Alo que le marché des LBO reprend des couleu après presque deux a de torpeur, c’est un industriel qui remporte Geoservices et permet à Astorg Partne, le fonds cédant, de multiplier par dix son investissement initial. Histoire d’une opération réussie.

Alors que le marché des LBO reprend des couleurs après presque deux ans de torpeur, c’est un industriel qui remporte Geoservices et permet à Astorg Partners, le fonds cédant, de multiplier par dix son investissement initial. Histoire d’une opération réussie.

La société Geoservices est née en 1958 du pari fait par trois ingénieurs fraîchement diplômés qu’une activité alors inexistante en France, le  mud-logging , pouvait trouver sa place aux côtés des grands groupes dans le paysage des services pétroliers.
Aventuriers dotés de l’inconscience nécessaire à l'audace, Gaston Rebilly, Edouard Cochet et Olivier Issenmann importent des états-Unis cette technologie qui n’était alors qu’un concept. Le mud-logging, ou « analyse des boues de forage » des années 1960, ne ressemble en rien à ce qu’il est devenu. Considérés comme des laveurs de cailloux, les ingénieurs-techniciens d’alors ramassaient les déblais de roche remontés des puits pétroliers en exploration, qu’ils analysaient à l’aide d’instruments rudimentaires pour évaluer la présence d’hydrocarbures et optimiser le forage.
La société Geoservices est née en 1958 du pari fait par trois ingénieurs fraîchement diplômés qu’une activité alors inexistante en France, le  mud-logging , pouvait trouver sa place aux côtés des grands groupes dans le paysage des services pétroliers.
Aventuriers dotés de l’inconscience nécessaire à l'audace, Gaston Rebilly, Edouard Cochet et Olivier Issenmann importent des états-Unis cette technologie qui n’était alors qu’un concept. Le mud-logging, ou « analyse des boues de forage » des années 1960, ne ressemble en rien à ce qu’il est devenu. Considérés comme des laveurs de cailloux, les ingénieurs-techniciens d’alors ramassaient les déblais de roche remontés des puits pétroliers en exploration, qu’ils analysaient à l’aide d’instruments rudimentaires pour évaluer la présence d’hydrocarbures et optimiser le forage.

Plus de cinquante ans après, le nom de Geoservices est devenu la quasi-traduction du terme mud-logging. Leader de cette activité, qu’elle a professionnalisée au fil des années, la société est désormais présente dans plus de cinquante pays et a réalisé 490 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2009. Elle a également développé deux autres lignes de service : l’intervention sur puits (« well intervention »), dominée par le slickline (une technologie basée sur l’utilisation d’un câble lisse), permet d’optimiser les coûts d’exploitation ; la seconde, l’entretien de puits (« field surveillance »), comprend la maintenance des installations, la maîtrise d’œuvre de l’exploitation des champs pétrolifères ainsi que la rationalisation de la production.

Retour sur un LBO vertueux

Bien que florissante, l’activité de Geoservices n’a pas toujours présenté un tel profil de rentabilité. Si les dirigeants successifs ont su privilégier la R&D (recherche et développement), qui leur a permis de toujours tenir la corde technologique, la gestion de la société laissait nettement plus à désirer. En 2005, lorsqu’Astorg Partners propose 300 millions de dollars en valeur d’entreprise pour acheter Geoservices, elle se trouve en situation de cash-flow négatif depuis trois ans. « Toutes les compétences opérationnelles étaient là, la R&D était très performante, mais la société n’était pas du tout gérée au niveau financier », commente Joël Lacourte, associé d'Astorg Partners en charge de l'investissement et du suivi de Geoservices. Un point de vue que partage Philippe Salle, directeur général du groupe arrivé à sa tête en mai 2007 : « C’était une pépite à s’offrir. » Une pépite qu’Astorg s’emploiera à polir avec autant de soin qu’un mud-logger apporte à l’analyse des roches. De nombreux chantiers sont lancés : recrutement d’une nouvelle équipe de managers, mise en place d’outils de pilotage et de gestion, optimisation du besoin en fonds de roulement, réorganisation des fonctions support. Grâce à ces mesures, la croissance interne est rétablie en peu de temps et Geoservices se lance dans une restructuration de ses lignes de métiers. Celle-ci la conduira à cèder son activité de well testing tout en procédant à des acquisitions locales pour renforcer ses métiers existants. Elle s’engage également dès 2008 dans le refinancement de la dette du LBO de 2005.

Bien qu’orchestrées par Astorg, ces évolutions n’échappent pas à l’œil attentif de Gaston Rebilly. Le fondateur, resté actionnaire via la Compagnie Geofinancière, avait tenu à ce que le rachat par Astorg lui permette, par des liens juridiques et psychologiques, de garder un poids et une influence dans les décisions concernant Geoservices.


Le bal des prétendants

C’est en 2007 qu’Astorg recevra la première offre de rachat. à l’époque, la société pétrolière chinoise CNOOC, qui opérait déjà sur la base d’une joint-venture avec Geoservices en Chine, propose 800 millions d’euros pour acquérir la société. Le même montant que payera Schlumberger trois ans plus tard, comme le souligne Joël Lacourte, « c’est CNOOC qui a placé le curseur ». Cependant, pour le fonds qui n’a pas encore achevé son travail de réorganisation, l’offre est prématurée. D’autres manifestations d’intérêt plus ou moins formalisées suivront à intervalles réguliers, sans succès. Ce n’est qu’en 2008 qu’Astorg prend la décision de céder sa participation, tout en manifestant son souhait de réinvestir dans la société.
 


