Juin 2022, les États membres de l’Union européenne viennent de trouver un accord concernant l’uniformisation d’un salaire minimum. Toutefois, cette nouvelle législation ne représente pas encore l’établissement d’un smic européen à proprement parler.

L’idée ne date pas d’hier. Si les écarts de salaires et de pouvoir d’achat dans les 27 États membres n’offrent pas la possibilité d’instaurer un salaire minimum unique, un accord vient de voir le jour afin de favoriser un niveau de vie décent.

Lutter contre le dumping social

En 2010, le taux de travailleurs pauvres au sein de l’Union européenne était de 8%, en 2020, il a augmenté jusqu'à 9,3%. S’il reste inenvisageable de trouver un plancher commun pour les 21 pays membres, assurer un niveau de vie décent pour l’ensemble des citoyens représente une avancée de taille. Diane Reboursier, avocate et counsel chez August Debouzy affirme qu’ “il s’agit d’un véritable progrès qui fera rempart contre le dumping social. Vingt-cinq millions de travailleurs européens devraient voir leur salaire augmenter. Chaque pays devra discuter des mécanismes à choisir pour calculer de la même façon le salaire minimum : définir un panier d’achat type, indexer les salaires en fonction du salaire moyen ou du salaire médian. Cette législation offrira la possibilité d’augmenter le niveau de vie dans tous les pays d’Europe simultanément”. Ainsi, la directive n’indique pas de salaire minimum uniforme pour les États membres, mais fixe des règles à suivre afin d’augmenter le salaire minimum légal. Également, elle n’impose pas aux six pays (Autriche, Chypre, Danemark, Finlande, Italie, Suède) de l’UE n’ayant pas de salaire minimum légal d’en instaurer un. “Actuellement, les salaires minimums européens sont très différents d’un pays à l’autre, de 332 euros en Bulgarie à 2 313,38 euros au Luxembourg. Cependant, cela doit toujours être mis en comparaison avec le pouvoir d’achat. Ce pourquoi, outre l’impossibilité juridique, il est en pratique impossible de fixer un salaire minimum commun mais il est envisageable d’assurer des salaires décents pour tous les travailleurs en prenant en compte le coût de la vie dans chaque pays”, explique l’avocate.

"Il s’agit d’un véritable progrès qui fera rempart contre le dumping social. Vingt-cinq millions de travailleurs européens devraient voir leur salaire augmenter"

Dialogue social

Dans un contexte d’inflation galopante – 5,2% en France sur un an, 8% en Allemagne et 9% en Espagne –, la mesure est de circonstance. Les salaires devraient donc prochainement augmenter dans tous les pays d’Europe. La directive promet un cercle vertueux : de meilleurs salaires distribués simultanément favoriseraient une plus grande consommation. La directive incite également les 27 pays membres au dialogue social. Les États dans lesquels moins de 80% de la main-d’œuvre est protégée par une convention collective devront établir un plan d’action pour augmenter progressivement cette couverture. Diane Reboursier conclut : “Les études d’impact qui sont menées mettent en avant un progrès social. Outre l’amélioration des conditions de vie (réductions des inégalités salariales), les inégalités diminueront également. La directive pourrait favoriser par exemple la réduction des inégalités des salaires entre les hommes et les femmes."

En France, la coalition Ensemble défend un salaire minimum européen à 60% du salaire médian tandis que la France insoumise milite pour un salaire minimum européen à 75% du salaire médian. La directive évoque 60% du salaire médian brut ou 50% du salaire moyen brut. Les États disposent désormais de deux ans pour s’adapter aux nouvelles exigences de la législation européenne et parvenir à l’assurance de salaires décents pour les travailleurs de l’Union européenne.

Elsa Guérin