Ce mois-ci, Décideurs met trois romans à l’honneur. Au menu également, Napoléon et les évangélistes.

L’Empire aux rayons X

Napo

S’il y a un personnage qui inspire les auteurs, c’est bien Napoléon. Selon la légende, un livre par jour lui est consacré depuis sa mort à Sainte-Hélène. Être original est donc un pari, pleinement réussi par cet ouvrage qui relève un défi fou : représenter sous forme d’infographies tout ce qu’il faut savoir sur le Premier Empire. De la petite à la grande Histoire, tout est passé au peigne fin. Le lecteur pourra découvrir des informations souvent méconnues telles que la composition sociologique de la noblesse d’Empire, le contenu du sac d’un grognard ou le menu d’un marin, la provenance et le prix de chevaux au fil des ans, le nombre de brevets déposés par les belligérants, la quantité de bois nécessaire à la construction de navires, l’évolution démographique… L’ouvrage réussit le tour de force de séduire les novices tout en étoffant le savoir des passionnés qui se pensent incollables sur le sujet. Une belle réussite !

Infographie de l’empire napoléonien, de Vincent Haegele, Frédéric Bey et Nicolas Guillerat, Passés composés, 154 pages, 29 euros

La fin de l’insouciance

été

Un été dans les années 1980 à l’Ile-de-Ré. L’écrivain Philippe Besson nous raconte ses grandes vacances sur Ré la Blanche avant la construction du pont, avant les smartphones, avant qu’elle ne devienne une destination huppée. En juillet et en août, les îliens et les vacanciers se mélangent, les milieux sociaux aussi. Les fils de pêcheurs et de bouchers qui se lèvent aux aurores côtoient les Parisiens venus prendre le grand air. C’est dans un groupe de ce cru que le drame a lieu. Alors que six jeunes gens majeurs ou presque se posent nonchalamment pendant des heures sur les plages, partagent des bières en terrasse, connaissent leurs premières amourettes et se retrouvent au Bastion le soir pour faire la fête, le pire arrive. La disparition de l’un des comparses sonne la fin de l’insouciance pour le narrateur et ses amis. Une légèreté à jamais perdue ?

Un soir d’été, de Philippe Besson, Julliard, 208 pages, 20 euros

L’Amour a ses lois

fayard

En 1997, Frédéric Beigbeder s’inquiétait dans un roman que l’amour ne dure que trois ans. En 2024, Jérôme Attal déploie une autre théorie. À l’instar des chats qui ont neuf vies, les humains ne disposent que de neuf rencontres pour arriver à transformer en quelque chose d’exceptionnel le lien avec une personne qui nous plaît. Cette théorie est défendue par Antonin, un poète maudit parisien qui, depuis qu’il a croisé le regard d’Anaïs – une femme mariée qui ne s’empêche pas de suivre ses désirs – est obsédé par son coup de foudre. Si les deux personnages mènent une sexualité débridée, leurs différents rendez-vous – qu’ils soient fortuits ou non – ne leur permettent pas d’aller au bout de leurs envies. Bien qu’en apparence libres comme l’air, les protagonistes butent sur de nombreux obstacles. Dans la vraie vie, cette amitié amoureuse entre Anaïs Nin et le poète Antonin Artaud aura duré à peine trois mois mais le livre vaut le temps qu’on s’y attarde pour en saisir quelques ressorts.

Neuf rencontres et un amour, de Jérôme Attal, Fayard, 270 pages, 20 euros

Evangéliques : la France terre de mission

evan

"Ils" étaient 50000 en 1950 et sont près de 800000 aujourd’hui, "Ils" ouvrent 35 lieux de culte chaque année. Pourtant, "ils" restent peu connus du grand public. Qui sont ces croyants mystérieux ? Les évangéliques. Benjamin Dard est parti à leur rencontre. Des hangars-églises de la banlieue parisienne aux lieux de culte alsaciens en passant par la "mega church" de Mulhouse, le journaliste a arpenté l’Hexagone pour mieux connaître les pasteurs et leurs fidèles, bien souvent issus de l’immigration africaine. Comment expliquer la croissance fulgurante de cette religion? Ont-ils vocation à pénétrer le débat public ? Existe-t-il des risques de dérives sectaires? Les pouvoirs publics les utilisent-ils pour faire contrepoids à l’islam dans les banlieues ? Quelles différences entre ces multiples chapelles? Réponse dans ces pages qui permettent de mieux connaître une variante méconnue du christianisme qui ne cache pas sa volonté de rechristianiser la France en recourant à des méthodes inspirées du marketing.

Évangéliques, les nouveaux croisés, de Benjamin Dard, L’Observatoire, 148 pages, 19 euros

La question existentielle du bonheur   

DF

Être heureux s’avère parfois plus complexe qu’il n’y paraît. Entre injonctions sociales imposées et envies intimes dissimulées, nombreux sont ceux qui passent à côté de leur vie pour le regretter ensuite. C’est le chemin que semblait prendre Éric Kherson, directeur commercial, père, divorcé, en burn-out, jusqu’au jour où une opportunité professionnelle s’offre à lui. Prêt à tout pour changer d’état d’esprit, il s’y jette corps et âmes, reproduisant les erreurs du passé, s’enfonçant peu à peu dans les méandres de la culpabilité. C’est au moment d’atteindre le point de non-retour qu’il prend part à un événement des plus troublants, mais qui le transformera pour toujours : son propre enterrement. Communément proposée en Corée du Sud, cette pratique vise à orchestrer ses funérailles, afin de renouer avec le bonheur. Un sujet intemporel qui a toute sa place dans le monde actuel.

La vie heureuse, de David Foenkinos, Gallimard, 205 pages, 19 euros

Marine Fleury, Olivia Vignaud, Lucas Jakubowicz