Améliorer la CJIP, contrôles déontologiques dans la fonction publique, limiter le transfert des compétences de l’AFA vers la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique… Les enseignants-chercheurs privilégient dans leur livre blanc “Pour une loi Sapin 3” le perfectionnement du dispositif Sapin à la création de nouvelles règles.

Trente ans après la loi Sapin 1 et sept ans après la loi Sapin 2, les juristes réfléchissent encore à la troisième version du dispositif anticorruption français. Peu partisanes de créer des dispositifs supplémentaires, des têtes pensantes de l’Observatoire de l’éthique publique et de la chaire de droit des contrats publics (Cédric Bernard, Jean-François Kerléo, François Lichère, Elise-Untermaier-Kerléo) préconisent plutôt des ajustements. Réunies dans un livre blanc, leurs principales doléances se comptent sur les doigts d’une main. Au nombre de cinq, elles englobent des conseils pratiques comme celui d’élargir le champ des emplois pour lesquels une personne issue du secteur privé devrait passer un contrôle déontologique. Ou celui d’interdire à certains responsables publics de pouvoir exercer une activité de représentation d’intérêts pendant les deux ans qui suivent la cessation de leur fonction ou de leur mandat. Du côté des passations des marchés publics, l’idée d’un registre national des opérateurs économiques non admissibles aux contrats de la commande publique a été lancée.

Ne pas nuire à l’efficacité de la lutte contre la corruption

La Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) est elle aussi dans le viseur. Pour les auteurs du document, il faut améliorer l’outil. Il s’agirait par exemple, au cours d’une enquête interne diligentée par la personne morale mise en cause, de renforcer les droits d’une personne physique auditionnée. Mais l’entreprise aussi pourrait voir ses droits renforcés dans l’optique de “favoriser la révélation spontanée de faits de corruption”. Pour ce qui est des autorités, Raphaël Gauvain proposait dans un rapport du 7 juillet 2021 de transférer à la HATVP les fonctions de conseil et de contrôle des acteurs publics. Et de laisser à l’AFA sa compétence en matière de conseil et de contrôle des acteurs économiques. L’Observatoire et la Chaire suggèrent au contraire de conforter les missions de conseil et de contrôle de l’AFA. Selon eux, un tel transfert pourrait “nuire à l’efficacité de la lutte contre la corruption”. Et d’expliquer que “la double compétence de l’AFA, qui lui permet de contrôler aussi bien les entreprises privées que les acteurs publics, lui permet d’appréhender le phénomène de corruption publique – qui se traduit par des flux entre les secteurs public et privé – dans sa globalité”.

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En matière de corruption la France “n’est qu’une relative bonne élève” – un constat que tire d’ailleurs le Greco. Elle n’atteint que le 21e rang du classement 2022 de l’Indice de perception de la corruption de Transparency International. Les infractions d’atteinte à la probité ont augmenté de 28 % depuis 2016 selon les chiffres du service ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) et de l’AFA. Une évolution qui s’explique toutefois par un élément positif : l’amélioration des dispositifs de détection de la corruption. Parmi les différentes infractions à la probité (trafic d’influence, prise illégale d’intérêts, détournements de fonds publics, favoritisme et concussion…), c’est celle de corruption qui a pris le plus d’ampleur. Elle grimpe de 46 % entre 2016 et aujourd’hui. En 2022, le montant annuel de la corruption était évalué à 120 milliards d’euros par an pour la France, soit environ 6 % du PIB.

Anne-Laure Blouin