Si les entreprises sont toujours plus nombreuses à élaborer leurs démarches RSE, la nouvelle directive européenne sur le reporting extra-financier imposera à toutes les mêmes obligations en la matière. Au cœur de ces enjeux, les associés du cabinet de conseil Wemean, dont Guillaume Jubin, président et associé, apportent leur regard.

Décideurs. Dès 2024, la réglementation relative au reporting extrafinancier des entreprises, proposée par la Commission européenne, entrera en vigueur. Quels en sont les étapes ?

Équipe d’associés. Le contenu de cette réglementation est moins important que le changement d’échelle qu’elle implique. En Europe, ce sont près de 50 000 entreprises qui n’avaient pas d’obligation de communication en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) qui sont désormais concernées. Jusque-là, la plupart des grandes entreprises cotées étaient déjà dans l’obligation de communiquer ces informations. Avec la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), ce ne sont plus seulement les grandes entreprises mais aussi les ETI et les PME qui vont devoir s’adapter. Elles auront besoin de conseils sur ces enjeux de transformation qu’elles ne savent pas encore traiter.

"En Europe, près de 50 000 entreprises n’avaient pas d’obligation de communication en matière de RSE"

Le reporting n’est qu’un levier d’une transformation plus profonde qui va s’imposer dans l’ensemble des entreprises concernées. C’est un mouvement que nous voyons à l’œuvre chez nos clients, grands comptes d’abord puis ETI et PME ensuite pour lesquelles cela va encore s’accélérer dès début 2024. Au-delà du respect des règles socioenvironnementales, il s’agit surtout de mettre en place une culture et une organisation nouvelle pour recueillir les données y afférant et les communiquer de façon transparente. La mesure de ces données quantitatives et qualitatives repose, c’est ce qui est nouveau, sur une approche par la double matérialité. Celle-ci ne se limite pas à l’impact que l’entreprise émet sur son environnement mais prend également en compte celui que l’environnement a sur l’entreprise et l’évolution de son activité. Cette matrice de double matérialité que les entreprises doivent désormais produire est un vrai besoin pour elles, qui nécessite de notre part un accompagnement et une méthode de travail spécifiques que nous avons développés depuis plus d’un an. C’est clairement un nouveau champ d’expertise en forte croissance.

Concrètement, cette directive matérialise un changement de paradigme. Va-t-elle dans le bon sens ?

Oui, à mon sens. Cette directive invite l’ensemble des entreprises à prendre part au mouvement inéluctable de la responsabilité en matière sociale et environnementale. La question n’est pas de savoir si l’on est pour ou contre, mais d’aligner les trajectoires business avec les objectifs sociaux et environnementaux que l’on s’est fixés. En plus de répondre à une attente globale des parties prenantes de la société, elle contribue à assurer la réussite future des entreprises dans le développement de leur business et le recrutement de talents en quête de sens. Chez Wemean, nous nous attachons à apporter un "conseil positif" pour tirer des opportunités de ces normes Nous n’opposons pas business et responsabilité, nous ne sommes pas des militants mais des professionnels engagés pour aider et accompagner les entreprises à changer pour mieux réussir !

"Dites ce que vous faites et faites ce que vous dites de façon transparente"

Comment aller plus loin sur les aspects ESG en évitant le greenwashing ?

Le premier pas consiste à agir avant de dire. Communiquer sur ses actions et engagements reste indispensable pour montrer l’impact positif des entreprises sur la société et montrer le chemin à ses pairs. Toutefois, en RSE, la communication ne peut pas précéder l’action. Devenir une entreprise à mission ou se doter d’une raison d’être doit d’abord représenter une réalité opérationnelle, au risque de n’avoir aucun impact au cœur même de l’entreprise. En outre, les codes de communication ont changé. Si vous respectez un certain nombre de référentiels et adoptez une communication qui respecte des règles et une posture de responsabilité, la société sera plus à même d’entendre ce que vous avez réalisé et ce que vous n’arrivez pas encore à accomplir. Une des grandes erreurs consiste à ne pas dire les choses ou chercher à les cacher. En somme, dites ce que vous faites et faites ce que vous dites de façon transparente et avec humilité, y compris quand la réalité est complexe.

Le concept de durabilité est un enjeu toujours plus prégnant. Quelles sont les clés pour une stratégie d’entreprise à la hauteur ?

La RSE est systémique et doit être intégrée à tous les grands enjeux de l’entreprise, elle n’est pas "sur le côté". On remarque d’ailleurs que la RSE est de plus en plus souvent confiée dans l’organisation à celles et ceux qui sont en charge de la stratégie, de la transformation et de la communication. Ce n’est ni un hasard ni une mode, mais une nécessité pour engager les entreprises sur un chemin vertueux de croissance et de durabilité.