Le Sud-Africain pilote son groupe Compagnie financière Richemont avec assurance et dextérité et n’a pas à rougir face aux empires de Bernard Arnault et François Pinault.

Se disputant la première place des plus grandes fortunes d’Afrique du Sud avec la famille Oppenheimer, Johann Rupert n’est pas pour autant du genre à fouler les plateaux-télé et à chercher la lumière. À son image, le groupe suisse qu’il préside, Compagnie financière Richemont, paraît en effet moins clinquant que ses deux principaux rivaux, LVMH et Kering. Tradition suisse oblige. Cependant, si l’on regarde de plus près son portefeuille de marques ou "maisons", la société helvète n’a pas à rougir face à ses concurrentes françaises : Cartier, Van Cleef & Arpels, Montblanc, IWC, Jaeger-LeCoultre, Panerai, Piaget, Baume & Mercier, Dunhill… Richemont fut également le propriétaire de Lancel de 1997 à 2018.

La peau dure et la patte longue

Connu sur la scène internationale grâce à Richemont, Johann Rupert détient également 7 % de la société d’investissement sud-africaine diversifiée Remgro, qu’il préside ainsi que 25 % de Reinet Investments, une holding basée au Luxembourg. Surnommé "Rupert l’ours", est-ce son tempérament bougon, son physique imposant ou son style conservateur et moins flamboyant que Bernard Arnault qui lui ont valu ce surnom ? Ou bien est-ce ce côté très prudent, voire pessimiste, surtout lorsqu’il s’agit de projections économiques et de fluctuations boursières ? Toujours est-il qu’il se considère lui-même comme plutôt "réaliste" qu’autre chose. Quant à son caractère bourru et sa mainmise sur Richemont, jugez plutôt : le fonds spéculatif activiste Bluebell Capital Partners l’a récemment accusé d’agir en parrain au sein du groupe de luxe suisse et a soumis plusieurs résolutions afin d’en bousculer la gouvernance, en proposant notamment d’intégrer l’ancien dirigeant de Bulgari, Francesco Trapani – par ailleurs ex-patron de Bluebell –, en tant qu’administrateur… Ce que les actionnaires, fidèles au padre, ont massivement rejeté, ainsi que les deux autres résolutions. Coup raté, donc, pour le fonds londonien qui avait réussi à évincer Emmanuel Faber de Danone.

Cartier, Lancel, Van Cleef&Arpels, Montblanc, Panerai, Piaget, Dunhill... Le groupe de Johann Rupert regorge de pépites

L’instinct paternel

Né à Stellenbosch, à l’est du Cap, Johann Rupert étudie l’économie et le droit des sociétés avant de s’envoler pour New York à la Chase Manhattan Bank puis de travailler chez Lazard Frères. En 1979, il rentre au pays pour fonder la Rand Merchant Bank. Son goût pour les affaires, il l’a sans doute hérité de son père, Anton Ruppert, qui a commencé dans le vin et le tabac, établissant sa société Rembrandt en 1948, et se diversifiant au fur et à mesure. Le groupe paternel met d’ailleurs un pied dans le luxe grâce à Johann qui, encore en terre newyorkaise, propose à son père d’entrer au capital de Cartier. En 1985, il rejoint le groupe Rembrandt pour épauler son père. Afin d’éviter les sanctions liées à l’apartheid, le duo décide de séparer les actifs sudafricains des actifs étrangers. Les premiers seront regroupés au sein de Remgro, les derniers donneront naissance au groupe Richemont en 1988.

Un ours bienveillant

S’il reste très discret, Nicolas Sarkozy l’avait tout de même repéré en 2009, le décorant officier de l’Ordre national de la Légion d’honneur, en tant qu’"ambassadeur inestimable pour les produits de luxe français comme Cartier, Chloé et Lancel". Mais c’est probablement dans la société plus large que Johann Rupert a le plus d’impact. Il préside par exemple la fondation Michelangelo pour la créativité et l’artisanat ou encore la Peace Parks Foundation pour la préservation d’écosystèmes dans le sud de l’Afrique et qu’il créa avec feu Nelson Mandela. Enfin, il promeut avec ferveur l’inclusion à travers le sport sur ses terres natales.

Marc Munier