Deux a après l’éclatement de la crise, les cabinets d’avocats américai restent prudents. C’est en tout cas ce que révèle l’enquête réalisée par le magazine The American lawyer auprès des associés dirigeants des plus grandes firmes outre-Atlantique.

Deux ans après l’éclatement de la crise, les cabinets d’avocats américains restent prudents. C’est en tout cas ce que révèle l’enquête réalisée par le magazine The American lawyer auprès des associés dirigeants des plus grandes firmes outre-Atlantique. Tandis que cet examen de santé témoigne d’un optimisme ambiant - bien que fragile -, il révèle également une volonté générale de poursuivre la réduction des coûts.

A chaque nouvelle année son lot de bonnes résolutions, à chaque crise économique ses refrains du type « plus jamais ça ». C’est cette tendance qu’a révélée l’étude menée par la revue The American lawyer auprès des leaders des plus importants cabinets américains.
Au-delà de cette volonté de revenir vers plus de raison, la panique ambiante de 2009 semble passée. 66 % des associés dirigeants qui ont répondu au magazine spécialiste du marché juridique américain se disent optimistes pour l’année 2010. 68 % d’entre eux s’attendent même à une croissance de leur chiffre d’affaires par associé. Une croissance modérée toutefois, de l’ordre de moins de 5 %.

Autre signe d’amélioration : s’ils reconnaissent, pour plus de la moitié d’entre eux, que la crise financière et économique a profondément marqué le marché juridique national, ils ne sont plus que 25 % à avouer que la crise a impacté le business model de leur firme.


Entre optimisme et prudence.

À la lecture de telles statistiques, le plus gros de la crise semble donc derrière le monde des affaires. Pourtant, les cabinets interrogés poursuivront cette année encore leurs efforts d’optimisation des coûts. Les raisons de cette prudence sont claires : certains secteurs industriels ont bien repris, certes, mais d’autres moins. Les équipes banque et finance, ou encore immobilier restent en difficulté. Et les activités de contentieux n’ont pas permis de jouer le change au niveau des chiffres d’affaires des meilleurs cabinets américains.

Révision des politiques de capital humain

Après une année 2009 malheureusement riche en licenciements et autres fermetures de bureaux pour certains grands acteurs du marché US, 2010 devrait rester une année prudente en termes de croissance organique.
De manière globale, même si seulement 3,6 % des interrogés procéderont à d’autres licenciements en 2010, les équipes dirigeantes explorent surtout, pour 2010, de nouvelles politiques de ressources humaines avec en tête la réduction des effectifs de stagiaires et de jeunes collaborateurs, des politiques d’aménagement du temps de travail et surtout, une rémunération des collaborateurs revue à la baisse (tout particulièrement pour la première année de collaboration). Dans le même ordre d’idée, les modèles de lockstep sont remis à plat, à l’image des cabinets Reedsmith ou encore Orrick qui a par exemple introduit en juillet 2009 un nouveau talent model pour ses collaborateurs exerçant aux États-Unis. Désormais, trois étapes sont nécessaires pour atteindre le rang d’associé : collaborateur, collaborateur manager et collaborateur senior.

Pression croissante des clients.

Autre conséquence du climat économique de ces deux dernières années : les rémunérations des avocats sont aujourd’hui largement plus discutées par les clients qu’elles ne l’étaient auparavant. Pour 92 % des interviewés, la pression des clients quant à une baisse des coûts du recours à un avocat est croissante. D’ailleurs, 45 % d’entres eux ont procédé à des rabais pour leurs clients les plus importants.
Malgré ces données, 77 % des managing partners s’attentent à une augmentation de leur taux de facturation de l’ordre de 5 % pour l’année à venir.

Essor de nouvelles pratiques de facturation.

Une chose est sûre : le taux horaire ne constitue plus aujourd’hui le seul et unique outil de facturation. 88 % des leaders interrogés ont avoué avoir utilisé le modèle des montants forfaitaires en 2009, tout en insistant sur le fait que cette pratique de facturation a été développée à la demande de leurs clients. Ces résultats ont été confirmés par une autre enquête, réalisée par le magazine en association avec l’ACC (Association of corporate counsel) qui regroupe les directeurs juridiques des plus grandes sociétés américaines.
Premier enseignement de cette étude complémentaire : ce sont les directions juridiques qui ont été les initiatrices de ces « petits arrangements  » d’honoraire. 54 % des interrogés l’ont confirmé, seuls 3 % ont répondu que les cabinets d’avocats avaient eux-mêmes initié ces modifications. Pour l’entreprise, ces modes alternatifs de facturation permettent plus de contrôle et de visibilité que ne l’autorise la facturation au taux horaire.

Quels sont ces différents arrangements utilisés en 2009 ? On retrouve bien sûr les incentive ou success fee, le forfait par dossier, le forfait par étape de dossier, ou encore les conventions périodiques d’honoraires pour un portefeuille de services (en clair, un modèle gros volume petites marges). Mais celui qui a rencontré le plus de succès en 2009 reste le forfait.
En tout cas, quel que soit le mode de facturation choisi, les managing partners ont constaté un allongement des délais de paiement. 68 % des participants à l’enquête ont ainsi avoué que leurs clients avaient réglé leurs honoraires en retard en 2009. La tendance devrait se poursuivre en 2010, où la stabilité économique est loin d’être confirmée.

Et en Europe ?

Si les cabinets américains commencent à développer de nouveaux modèles de facturation et de rémunération, les bureaux européens - et a fortiori les implantations parisiennes - de ces mêmes firmes devraient connaître quelques remises à plat de leur système actuel. Déjà on observe, du côté des cabinets comme des directions juridiques français, un renouveau de la relation client-conseil. Si bien qu’aujourd’hui, le débat ne concerne pas tant le montant des honoraires mais bien la valeur ajoutée du travail opéré par l’avocat.
Désormais, dès la première rencontre entre l’avocat et son client, la question de la rémunération est abordée. Le directeur juridique allège sa liste de conseils extérieurs pour passer, à titre d’exemple, d’une centaine de cabinets à une trentaine seulement. Il négocie de plus en plus d’accords massifs auprès de son conseil car si l’entreprise s’engage dans une relation de longue durée auprès de son avocat, les honoraires pourront être réduits. À condition toutefois que le cabinet en question propose une palette complète de compétences…

Des deux côtés de l’Atlantique, et malgré une nette avance des États-Unis sur ce point, les cabinets d’avocats d’affaires sont donc sur le point de changer d’ère. Après le temps des taux horaires record, voici venu le temps de la négociation de budget et des relations de confiance entre le client et son conseil.