L’application Yuka remporte une autre manche dans sa bataille judiciaire avec les producteurs de charcuterie. Le 7 juin 2023, la cour d’appel de Paris a infirmé un jugement du tribunal de commerce de Paris qui avait conclu à des pratiques déloyales et trompeuses de la part de la start-up.

Absence de dénigrement et sujet d’intérêt général. C’est en bref la position des juges de la cour d’appel de Paris adoptée le 7 juin 2023 dans l’affaire qui opposait l’application Yuka à la Fédération des industriels charcutiers traiteurs (Fict). La pétition proposée aux consommateurs par Yuka, l’association Foodwatch et la Ligue contre le cancer réclamant le retrait des nitrites de potassium E249, de sodium E250, des nitrates de sodium E251 et de potassium E252 contenus dans les charcuteries, ne constitue donc pas un acte de dénigrement - contrairement à ce qu'avait jugé le tribunal de commerce de Paris qui avait, en mai 2021, retenu des pratiques déloyales et trompeuses. La cour d’appel de Paris a débouté la Fict de l’ensemble de ses demandes et la condamne à verser 60 000 euros à Yuka au titre des frais de justice.

Pas d’appel au boycott

C’est une nouvelle déception judiciaire pour l’industrie de la charcuterie, déjà contredite par la Ccour d’appel d’Aix en Provence l’hiver dernier. Les juges s’étaient placés sur le terrain de la liberté d’expression pour donner raison à Yuka et invalider la thèse du tribunal de commerce qui avait condamné la start-up pour "pratiques commerciales déloyales" et "trompeuses" et pour "dénigrement", à la demande du requérant ABC Industrie. Là encore, la juridiction parisienne a considéré que “la réalité d’un sujet et d’un débat public d’intérêt général sur les conséquences en matière de santé pour les consommateurs de l’utilisation des additifs nitrés dans les charcuteries (…) de sorte que les allégations incriminées sur l’application Yuka (…) s’inscrivent dans le cadre d’un sujet d’intérêt général”. Selon elle la pétition “doit être protégée au titre du droit à la liberté d’expression dont il n’est caractérisé aucun abus“. Et elle ne constitue pas un “appel au boycott” comme le soutient le Fict. Selon Yuka, la pétition aurait recueilli plus de 450 000 signatures.

Teneurs en nitrites française inférieures à la règlementation européenne

L’entreprise Yuka, défendue par les avocats Louise Decarsin, François de Cambiaire et François Ronget, se félicite : “Aujourd’hui, la cour d’appel reconnaît que la finalité de Yuka est d’informer le consommateur afin de lui permettre de choisir les meilleurs produits pour sa santé, et que cette dernière est protégée par la liberté d’expression”. Pour Julie Chapon, co-fondatrice de l’application, “Yuka va désormais poursuivre son combat pour l'interdiction des nitrites. En mars, le gouvernement a cédé au lobby de la charcuterie en choisissant de réduire l’usage des nitrites plutôt que de les interdire. Le combat n'est donc pas terminé !” Julie Chapon fait ici référence au plan de réduction de l’utilisation des additifs nitrites/nitrates dans les aliments annoncé par le gouvernement pour répondre aux recommandations de l’avis de l’Anses sur les nitrites de juillet 2022. La Fict affirme  qu’“en France, grâce aux actions volontaristes des professionnels de la charcuterie, les teneurs maximales en nitrites sont déjà inférieures de 20% à la règlementation européenne.” Et qu’elles seront bientôt de 35 à 40 % avec le nouveau plan gouvernemental.

Anne-Laure Blouin