Les licornes se multipliant, un fonds de capital venture décidait en 2022 de créer un sous-ensemble d’entreprises plus rares constitué de celles capables de dégager plus de 100 millions de dollars de revenus récurrents. Une rentabilité qui permet à ces start-up de tirer leur épingle du jeu et de mieux recruter.

Entre 2020 et 2021, le nombre de licornes dans le monde a augmenté de 120 %. Sur cette période, une licorne et demie émergeait chaque jour, portant à plus d’un millier le nombre d’équidés à corne qui parcouraient l’univers. Dès lors, la rareté ne faisait plus partie de leurs attributs. Bien que la valorisation de ces entreprises dépasse le milliard de dollars, dans son rapport "The State of the Cloud 2022", Bessemer Venture Partners notait que le chiffre d’affaires d’un certain nombre d’entre elles ne dépassait pas le million d’euros. "L’abondance de capitaux a créé un environnement où les valorisations ont quelque peu perdu de leur sens. La seule chose que l’on puisse vraiment conclure à propos d’une licorne aujourd’hui est sa capacité à susciter l’intérêt des investisseurs", estime le fonds de capital-risque. C’est pourquoi Bessemer propose depuis deux ans un nouveau jalon à atteindre sur la base d’une métrique plus rationnelle : les revenus. Le nom de ce "nouveau sous-ensemble d’élite du troupeau croissant de licornes" ? Les centaures.

100 millions de dollars de revenus annuels récurrents

Le fonds définit un centaure par sa capacité à dégager 100 millions de dollars de revenus annuels récurrents (ARR). Ce seuil atteint, nous pouvons estimer qu’une entreprise "dispose d’un produit adapté au marché, d’une stratégie de commercialisation évolutive et d’une base de clients en pleine croissance". Pour 2022, Bessemer identifiait environ 50 nouveaux centaures (il en prédisait 70), portant à 200 le nombre de ces animaux fantastiques.

"Cela rassure les collaborateurs de savoir que nous dégageons plus de 100 millions d’euros d’ARR"

Si à l’origine Bessemer mettait en avant uniquement les SaaS (notamment car l’ARR a du sens pour évaluer les performances du secteur auquel il s'intéresse), d’autres entreprises peuvent désormais également considérées comme des centaures. C’est le cas en France de Doctolib, d’Alan, d’Exotec ou encore de Brevo. Pour cette dernière, la bonne nouvelle est tombée en décembre 2022. Depuis, l’entreprise française a atteint les 142 millions d’euros d’ARR et vise le milliard d’ici à 2030, grâce à une croissance autour de 35 % comme elle en dégage chaque année depuis sa création en 2012. De quoi rivaliser avec un Salesforce en proposant à de petites comme à de grandes entreprises une solution pour gérer toute leur relation client.

D’autres modèles

Bien qu’ambitieuse, Brevo a été sortie du Next40 en 2022 au moment où les licornes et les entreprises qui levaient beaucoup de fonds se sont vu privilégier. En 2023, les critères ont évolué afin d’obtenir une sélection plus équilibrée et de donner davantage de poids à la rentabilité. "J’ai démarré avec une agence web grâce à laquelle j’ai pu financer le développement de notre produit. Nous avons grandi doucement les premières années et tout s'est accéléré en 2014, suivi d'une première levée de 30 millions d’euros en 2017. À ce moment-là nous étions presque à l’équilibre, raconte Armand Thiberge, président fondateur de Brevo. Quand on est entrepreneur, on a des salaires à payer et, généralement, on souhaite rester indépendant. Ce n’est pas intuitif de perdre de l’argent. Pour prendre la première place dans des marchés de monopoles, les entreprises du secteur de la tech sont allées très vite, soutenues par les VC. Mais c’est un modèle d’entreprise très particulier. Nous, nous sommes sur un modèle qui n’est pas aussi gourmand en capitaux."

En quoi ce nouveau statut de centaure peut-il aider les entreprises ? "Dans un contexte d’hypercroissance où tout peut s’écrouler, cela rassure les collaborateurs de savoir que nous dégageons plus de 100 millions d’euros d’ARR." Armand Thiberge insiste également sur sa "secret sauce" : toujours s’assurer d’avoir les bonnes personnes aux bons endroits, faire attention à eux, rester sur le terrain même quand on est à la tête de bientôt 1000 collaborateurs. Une stratégie qui lui a permis de centaure ? Peut-être bien !

Olivia Vignaud