La crise financière a beau avoir momentanément éclipsé le thème de la protection de l’environnement, les entreprises n’ont jamais autant communiqué sur leur responsabilité sociale et environnementale (RSE).
La crise financière a beau avoir momentanément éclipsé le thème de la protection de l’environnement, les entreprises n’ont jamais autant communiqué sur leur responsabilité sociale et environnementale (RSE). Et pour cause : soumises à des exigences accrues de transparence, elles sont également conscientes qu’une révolution éthique est en marche.

Lors de leurs assemblées générales, les groupes du CAC 40 ont consacré deux fois plus de temps à la RSE en 2010 qu’en 2009, affirme Capitalcom. De plus en plus d’entre eux abordent leur performance environnementale et sociale, aux cotés de leur performance financière, lors des présentations de résultats. L’ouragan financier de ces dernières années semble paradoxalement avoir soufflé un vent nouveau sur le déploiement de politiques socialement responsables.

Pourtant, le concept de RSE n’est pas nouveau. Il fait son chemin depuis plusieurs décennies déjà, et désigne selon la Commission européenne le fait pour les entreprises d’avoir « engagé, en collaboration étroite avec leurs parties prenantes, un processus destiné à intégrer les préoccupations en matière sociale, environnementale, éthique, les droits de l’homme et des consommateurs dans leurs activités commerciales et leur stratégie de base ».

Le siècle de la transparence

Il s’agit d’une part d’un mécanisme permettant de regagner ou conserver la confiance des consommateurs, à mesure que celle-ci se dégrade dans un contexte de crise. Ces derniers attendent en effet des entreprises qu’elles agissent de manière plus éthique : comme l’explique l’avocat Emmanuel Drai, « les États ne peuvent pas intégrer directement les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) à leur échelle, c’est donc aux entreprises, en tant qu’entités profondément intégrées au tissu socio-économique, de le faire ».

En structurant l’offre des entreprises, cette demande émanant du public a peu à peu créé un droit coutumier, peu à peu converti en droit écrit par les États ou les organisations internationales. Un tournant important a ainsi été franchi au début des années 2000, avec le développement des premiers référentiels de reporting nationaux et internationaux, qui n’ont cessé depuis, dans un contexte de crise, de renforcer les incitations à la transparence en matière d’information extra-financière.

Ces nouvelles exigences expliquent en partie l’essor actuel de la RSE. Elles font en effet entrevoir aux entreprises concernées l’impact financier positif de la préservation des pratiques prenant en compte les critères ESG. Désormais évaluées par des agences de notations extra-financières et scrutées par des investisseurs socialement responsables (les fonds ISR) ayant intégré cette nouvelle vision, elles ont conscience qu’une stratégie efficace de gestion des risques ne saurait faire l’économie de la RSE.

Responsabilité vs profit ?

Difficile toutefois, pour les organisations de toutes dimensions, de s’adapter rapidement à ces nouvelles normes. La RSE a beau « ne pas être réservée aux grande entreprises », comme le souligne Sophie Thiéry, la directrice du département Audit de Vigéo, la mise en place opérationnelle de dispositifs de responsabilité sociale doit passer après bon nombre d’autres priorités dans la plupart des PME. Et peut par ailleurs se heurter par ailleurs dans les grandes multinationales où le niveau de flexibilité est moindre à des difficultés de mise en place en place opérationnelle.

Autre obstacle, de taille : si le concept de RSE progresse dans l’ensemble dans toutes les économies matures, on ne peut pas en dire autant des pays émergents. Ce qui pose un problème évident aux entreprises européennes et américaines désireuses de maintenir leur compétitivité face à la concurrence accrue des acteurs du nouveau monde. Ceux-ci continuent en effet de privilégier la création de valeur sur le court terme, à l’opposé des entreprises socialement responsables qui lui préfèrent des stratégies de long terme, pouvant parfois amoindrir la rentabilité capitalistique immédiate.

Or, Milton Friedman ne déclarait-il pas que « la responsabilité sociale d’une entreprise est d’accroître ses profits » ? Ce point de vue est encore largement répandu dans les économies en forte croissance…. Mais aussi aux États-Unis, pourtant pionniers de la RSE. Preuve que si le concept de responsabilité sociale ne connaît pas la crise, il devra, pour s’ancrer durablement dans les proccess opérationnels, composer avec un certain pragmatisme.



La RSE dans le Monde
1977. La déclaration tripartite de l’organisation internationale du travail (OIT) sur les entreprises multinationales lance le concept de RSE
1997. Le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) lance la Global reporting initiative dont l'objectif est d'élaborer une standardisation de normes pour la rédaction de rapports environnementaux et sociaux.
2000. Lors du Forum économique mondial, Kofi Annan lance le Global compact (Pacte mondial), un code de conduite qui comprend dix principes que les entreprises doivent s'engager à respecter.
2004. Publication de la version actuelle de la norme internationale ISO 14 000, relative au mangement environnemental.
2010. Publication de la norme internationale ISO 26000, relative à la responsabilité sociétale des organisations.
2011. Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, qui comprennent depuis 1976 des recommandations en matière de RSE, sont mis à jour et renforcés.

La RSE en France
2001. L’article 116 de la loi NRE du 15 mai 2001 introduit l’obligation, pour les sociétés cotées, de compléter leur rapport annuel de gestion par une série d'informations environnementales et sociales limitativement fixée par décret 2002-221 du 20 février 2002 et arrêté du 30 avril 2002.
2010. L’article 225 de la loi Grenelle II renforce les exigences de publication en matière de RSE. Il étend au-delà des sociétés cotées la base des entreprises ayant l’obligation de présenter un bilan social et environnemental dans leur rapport annuel dès 2011. Il laisse à un décret ultérieur le soin de préciser le champ exact d’application de cette disposition.
2011. Un projet de décret d’application fixe à 5 000 salariés le seuil au-delà duquel les entreprises devront rédiger leur rapport annuel social et environnemental, et repousse la réforme des obligations de reporting à 2013.