Mardi 31 octobre 2021, Alexandre Nardella, directeur financier du mouvement démocrate et assistant tiers payant, était entendu par le tribunal correctionnel de Paris, dans le cadre du procès fleuve de certains membres du Modem pour détournement de fonds publics. Au menu, quantité de questions sur le système de rémunération des assistants parlementaires, et surtout, la négation persistante des accusations. 

C’est l’un des procès politiques de la rentrée. L’affaire un temps appelée “des emplois fictifs du MoDem” a démarré à la mi-octobre. Quinze jours plus tard, mardi, 31 octobre, le directeur financier du mouvement, Alexandre Nardella s’exprimait devant les juges du tribunal correctionnel de Paris et répondait aux nombreuses interrogations des avocats et du parquet sur le système de rémunération des assistants parlementaires, au cœur du dossier.

1,4 million d’euros d’argent public

Des questions qui s’appuient sur l’enquête ouverte il y a six ans en mars 2017 après une dénonciation d’une ancienne élue Front National, Sophie Montel, sur des emplois fictifs de collaborateurs de 19 de ses collègues, tous bords confondus, de la France Insoumise au MoDem. Au sein de ce dernier, Robert Rochefort et Marielle de Sarnez, décédée en janvier 2021, étaient notamment visés. Ce sont finalement François Bayrou, président du MoDem et dix autres personnes, dont Jean-Jacques Jégou et Michel Mercier, deux anciens trésoriers du MoDem, ou les ex-eurodéputés Jean-Luc Bennahmias, Janelly Fourtou, Thierry Cornillet, qui comparaissent pour "complicité" ou "recel de détournement de fonds publics". On leur reproche d’avoir utilisé des fonds européens pour rémunérer des assistants parlementaires d’eurodéputés qui auraient davantage (au moins à temps partiel) travailler pour le MoDem (ex UDF). Et ce, entre 2009 et 2014, à l’approche de la campagne présidentielle française de 2012 et des élections européennes de 2014. Selon le rapport d’enquête de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIIF), 1,4 million d’euros auraient été détournés.Un montant revu à la baisse par la suite. A l'issue de l'enquête, les juges d'instruction n'ont retenu que les contrats de six assistants parlementaires, pour un total d'environ 350.000 euros. Quant au Parlement européen, il a évalue le préjudice total à 293.000 euros, dont 88.000 ont déjà été remboursés, dans le cadre de la saisine du tribunal.

Le président du parti, François Bayrou est venu à l’audience. Assis au premier rang, il suit attentivement chaque minute de ce procès fleuve, complexe et technique. Depuis le début de l’affaire, l’ancien candidat à la présidentielle dénonce des allégations fausses, et nie l’existence d’un système ou de détournement. Pendant plusieurs heures, les interrogations s’enchaînent sur le système de paiement du personnel du parti. Alexandre Nardella, qui avait pour mission à l’époque de rendre les contrats de travail entre les eurodéputés et leurs assistants parlementaires conformes au droit français – comme expliqué au cours de l’audience – ne fléchit pas mais sa voix se perd parfois lorsqu’il doit revenir sur des agissements vieux de presque dix ans.

“Je n’étais pas parfait, merci de le souligner”

Quand le parquet demande pourquoi “plusieurs députés européens souvent nouvellement élus, souvent issus de la société civile” ont expliqué ne pas avoir été informés des éléments essentiels de ces contrats de travail, à savoir les éléments de rémunération et les conditions de travail, il rétorque que leur posture est “incompréhensible”. Même étonnement de sa part lorsque que le juge affirme qu’un ensemble de propos convergents laissent penser que c’était lui qui définissait le temps de travail et la rémunération. Plus tard, il acquiesce quand est abordé le sujet de sa “casquette RH” au sein du parti : “Oui, je m’occupais des bulletins de salaires, des congés”. Il ne se souvient pas avoir reçu d’ordre précis concernant la baisse du temps de travail, qu’il actait par des avenants, et explique qu’au parti, on frappe aux portes et qu’il n’existe pas de hiérarchie. Étonnement encore, mais du côté de l’accusation cette fois. “On vous a recruté justement pour sécuriser les relations de travail. Quand on passe d’un temps plein à un temps partiel, il faut que ce soit explicite, il faut des motifs.“ Et Alexandre Nardella de reconnaître : “Je n’étais pas parfait, merci de le souligner.” Ses déplacements à Strasbourg interrogent également : “À quoi se raccrochait ses notes de frais ?”L’intéressé se justifie : il établissait des notes de frais en qualité d’assistant du tiers payant (Michel Mercier, trésorier et tiers payant du MoDem jusqu’à 2009) pour le compte d’un député européen. “La preuve, c’est que le Parlement européen a toujours tout payé et n’a jamais rien dit.  C’était temporaire, je n’ai pas fait ça cent fois”.

Confiance

Des mails sont passés au peigne fin. Les questions posées à l’audience reprennent celle de l’instruction et dérivent parfois sur des problématiques de droit du travail, notamment lorsque sont mises en cause certaines signatures que le directeur financier aurait apposées sur des contrats en lieu et place de l’intéressé. Ce qui arrivait notamment pour certains documents de Marielle de Sarnez, qui avait “confiance en lui”. L’audience s’achève sur la programmation, lundi à venir, du prochain prévenu appelé à comparaître, Jean-Jacques Jégou, trésorier du MoDem de 2009 à 2022. Les prochaines s’étaleront jusqu’à la mi-novembre. Affaire à suivre.

Anne-Laure Blouin