Entretien avec Gérald Karsenti, P-DG, HP France
Décideurs. Quelles sont les tendances du marché informatique ?
Gérald Karsenti
. Malgré un environnement économique difficile, les entreprises continuent d’investir en informatique. Elles cherchent aujourd’hui des offres avec des solutions flexibles. Le développement du cloud a permis de répondre à ce besoin. Conséquence directe, notre activité data center s’est fortement développée, se traduisant en particulier par une part de marché de 32,7 % dans le domaine des serveurs x86 sur lequel nous sommes leader. Le deuxième mouvement de fond est l’explosion de données : la quantité de données traitée double tous les dix-huit mois. Pour faire face à cette tendance, nous développons des solutions de stockage très performantes et des réseaux à fortes bandes passantes.

L’essor du cloud et l’explosion des données posent également la question de la sécurité. Bien évidemment, les entreprises sont très sensibles à ce sujet. À moyen terme, on consommera l’informatique comme un service. Pour prendre une image, l’informatique deviendra un bien comme l’électricité. Comme EDF, nous serons en mesure de facturer uniquement ce qui est consommé. Nous arriverons alors à un niveau de flexibilité totale. Nous avons déjà quarante clients qui utilisent ce type de service et qui achètent non plus de l’informatique mais des services de valeur.

Décideurs. Dans un tel environnement, quel est votre positionnement ?
G. K.
Sur ce marché, nous avons un positionnement unique car nous sommes les seuls à avoir une vision de bout en bout. C’est-à-dire que nous sommes présents à la fois sur les data centers, les réseaux et les utilisateurs. Cela nous oblige à innover en permanence car il faut être bon sur ces trois domaines. D’autre part, cela nous permet d’avoir une vision d’ensemble et d’apporter les bonnes solutions plus rapidement.

Décideurs. Quelles sont, selon vous, les grandes innovations de demain ?
G. K. L’innovation vient de plus en plus des utilisateurs et non plus des data centers. Les utilisateurs influencent l’innovation dans l’entreprise. Pour les sociétés, cette évolution est difficile à gérer. C’est par exemple le cas des BYOD (bring your own device NDLR) qui posent de grandes questions quant à la sécurité. C’est pourquoi nous avons mis au point des solutions que nous rassemblons sous les vocables de la convergence des infrastructures ou de la convergence des clouds pour notamment rassembler sous une même architecture ouverte et standardisée les clouds privés, publics ou hybrides.

Bien sûr, l’innovation naît aussi de technologies. D’ici les cinq prochaines années, nous sommes convaincus que les serveurs HP seront près de 100 à 1000 fois plus puissants à densité et consommation égales. Par exemple, nous sortirons en mai des serveurs qui, pour une performance équivalente, occuperont 94 % de place en moins et diminueront la consommation de 89 %. HP travaille également sur une technologie capable de stocker toute la Bibliothèque nationale de France dans un disque dur de la taille d’un apéricube ! En réalité, aujourd’hui, la technologie n’est plus le problème. La vraie technicité est la façon dont vous allez opérer votre gestion de l'information.

"La vraie technicité est la façon dont vous allez opérer votre gestion de l'information"

Décideurs. Quelle est votre stratégie en matière d’innovation ?
G. K. Comme le prouve les très bons résultats financiers de HP, notre groupe est en pleine transformation. Les choix stratégiques commencent à porter leurs fruits. Entre 2006 et 2010, nous avons réalisé beaucoup d’acquisitions afin de développer notre positionnement de bout en bout. Aujourd’hui, HP a repris une politique de recherche et de développement (R&D) en interne très marquée. Chaque année, le groupe dépense environ quatre milliards de dollars. Nous disposons de laboratoires qui pratiquent de la recherche fondamentale. En 2012, nous avons déposé pas moins de 36 000 brevets.

Décideurs. Comment réagissent les entreprises face à ce flux quasi-continu d’innovations technologiques ?
G. K.
Il y a eu un grand changement au niveau des directions générales. Avant la direction des services informatiques était perçue comme un centre de coût. Maintenant, elle est perçue comme un outil de compétitivité. Elle est devenue un outil stratégique. Les entreprises ont donc conscience que toutes ces innovations technologiques sont vecteurs d’économies et de croissance pour elles. Le monde informatique a radicalement changé. Aucune industrie n’a connu une évolution aussi rapide. Aujourd’hui, le temps des solutions intégrées est révolu. On fait du « sur-mesure » mais avec des technologies souples qui divisent les coûts par cinq ou sept et qui accélèrent la mise en œuvre des systèmes en passant en moyenne de trois ans à six mois. L’informatique moderne est en train de bouleverser la donne !