Caroline Scheufele co-dirige d’une main de maître, mais dans un gant de velours, la maison Chopard aux côtés de son frère Karl-Friedrich Scheufele avec une attention particulière sur la joaillerie. Un monde merveilleux qu’elle connaît mieux que personne.

Décideurs. Comment vous est venue la passion des pierres précieuses et quel est le déclic qui vous a décidée à vous lancer dans des études de gemmologie ?

Caroline Scheufele. Je suis née dans le monde de la bijouterie et de l’horlogerie. J’ai vu mes parents travailler, créer et j’ai beaucoup appris d’eux. Enfant, je passais des heures à jouer dans les ateliers, à dessiner avec des centaines de couleurs toutes sortes de bijoux et de montres, à toucher les pierres et sentir leur incroyable énergie. Je suis donc tombée amoureuse de la joaillerie et du processus de création dès mon plus jeune âge. Mon diplôme de gemmologue a suivi.

Votre signature reste les diamants mobiles, quelle a été la source d’inspiration de ce concept ?

Ma première création joaillière, le Happy Clown en 1985, comportait déjà des diamants mobiles. Enfant, j’adorais aller au cirque. En dehors des acrobaties, mon numéro préféré était celui des clowns, c’est pourquoi j’ai dessiné un petit clown avec des diamants dans le ventre qui dansent comme des balles de jongleur. Mon père a vu le croquis, et m’a fait la surprise de le faire fabriquer pour me l’offrir à Noël. Je pensais que ce serait une pièce unique, mais un peu plus tard, dans les ateliers j’en ai vu des milliers. Dans les années 1990, j’ai décidé de décliner le concept des diamants mobiles en créant une nouvelle montre, la Happy Sport avec des diamants totalement libres, flottant au-dessus du cadran. Un véritable défi technique, car nous devions trouver un équilibre esthétique dans la superposition du boîtier, du cadran et des deux glaces saphir entre lesquelles les diamants sont disposés. En revanche, c’est ma mère qui est à l’origine du nom Happy Diamonds. En voyant le premier prototype dans nos ateliers, elle a dit : « Ces diamants sont plus heureux en liberté ». Vous avez fait partie des premiers joailliers à adopter une philosophie de luxe durable.

Depuis quand, pour quelles raisons et quelle est votre définition du luxe durable ?

En 2012, on m’a demandé d’où venait notre or. Immédiatement, j’ai répondu : "De la banque". Une mauvaise plaisanterie. Pour extraire l’or, des hommes et des femmes travaillent souvent dans des conditions dangereuses et sont insuffisamment rémunérés. Consciente de cette réalité, j’étais alors déterminée à changer la façon dont Chopard devait s’approvisionner. Dès lors, notre priorité a été de protéger les personnes qui sont sur le terrain pour rendre notre activité possible. Plus question de faire marche arrière. La généralisation de l’approvisionnement en or éthique pour 100 % de notre production de montres et de bijoux est effective depuis 2018. Notre nouvel engagement est d’utiliser 80 % d’acier recyclé pour toutes nos montres en acier réduisant ainsi notre empreinte carbone. La protection de l’environnement est une mission indispensable de notre société et, en tant que maison de luxe, nous nous devons de montrer l’exemple.

Propos recueillis par Hervé Borne