Le gendarme français de la concurrence a publié début juillet son bilan pour 2022. Réduction du stock d’affaires en cours, virage pour aborder les problématiques concurrentielles sous le prisme du développement durable, retour sur le projet de rapprochement des numéros 1 et 2 de l’audiovisuel français… L’Autorité de la concurrence fait la promotion de son action dans un document haut en couleur.

“Prendre soin de l’avenir” : c’est le titre choisi par l’Autorité de la concurrence pour son bilan paru le 11 juillet dernier. L’ouvrage s’ouvre avec l’interview de Benoit Cœuré, le président de l’Autorité de la concurrence de l’Hexagone, et Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission européenne et commissaire chargée du numérique et de la concurrence. Il donne des chiffres aussi. Avec un budget de fonctionnement de 23, 16 millions d’euros, l’autorité a rendu 292 décisions et avis en 2022. Preuve d’une activité intense. Le nombre d’enquêtes ouvertes et de décisions adoptées sur le fondement du droit européen classe l’autorité française parmi les autorités nationales de concurrence les plus actives en Europe. Sans atteindre le record de 2020 (1785,5 millions d’euros), le total des amendes infligées en 2022 frôle les 500 millions (467,9 millions d’euros). Presque le double des 237, 5 millions de l’année 2018, et quasiment le triple du montant des 160,5 millions de 2013. Les prouesses du gendarme français ne s’arrêtent pas là. Selon une méthode de calcul fournie par l’OCDE, entre 2011 et 2022, l’Autorité de la concurrence aurait fait économiser 20 milliards d’euros à l’économie. Elle enregistre par ailleurs une baisse historique du nombre d’affaires en cours : 104 dossiers en 2022 contre 296 en 2002, ou 139 en 2013 et 2014. Un chiffrage qui démontre que le contrôle de la concurrence est une “affaire qui marche” en France.

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Écologisation de la politique de concurrence

Benoît Cœuré l’affirme : “L’année écoulée atteste une nouvelle fois du rôle proactif de l’Autorité de la concurrence dans le maintien d’un jeu concurrentiel ouvert et équitable sur le marché.” Son pouvoir de bienfaisance a vocation à irriguer des domaines plus larges que la concurrence au sens strict. La lutte contre les pouvoirs de marché excessifs constitue par exemple une réponse à la crise inflationniste. Une crise dans laquelle l’augmentation des profits des entreprises joue un rôle majeur selon le président de l’autorité. Le numérique figure aussi en tête de liste des préoccupations de l’autorité, avec notamment le DMA qui “marque un tournant dans la régulation par l’Europe des plateformes numériques”, selon Benoît Cœuré.  Les matières comme la RSE, la compliance, la conformité ou encore l’environnement ne sont pas en reste. Pour le président de l’autorité de la concurrence, “la conformité est devenue encore plus prégnante et l’on assiste à son développement croissant dans les entreprises pour des raisons stratégiques et d’image”. Et de poursuivre : “Ne soyons pas naïfs, si la démarche éthique en matière de concurrence favorise, in fine, un fonctionnement concurrentiel libre et non faussé de l’économie, elle permet, pour les entreprises, d’abord et surtout, une gestion optimisée des risques, tant financiers que réputationnels.”

Accord historique avec Meta

Autre domaine dans lequel l’Autorité de la concurrence s’investit : celui des lanceurs d’alerte. Elle est, depuis la loi Waserman du 21 mars 2022, compétente pour recueillir les signalements de pratiques anticoncurrentielles et a ouvert un chantier pour peaufiner sa participation au processus de l’alerte dans les entreprises. Du côté européen, Margrethe Vestager se félicite du rôle pionner de la Commission européenne “dans le débat sur l’écologisation de la politique de concurrence”. Bruxelles a d’ailleurs proposé un nouveau chapitre sur les accords de développement durable à l’occasion du réexamen des règlements horizontaux d’exemption par catégorie et des lignes directrices horizontales.

Faire un bilan, c’est aussi l’occasion de revenir sur ses succès. Il y a notamment l’obtention par la voie négociée des engagements de Meta en matière de publicité en ligne, ou de Google en matière de droits voisins. Ce bilan a permis de mettre en avant tout le travail réalisé pour anticiper les conséquences de l’acquisition potentielle de M6 par TF1 : les engagements annoncés ne suffisaient pas à écarter les problématiques concurrentielles, et les deux chaînes ont dû abandonner leur projet. C’est toutefois l’énergie et l’environnement, exæquo avec l’outre-mer, qui arrivent en tête des secteurs économiques dans lesquels l’autorité est le plus intervenue en 2022. Avec notamment une sanction de 300 millions euros pour abus de position dominante fixée dans le cadre d’une procédure négociée avec EDF.

Anne-Laure Blouin

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