La gestion de crise concerne toutes les organisations, chacune d’entre elles faisant face à de nombreux événements qui viennent ponctuer la vie des entreprises. Comment peuvent-elles s’y préparer ?

Une crise n’est ni plus ni moins qu’un événement venant perturber une organisation tant du fait de son caractère exceptionnel, que de la brutalité avec laquelle elle se produit, voire de la gravité des conséquences qu’elle entraîne. Dans un contexte professionnel, il peut y avoir plusieurs cas de figure tels que le rachat de l’entreprise, un changement de gouvernance, un décès, un accident industriel, une cyberattaque ou une crise sanitaire, pour ne citer que ces exemples. Et les conséquences sont souvent dramatiques et durables pour l’entreprise. La crise sanitaire dont les effets se font encore sentir en est un rappel : ne pas s’y préparer serait indéniablement dommageable et pourrait même risquer d’aggraver la situation.

Quand la maison brûle 

Peu d’entreprises se forment à la gestion de crise à froid. Il est alors question d’urgence et de réactivité, la situation de crise étant déjà amorcée. Pour les entreprises se trouvant dépourvues de toute organisation préalable à la crise, la priorité sera à la maîtrise de leur communication, explique Raphaële Gauducheau, présidente de l’organisme de formation VerbaTeam (groupe Alixio) qui accompagne les dirigeants français. Elle propose un media training d’urgence sur la base du sujet de crise, visant à préparer dirigeants, salariés et porte-paroles de l’entreprise aux interviews s’adaptant à chaque type d’intervention et de média. Des coachs journalistes interviennent pour anticiper les questions dérangeantes, sensibiliser au fait de ne pas mentir, même en cas d’erreur commise par l’entreprise, et apprendre à mesurer la situation émotionnelle. "En cas de décès par exemple, la personne doit reconnaître la gravité de la situation et adhérer à l’émotion ressentie par la famille et le public. C’est à cette seule condition que l’intervention sera crédible, car sans cette reconnaissance, les informations rationnelles ne seront pas entendues", analyse Raphaële Gauducheau.

Isabelle Leboucher, responsable gestion de crise et continuité d’activité du groupe EDF, décrit comment le service gestion de crise a mis en place ce type de dispositif à chaud composé de quatre cellules, dont une en rapport direct avec le Comex afin de définir la stratégie en lien avec les pouvoirs publics. Une cellule opérationnelle, s’organisant elle-même autour de plusieurs divisions métiers dans le souci d’une agilité nécessaire afin de répondre aux diverses problématiques n’ayant pas pu être identifiées en amont, telles que la nécessité d’héberger ou de rapatrier des collaborateurs. Il y a également une cellule communication qui gère les interfaces avec les médias et la communication interne. "Nous avons tous connaissance de l’immédiateté de l’information, cette cellule très importante est extrêmement bien préparée avec l’équipe presse qui veille sur les réseaux sociaux et la relation presse". La quatrième cellule a pour but d’anticiper le scénario de la crise parallèlement à son déroulement.

Comment anticiper ?

Une préparation à froid permet d’imaginer l’intégralité des conséquences et anticiper la gestion de tous leurs aspects. Selon la présidente de VerbaTeam, il est question de préparer l’entreprise à des situations qui ne se produiront peut-être jamais, en amenant les dirigeants accompagnés à réfléchir sur l’ensemble des causes pouvant occasionner une crise, d’analyser la probabilité que cela puisse se produire, et réaliser un état des lieux des process existants pour répondre à ces cas de figure. Pour Isabelle Leboucher, l’anticipation est d’autant plus importante que l’enjeu principal chez EDF est de maintenir une continuité d’activité en situation dégradée tout en assurant la sécurité des personnes. Anticiper les modes dégradés est donc primordial. Dans le cadre de leur politique de gestion de crise, EDF assure la formation des équipes car "il est important d’avoir des collaborateurs entraînés en cas de crise. Nous proposons des formations internes et externes et des exercices qui permettent d’entraîner et de tester les équipes de crise et les processus. Nous disposons de plus de 300 exercices d’entraînement", détaille-t-elle.

Les bonnes pratiques

Selon la responsable gestion de crise et continuité d’activité d'EDF, "ne pas avoir peur de l’incertitude est primordial car en temps de crise, la prise de décision se fait dans l’incertitude". Le meilleur moyen d’éviter cet écueil est la formation qui réponde aux principaux enjeux de gestion de crise chez le fournisseur d'électricité. Déjà, à l’échelle des métiers, c’est une priorité dans le processus de crise puisque la connaissance métier est essentielle pour la faire évoluer en cas de besoin. La formation interne est employée pour assurer l’anticipation et la mise en place du dispositif de gestion de crise mais également pour permettre aux permanents de le maîtriser. EDF fait appel à la formation externe, comme l’Institut des hautes études interministérielles pour le management stratégique de la gestion de crise. Les équipes communication s’appuient sur les formations interne et externe. L’exemple le plus marquant pour l’entreprise reste celui de la Covid-19 par son caractère inédit, sa durée et sa complexité qui a généré une forte dose d’incertitude : "Cette crise a amené des questions que l’on n’avait pas imaginées, cela nous a aussi démontré qu’une crise se gère dans la durée." En janvier 2020, le fournisseur d'électricité a mené des exercices d’anticipation afin de simuler la pandémie dont la conclusion a abouti à la mise en place du télétravail, l’achat d’ordinateurs portables et la réalisation de travaux pour augmenter les connexions et ainsi assurer la continuité de service.

Pour Raphaële Gauducheau, la simulation en amont permet d’identifier les personnes qui sauront faire face à la crise, puis de les former de manière plus poussée à la théorie. Elle précise également que la communication de crise n’en constitue qu'un volet qui doit être intégré à une bonne gestion de crise : "À chaud, nous avons très peu de temps, une partie du mal est faite et aurait pu être évitée."

Clara Elmira