Mardi 19 septembre, le Conseil constitutionnel a écouté l’avocat de François Fillon dans l’affaire des emplois fictifs lancée en 2017. Maître Briard a présenté ses griefs contre le mécanisme de purge des nullités qui a empêché l’ex-Premier ministre de critiquer les actes de l'instruction qui ont précédé son renvoi devant le tribunal correctionnel. Deux invités surprise se sont joints à la procédure pour leur propre affaire : les avocats de Nicolas Sarkozy et de Thierry Herzog.

Indépendance de la justice, secret professionnel et droits de la défense. Ce matin, mardi 19 septembre, l’avocat de François Fillon demande au Conseil constitutionnel s’il est "concevable en France" d’opposer à un justiciable la purge des nullités d’une procédure au motif qu’il les a découvertes trop tard, une règle posée par l’article 385 du Code de procédure pénale alinéa 1 selon laquelle il faut faire constater la nullité des procédures pendant l’instruction avant le renvoi devant le tribunal correctionnel. "On parle de notions importantes (…), d’écoutes d’avocats, de géolocalisation (…) La situation est parfaitement inacceptable", s’insurge l’avocat Romain Boulet, représentant de l’association des avocats pénalistes qui a, elle aussi, rejoint la procédure pour défendre les intérêts des justiciables ordinaires.

C’est lors du pourvoi en cassation de l’ex-Premier ministre en juin 2023 dans le cadre de l’affaire de l’emploi fictif de son épouse, Pénélope Fillon, que la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a été soumise à la Cour de cassation. L’affaire avait éclaté en 2017, pendant la campagne présidentielle, avec la mise en examen de François Fillon. En 2021, ce dernier avait demandé à la cour d’appel de Paris l’annulation de la procédure qui, selon lui, était entachée par les pressions subies par la procureure de la République financière de l'époque, Éliane Houlette. Celle-ci avait fait part des pressions exercées par sa supérieure, la procureure générale de Paris, à son encontre pour qu'une information judiciaire soit ouverte rapidement, en juin 2020, devant la commission d'enquête parlementaire sur l'indépendance du pouvoir judiciaire. 

La Cour de cassation a jugé la QPC assez sérieuse pour la transmettre aux juges de la rue Montpensier. Les sages ont donc écouté les arguments de l’avocat de l’ancien candidat à la présidence. Et ceux des avocats de Nicolas Sarkozy et de Thierry Herzog, impliqués notamment dans l’affaire des écoutes, lesquels ont saisi l’occasion, à l’instar de Romain Boulet, de se joindre à la procédure.

Front commun

Pour maître Patrice Spinosi, avocat de l’ancien président de la République, "la voie de l’abrogation de la disposition contestée est la plus orthodoxe". Les autres voies étant la conformité à la constitution et la réserve d’interprétation en faveur de laquelle la Première ministre s’est prononcée. La suppression de l’article 385 alinéa 1 du Code de procédure pénale permettrait de remettre en cause les procédures engagées à l’encontre de François Fillon, de Nicolas Sarkozy et de Thierry Herzog. Maître Romain Boulet renchérit : "Si on laisse passer ce qui s’est passé dans ces affaires, il n’y aura plus de barrières" à la toute-puissance du Parquet à qui il reproche un comportement déloyal consistant à réunir des éléments dans le "dos du justiciable" pour les lui brandir une fois que les nullités sont purgées. Les avocats de Nicolas Sarkozy et de Thierry Herzog invoquent une violation des droits de la défense, avec à l’appui les fameuses écoutes qu’ils jugent illégales. Et qu’ils n’ont pas pu faire annuler parce qu’on leur a opposé la clôture de l’instruction, instruction "secrète" dont ils n’avaient pas connaissance. Comment, questionnent les avocats, dans ces conditions, auraient-ils pu invoquer la nullité des écoutes et faire valoir leurs droits en temps utile ?

Un résultat très attendu

De concert, l’ensemble des avocats plaidants a critiqué le dispositif comme étant contraire au principe d’égalité devant à la loi et au droit à un recours effectif. Puisque dans une simple enquête préliminaire le prévenu peut soulever les nullités jusque devant le tribunal correctionnel, à la différence d’une enquête avec désignation d’un juge d’instruction où ce n’est pas possible. Un constat qui a conduit un membre du Conseil à se demander combien d’affaires correctionnelles étaient précédées d’une instruction. C’est là peut-être une manière de vérifier si l’enjeu de l’abrogation en vaut la chandelle. Un enjeu qui se trouve désormais entre les mains des sages, présidés par Laurent Fabius, et dont le nombre s’est réduit après le déport de certains juges comme Alain Juppé, François Pillet et François Seners qui ont sans doute préféré rester à l’écart de ces affaires. Si le Conseil constitutionnel se prononce en faveur de l’abrogation de l’article en cause, celle-ci s’appliquerait aux instances en cours comme le souligne maître François-Henri Briard. À celles de François Fillon, de Nicolas Sarkozy et de Thierry Herzog donc. Délibéré attendu le 28 septembre.

Mathilde Aymami et Anne-Laure Blouin