En avril-mai, le fonds mandate la banque d'affaires Goldman Sachs pour l’accompagner dans la cession de Geoservices. Vingt candidats acquéreurs s’inscrivent dans le process et travaillent leur copie.

Dès le mois d’août, Schlumberger tente de doubler ses concurrents et lance aux côtés de First Reserve (une société d’investissement spécialisée dans le secteur énergétique) une offre préemptive. Offre dont ni la forme ni la structure financière ne satisfont Astorg, qui la refuse. D’autant que Geoservices vient de réaliser quatre acquisitions qu’elle travaille à intégrer, ce qui repousse l’horizon de cession à la rentrée 2008.
Une rentrée marquée par le seau d’eau glacée que fut la faillite de Lehman Brothers sur des marchés déjà contractés par la crise économique. Dans ce contexte qui rend impossible pour Astorg la réalisation de la transaction dans de bonnes conditions, le fonds décide de reporter l’opération à des temps meilleurs.

Offre 100% industrielle et paiement en cash

En novembre 2009, alors que les marchés de crédit se restaurent peu à peu, Schlumberger revient à la charge pour entamer les discussions qui, cette fois-ci, seront les bonnes. Si le cadre exclusif demandé par la société fait hésiter les actionnaires, deux aspects seront décisifs dans l’accord final : la nature 100 % industrielle de l’offre et le paiement en cash de l’acquisition.
D’un point de vue industriel, le rapprochement semble cohérent : il permet à Schlumberger d’ajouter à sa gamme de services le mud-logging, une activité qu’il avait d’abord développée puis cédée en 2001… à Geoservices. Quant au slickline, la seconde activité de Geoservices en termes de chiffre d’affaires, Schlumberger pourra l’apporter à sa propre division concurrente de wireline.

Au-delà des synergies technologiques, les valeurs des deux sociétés sont également en ligne puisque d’après Philippe Salle, « Schlumberger et Geoservices possèdent un ADN et des valeurs communes. Pour les équipes, il paraissait naturel d’aller vers Schlumberger. D’ailleurs, sur le terrain, ils travaillent déjà souvent ensemble ! » De plus, l’acquisition par Schlumberger présente cet avantage sur un LBO secondaire de mettre à disposition de Geoservices la force de frappe d’une multinationale. Elle lui permettra d’accélérer son développement interne et d’envisager un rythme de croissance externe que le remboursement d’une nouvelle dette de LBO aurait rendu impossible. D’un point de vue financier, le paiement en cash par une société de la taille de Schlumberger constitue un élément de confort important pour les actionnaires. Le niveau de trésorerie du géant des services pétroliers suffit en effet à dissiper toute inquiétude quant à sa capacité de financement (4,6 milliards de dollars de trésorerie brute au 31 décembre 2009, dont 3,8 milliards de dollars de lignes disponibles).


D’âpres négociations

Les actionnaires sont vendeurs, mais pas à n’importe quel prix, ni dans n’importe quelles conditions. Fatine Layt, président et associé gérant de Oddo Corporate Finance, le conseil de la famille Rebilly, commente : « Nous avons travaillé tous ensemble pour aligner les intérêts des managers, du fonds, et de la famille. » Des intérêts qui ne convergaient pas forcément. Cyrille Harfouche, associé gérant de Rothschild & Cie qui intervenait aux côtés de Schlumberger, décrit ainsi son rôle dans les négociations : « La complexité des deals réside souvent dans la diversité des intervenants. Ici, les parties ont construit des ponts pour rapprocher leurs critères industriels et économiques. »

Un travail de pédagogie donc, de conviction, mais aussi de coordination en raison du grand nombre de managers intéressés au capital. Un travail de précision également, notamment dans la rédaction de l’offre définitive. Sa formalisation, qui prendra plus de deux mois, impliquera un prix fixe de 1,07 milliard de dollar, très peu de conditions suspensives et aucune garantie de passif pour Astorg.
Une fois les conditions fixées, le processus sera quant à lui très rapide. Les diligences sont réalisées en six semaines et le closing interviendra fin avril, une fois obtenu l’aval des autorités de la concurrence. L’opération, saluée par les analystes financiers, valorise finalement Geoservices 2,2 fois son chiffre d’affaires et 11 fois son Ebitda de 2009 (multiples de valeur d’entreprise). Quant aux investisseurs de 2005, elle leur permet de multiplier par dix leur mise de fonds (selon les informations communiquées par Astorg).


Une sortie en forme d’exemple

Le parcours est sans faute pour Geoservices. Fondée par un entrepreneur téméraire qui a su identifier une technologie d’avenir, cette société familiale a trouvé en Astorg un partenaire financier qui se considère comme une « holding industrielle », d’après Joël Lacourt, pour l’accompagner dans la rationalisation de son activité. Aujourd’hui, le rachat par le leader mondial des services pétroliers consacre la réussite de la société et lui assure les moyens d’une nouvelle phase de développement. « C’est un honneur pour un entrepreneur individuel d’être racheté par le leader mondial », estime Fatine Layt, d’Oddo Corporate Finance.
Une sortie dont Céline Méchain, managing director de Goldman Sachs (la banque conseil d’Astorg Partners) juge qu’elle fait figure d’exemple : « Aujourd’hui, dans le cadre d’une sortie de LBO, une grande partie de notre travail consiste dans l’analyse de l’univers des potentiels acquéreurs industriels. Pour un fonds, il serait dommage de ne pas explorer toutes les voies stratégiques avant d’envisager un autre. » Un commentaire qui résonne comme une épitaphe pour les LBO multi-générationnels caractéristiques des années pré-crise, et signe l’avènement d’une nouvelle voie préférée de sortie pour les sociétés sous LBO, une voie industrielle.
 

Mai 2010