Depuis le printemps, les salaires des nouvelles recrues des plus grands cabinets d’avocats d’affaires, gelés depuis la crise, semblent repartir à la hausse. L’occasion de dresser un état des lieux des nouvelles méthodes de rémunération mises en place par les firmes au niveau international.

Depuis le printemps, les salaires des nouvelles recrues des plus grands cabinets d’avocats d’affaires, gelés depuis la crise, semblent repartir à la hausse. L’occasion de dresser un état des lieux des nouvelles méthodes de rémunération mises en place par les firmes au niveau international.

Il fut un temps où les plus grands cabinets d’avocats d’affaires, forts d’une croissance exponentielle basée sur des conditions économiques très favorables, embauchaient à prix d’or les meilleurs étudiants fraîchement sortis des écoles de formation du barreau. Il fut un temps où ces mêmes firmes gratifiaient leurs collaborateurs juniors à grand renfort de bonus exorbitants. Ce temps est désormais révolu.


Au temps du régime sec

Aux prémices de la crise, à l’automne 2008, les cabinets se sont serré la ceinture. Poursuivant un objectif de diminution des coûts, certaines firmes ont parfois décidé de fermer des bureaux pour concentrer leurs effectifs sur certaines régions jugées plus stratégiques. Au-delà de la révision de leur politique internationale, elles ont procédé, au pire, à des licenciements, au mieux, au report de leurs recrutements. Les rémunérations, elles, ont été revues à la baisse pour les nouvelles recrues, et le passage au niveau de rétribution supérieur a été gelé pour les jeunes collaborateurs.

 


Retour au beau fixe ?

Après plus d’un an de régime strict, les cabinets semblent aujourd’hui enclins à plus de générosité envers leurs juniors. À l’appui de conditions économiques plus favorables, de nombreux cabinets sont revenus sur leurs mesures anticrises avec, en tête, la question des salaires.

Depuis le printemps dernier, les cabinets du magic circle ont annoncé les rétrocessions de salaire pour leurs collaborateurs de première année. À titre d’exemple, chez Clifford Chance, la rémunération annuelle pour un jeune avocat passerait, selon une source interne, de 59 000?livres sterling (71 400?euros) à 61 000?livres sterling (73 800?euros). Chez Freshfields Bruckhaus Deringer, la rétrocession serait, elle, de 69 000?à 72 000 euros.
 

Du côté des Français, les salaires sont plus disparates et surtout, plus tabous. Le cabinet De Pardieu Brocas Maffei − l’un des meilleurs acteurs indépendants de la place – aurait également augmenté la jeune génération. Le montant du salaire reste pourtant inférieur à celui des Anglo-saxons – une différence qui s’explique du fait du taux de facturation largement supérieur chez les Anglais – avec une rétrocession de l’ordre de 62 000?à 64 000 euros.
Autre signe d’un ciel plus clément : les bonus sont de retour ! Enfin presque. Ils nous viennent de l’autre côté de l’Atlantique où le cabinet Dewey & LeBoeuf a publié le montant des bonus distribués. Et pour la promotion 2008, ils sont de l’ordre de 7 500?dollars (6 000?euros), contre 30 000?dollars (24 000?euros) pour la promotion 2002… Retour timide, donc.
La crise a laissé des traces : l’heure est à plus de raison au sein des cabinets d’avocats d’affaires.


Les stigmates de la crise

Pour certains, ces mesures plus rationnelles correspondent à une individualisation des bonus, à l’instar de l’US law fim Sidley Austin qui a décidé de récompenser certaines de ses jeunes stars – jusqu’à 90 000?dollars – et de laisser patienter des collaborateurs, moins méritants, qui n’auraient pas facturé suffisamment d’heures. Le glas des augmentations automatiques aurait-il sonné ? Jusqu’alors et de façon générale, les collaborateurs étaient augmentés selon leur nombre d’années passées au sein de la firme. Depuis le 1er?mai 2010, le cabinet britannique Simmons & Simmons a abandonné ce système – calqué sur le lockstep des associés – pour accorder plus de crédit aux performances de chacun.
Autre continent, autre mesure : aux États-Unis, Howrey a instauré un nombre d’heures à facturer plafonné à 700?heures par an pour ses professionnels de première et deuxième année. En contrepartie, les collaborateurs voient leur rémunération annuelle tomber de 160 000 à 100 000 dollars, mais bénéficient d'une augmentation de leur temps de formation au sein du cabinet, ou auprès des clients de la firme. Un développement durable appliqué au capital humain, en somme.

Une chose est sûre : sur un marché encore bousculé par les effets collatéraux de la crise, la question de la rémunération des collaborateurs – et donc celle de la facturation des heures – reste au cœur des stratégies de développement des leaders du droit des affaires.

Juillet 2010