Alibaba à la conquête des marques
Décideurs. Avec plus de 1 800 marques françaises recensées sur les plateformes d’Alibaba dont Hermès et L’Oréal, comment celles-ci se sont-elles imposées sur le marché chinois ?
Michelle Lau. Les marques choisissent le groupe Alibaba pour bénéficier de nos outils digitaux de vente, particulièrement depuis que les voyages internationaux se sont restreints. Notre place de marché digitale met à disposition des solutions d’e-commerce auprès de structures de toutes tailles, depuis les grands groupes jusqu’aux PME. En 2020, nos marques partenaires ont vendu plus de 9 milliards de marchandises en valeur totale brute sur Tmall [le site de revente en ligne B2C d’Alibaba, Ndlr].
Sans oublier d’autres partenaires de longue date, dont Etam, L’Occitane, ou encore Lancôme, nous accompagnons également de nouvelles marques. C’est le cas de Courbet, une joaillerie innovante, écologique et éthique. Elle propose des bijoux façonnés en or recyclé avec des diamants de synthèse. Depuis la place Vendôme, leur développement s’opère sur Tmall. Aujourd’hui, ce canal représente 100% de leurs ventes sur le marché chinois.
L’Europe, et la France en particulier, représentent un marché important. Notre rôle auprès des partenaires est de faire connaître le potentiel du marché, les temps forts propres à la Chine, tels que les pics saisonniers de vente. Ainsi, nous mettons à disposition différentes solutions, non seulement au lancement sur le marché, mais également en continu pour renforcer le développement et la présence de la marque.
En France comme en Europe, les consommateurs apprécient de plus en plus le "shoppertainment", ce mode de diffusion en temps réel au cours duquel un porte-parole présente un produit. Dans quelle mesure le "live streaming" enrichit-il l’expérience utilisateur en ligne ?
Cette tendance est née en Chine en 2016. Le "live streaming" est un outil de communication en direct que le groupe Alibaba a contribué à démocratiser. Lors de ces diffusions, un KOL ["key opinion leader", en français "un leader d’opinion", Ndlr], ou un KOC ["key opinion consumer", Ndlr], présente et manipule une sélection de produits. L’engagement des clients avant la vente est établi par le biais d’un ambassadeur de la marque et les contenus. Selon une étude réalisée par le cabinet de conseil Forrester en 2021, spécialiste des leviers innovants de transformation des entreprises, sur 1 400 consommateurs en France et en Europe, 70% d’entre eux se déclarent très intéressés par ce mode de mise en situation avec les produits et les marques.
Dans quelle mesure le prestige du luxe français se révèle-t-il dans l’e-commerce, notamment dans l’expérience en ligne des consommateurs ?
Davantage axé sur les magasins physiques, l’univers du luxe s’est toujours montré réticent envers celui du digital. En 2017, nous avons lancé le Tmall Luxury Pavilion, la première place de marché digitale en Chine dédiée à l’industrie du luxe. En tout, plus de 200 marques y sont présentes. Au rythme de 50 par an depuis le début de la pandémie, une nouvelle marque intègre la plateforme pratiquement chaque semaine. Soutenu par un degré d’innovation propre à Alibaba, le Tmall Luxury Pavilion offre l'expérience la plus complète sur tous les points de contact de la marque pour les consommateurs chinois de luxe.
"Depuis le début de la pandémie, une nouvelle marque intègre le Tmall Luxury Pavilion pratiquement chaque semaine"
Dans ce showroom en 3D, les marques peuvent créer leur propre univers virtuel, par le biais non seulement d’émissions de "live streaming", mais aussi d’outils de réalité augmentée, qui permettent de visualiser sur soi des chaussures, ou encore des bijoux avant tout achat. Grâce à des fonctionnalités dédiées à la livraison, au service au consommateur, jusqu’à un "live chat", qui réplique un échange en temps réel avec un vendeur, les clients peuvent se sentir, depuis leur salon, comme dans un magasin. La Gen-Z est le futur de la clientèle du luxe. Les outils innovants, tels que le fil d’actualité relatif aux nouvelles collections, les Cloud pop-up et les modèles 3D, sont, pour les marques, autant d’atouts afin de nouer une relation cruciale.
Le groupe dispose de plateformes digitales telles qu’Alibaba.com et AliExpress. Pouvez-vous partager les axes d’un marketing en ligne réussi ?
La mission d’Alibaba reste de faciliter la mise en relation des vendeurs et acheteurs, ainsi que le développement business des marchands. La stratégie de groupe se divise en trois leviers. Par le biais d’outils numériques, nous soutenons l’e-commerce en Chine pour des enseignes françaises. Les plateformes en ligne Tmall et Tmall Global, facilitent les échanges BtoC propres au marché chinois. Enfin, nos canaux aident les marques à s’internationaliser à l’échelle mondiale.
En Chine, Alibaba.com est notre place de marché BtoB. AliExpress donne accès à des produits internationaux, des expériences de "shoppertaintement", mais aussi des évènements dédiés. À l’occasion du festival de shopping Double 11 [le 11 novembre constitue un jour de fête pour les célibataires en Chine, tradition qu’Alibaba a contribué à perpétuer, Ndlr], nous avons organisé un festival de musique, rediffusé auprès de 1,4 million de téléspectateurs à travers l’Europe.
En tant que groupe digital, Alibaba accompagne des entreprises vers l’e-commerce. Quelles fonctionnalités et plateformes se prêtent le mieux à cette évolution ?
Si l’activité du groupe Alibaba comme place de marché est bien connue, l’accompagnement en transformation digitale que nous proposons l’est moins. Aussi bien avec les revendeurs que les marques, nous mettons à disposition les leviers de transformation digitale. Auchan, par exemple, s’est associé avec nous en 2020 et a lancé une série de "live streams" sur AliExpress, notre site dédié à la vente de biens de grande consommation aux particuliers.
Grâce aux outils et infrastructures techniques proposés, les marques partenaires musclent leur capacité d’export vers la Chine. Par ailleurs, les consommateurs chinois sont friands de marques niches et internationales. L’an passé, La Bouche Rouge, une marque de cosmétique éthique s’est lancée sur Tmall Global. Lors d’un "live stream" en lien avec notre évènement Double 11, pas moins de mille tubes de rouge à lèvres ont été vendus en quelques minutes.
"Nous nous sommes engagés à réduire de 50% notre empreinte carbone d’ici 2030"
En quelques mots, pouvez-vous nous partager les ambitions d’Alibaba en 2022 et au-delà ?
Fin 2021, nous avons signé une promesse d’engagement ESG. À ce titre, nous nous sommes engagés à réduire de 50% notre empreinte carbone d’ici 2030, avec l’optique de réduire nos émissions de CO2 d’1,5 giga tonne dans l’ensemble de notre écosystème d’ici 2035. Nous amorçons déjà ces initiatives. Toujours à l’occasion du festival de shopping Double 11, nous avons eu recours à des algorithmes pour optimiser nos emballages et la logistique d’envoi, avec des emballages moins gourmands en plastique, scotch et étiquettes, ainsi que des trajets de livraison plus courts.
En outre, nous avons érigé des centres de recyclage, où les acheteurs peuvent rapporter leurs emballages une fois les colis reçus. De telles actions seront à multiplier d’ici 2030, tout comme la mise en avant de marques "vertes", afin de faire évoluer les attentes des consommateurs. Et avec elles, les habitudes des marchés.
Propos recueillis par Alexandra Bui
Michelle Lau, co-directrice d’Alibaba Group en France