Deux poids lourds du roman mondial qui effectuent leur grand retour, de la science grand public et une héroïne méconnue à découvrir en BD. Voici quelques ouvrages à lire au soleil ou à l’abri de la bruine printanière.

Sang, sexe, drogues et rock’n’roll

Bret Easton Ellis est de retour. Enfin ! Son dernier opus, Les Éclats est un coup de maître. L’ambiance à elle seule vaut le détour puisque l’auteur nous plonge parmi une bande de lycéens de 17 ans vivant dans les beaux quartiers de Los Angeles. Rock, fêtes alcoolisées, sexe à gogo, drogues, virées sur les plages de Santa Monica. Et de temps en temps des cours à Buckley, une école privée où s’épanouissent pom-pom girls et footballeurs. Un jour de septembre 1981, le cadre idyllique se fissure avec l’arrivée d’un nouvel élève beau comme un dieu du nom de Robert Mallory. Dans le même temps, des cadavres d’adolescents sont retrouvés mutilés. Les meurtres sont signés d’un certain Trawler. Qui est-il ? Pourrait-il être Robert ? Le récit débute dans une ambiance ressemblant à des films d’ados, puis évolue vers le thriller avant de verser dans l’horreur. Une montée en tension menée avec maestria. Ce roman est aussi addictif que les substances illicites que consomment les protagonistes lors de parties fines.

Bret Easton Ellis, Les Éclats, Pavillons Robert Laffont, 602 pages, 26 euros

Passé, présent

Un autre monument du roman contemporain revient également ce printemps : Bernhard Schlink Comme à son habitude, le romancier allemand part d’une histoire familiale pour ausculter avec finesse la société de son pays. Kaspar, libraire berlinois proche de la retraite, perd sa femme Birgit et découvre son secret. À l’âge de 20 ans, alors qu’elle vivait en RDA, elle a accouché d’une petite fille et l’a abandonnée. Pour donner du sens à sa vie et combler sa solitude, il se met à sa recherche et la retrouve. Passée par les foyers, les centres de rééducation, la drogue et la délinquance, elle a retrouvé son équilibre en intégrant une communauté Volkisch dans la campagne saxonne. Ce mouvement quasi sectaire nostalgique du paganisme, du IIIe Reich, persuadé que l’Allemagne est menacée d’islamisation et de disparition est en pleine croissance outre-Rhin. Mariée avec Bjorn, un néonazi à la tête de la communauté, sa vie est désormais centrée autour de sa fille unique Sigrun. Une adolescente élevée selon les principes nazis, coupée du monde, enfermée dans ses certitudes. Kasper va tout faire pour ouvrir son esprit. Mais les choses ne seront pas si simples. Avec finesse, sans manichéisme, l’auteur nous plonge dans des débats qui agitent l’Allemagne contemporaine, le tout avec une « patte » qui ne perd pas en qualité malgré le temps qui passe.

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La Petite-Fille, de Bernhard Schlink, Gallimard, 352 pages, 23 euros

Inclassable icône

Quelle vie ! Celle d’une petite fille, Eunice Kathleen Waymon, née dans une famille modeste du sud de la Caroline du Nord, qui rêvait de devenir une pianiste classique mais fut refusée au conservatoire parce que noire. Le Docu-BD qui lui est consacré par Petit à petit revient sur les grandes étapes qui ont jalonné son existence : de ses premiers concerts dans des bars un peu miteux à une triste fin de vie dans les Bouches-du-Rhône en passant par son succès planétaire. L’histoire de Nina Simone reflète son époque, celle des Afro-Américains qui subissaient la ségrégation, celle des femmes qui se taisaient quand leurs maris se montraient toxiques. Mais c’est surtout l’histoire d’une personnalité inclassable et contestataire qui refusait qu’on la cantonne à une chanteuse de jazz. Le format de cet ouvrage, avec des dessins signés dans chaque chapitre par des artistes différents, s’avère très adapté pour mettre en lumière les différentes vies de l’indémodable icône.

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Nina Simone en BD, de Sophie Adriansen, Petit à petit, 160 pages, 21,90 euros

Inégalité des sexes

Les deux sexes réagissent différemment à la grippe, au Sras ou encore à Ebola, les hommes souvent moins bien que les femmes d’ailleurs. Ils ont, par exemple, représenté les deux tiers des patients admis en réanimation à cause du Covid-19. Naître homme ou femme n’a pas seulement une incidence sur notre genre mais également sur notre corps tout entier : 37 % des gènes humains ont une expression différenciée selon que l’on appartient à la catégorie des Eve ou des Adam. Dans C’est votre sexe qui fait la différence, la chercheuse et professeure en génétique médicale Claudine Junien et la spécialiste de la communication en santé Nicole Priollaud pointent du doigt une recherche et une médecine qui seraient biaisées car fondées le plus souvent sur des études portant sur des sujets masculins. « Faire que les femmes et les hommes prennent les mêmes médicaments au nom de l’égalité des sexes mais au détriment de leur santé, c’est ajouter un stéréotype au stéréotype. » Les auteurs prônent une médecine personnalisée pour mieux faire face aux enjeux sanitaires.

C’est votre sexe qui fait la différence, de Claudine Junien et Nicole Priollaud, Plon, 293 pages, 21,90 euros

Lucas Jakubowicz, Olivia Vignaud