits lorsqu’étaient entrées les marques de Vuitton accompagnées de mots tels que ‘imitation’, ‘réplique’ ou ‘copie’ ou sur l’apparition de liens commerciaux vers le(s) site(s) de concurrent(s) en introduisant les marques des demandeurs dans les deux autres procédures. 

La contrefaçon de marque avait été retenue en première instance et en appel. La Cour de cassation décida de s’en remettre le 20 mai 2008 à la CJCE en lui demandant si :

• L’usage non autorisé d’une marque par un prestataire de service de référencement payant constituait un usage que le titulaire d’une marque était habilité à interdire ?

• Un tel usage ne constituait pas un usage que le titulaire d’une marque pouvait interdire, ce prestataire ne pouvait-il voir sa responsabilité engagée que s’il avait été notifié par le titulaire de la marque d’un usage illégal de cette marque ?

• L’usage par un annonceur qui sélectionne une marque comme mot-clé dans un service de référencement constituait-il une atteinte à cette marque ? 



UNE RESPONSABILITE DE GOOGLE EN DEHORS DU DROIT DES MARQUES

Pour la CJCE, aucun usage de marque n’est directement effectué par Google. L’avantage économique retiré par Google reste insuffisant pour considérer qu’il y a contrefaçon.

Google n’échappe pas toutefois à toute responsabilité. La CJCE considère que Google peut être qualifié d’hébergeur ou d’éditeur selon l’appréciation souveraine des juridictions nationales. Elles devront se prononcer au cas par cas et déterminer si Google joue un rôle actif (entraînant une responsabilité stricte) en connaissant et/ou en contrôlant les données stockées comme mots-clés ou si ses interventions restent techniques, automatisées ou passives (permettant une responsabilité atténuée).



UNE RESPONSABILITE DES ANNONCEURS SOUMISE AU DROIT DES MARQUES

Les annonceurs quant à eux sont condamnables pour contrefaçon de marque car, contrairement à Google, ils utilisent les mots-clés.

Cette responsabilité n’est cependant pas automatique. Le lien commercial ne doit pas ou difficilement permettre à un internaute moyen de savoir si les produits ou les services de l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise qui lui est économiquement liée ou au contraire s’ils émanent d’un tiers.

Cette question reste très circonstanciée et sera également appréhendée par les juridictions nationales sur la base d’une analyse au cas par cas.  L’emplacement où s’affiche le lien ou l’annonce par rapport à la position de la marque dans les résultats de la recherche pourra être un des facteurs pris en compte.


CE N'EST QU'UN DEBUT

La position de la CJCE est pour l’instant favorable aux moteurs de recherche et frustrante pour les titulaires de marques sur le terrain de la contrefaçon. La publicité trompeuse ou la responsabilité précédemment envisagés par la jurisprudence française conservent donc un intérêt certain pour agir contre Google qui devra également être vigilant quant à ses interventions sur les données stockées au regard de la qualification d’hébergeur ou d’éditeur. Les annonceurs, réservataires des mots-clés, sont de leur côté en première ligne. La situation reste de ce point de vue inchangée puisque la jurisprudence française accueillait déjà favorablement les actions pour contrefaçon de marque à leur encontre.

La jurisprudence communautaire a amorcé sa construction. Une seconde décision  est déjà intervenue le 25 mars pour conforter l’action de titulaires de droits contre des annonceurs pour des mots-clés similaires à leurs marques (l’arrêt du 23 mars se limitait à une identité). La CJCE doit encore statuer dans quatre autres procédures préjudicielles.

Combinées au nouveau personnage de référence (« l’internaute moyen ») et aux difficultés que celui-ci pourra avoir pour déterminer l’origine des produits ou services face à un lien commercial, la saga Google AdWords ne fait que commencer.

Juin 2010