Installée à Rennes, la société Scarabée Biocoop est un des membres historiques et fondateurs du réseau Biocoop. Elle compte aujourd’hui 250 salariés et neufs magasins. Une entreprise singulière qui a été, en 2015, la première société française à adopter l'holocratie, une méthode de management visant à redonner le pouvoir de décision aux salariés.

Décideurs. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est l'holocratie  ? 

Hugo Mouraret. C’est un outil de management qui vise à redonner le pouvoir de décision aux membres d’un tout en considérant que c’est celui qui fait qui sait et qui est le mieux placé pour envisager des axes d’amélioration. Cet outil est neutre. On pourrait le comparer à un marteau. Ce dernier peut aussi bien servir à casser un bâtiment qu’à construire une citadelle. Tout dépend de la façon dont on l’utilise. C’est la même chose avec la holocratie. Elle nous a permis, chez Scarabée Biocoop, de redonner de la transparence et de la clarté à notre organisation. Celle-ci a été entièrement transformée, puisque même les interactions entre les salariés sont régies par la holocratie. 

Pourquoi avoir décidé d’adopter cet outil en 2015 ? 

Nous voulions avant tout redonner du sens au travail. Notre raison d’être est claire : nous sommes moteur de la révolution écologique et sociétale. Nous pensons que plus une personne se retrouve dans la raison d’être de l’entreprise, plus elle pourra trouver du sens dans son travail. Nous avions par ailleurs besoin d’un système agile. Un système adapté à un organigramme mouvant et qui fait en sorte que celui-ci ne soit pas un frein au développement de l’entreprise. Un changement radical de paradigme qui suppose de nombreuses heures de formation. Nous en organisons plus de mille par an. 

Vous aviez le sentiment d’une perte de sens ? 

Non, mais nous voulions afficher cette idée, l’ériger comme un guide. Au lancement de Scarabée Biocoop, nous avions trois magasins et moins de cent salariés. Ils incarnaient la raison d’être. Si bien que nous n’avions pas besoin de l’afficher. Aujourd’hui, nous avons 250 salariés, neuf magasins, ainsi que des snacks, des laboratoires… L’idée était d’établir un socle commun. Comme une porte d’entrée de la société. 

Concrètement comment cette organisation se manifeste-t-elle ? 

Grâce à deux types de réunions, organisées en fonction des besoins dans chacun des “cercles” de l’entreprise. Les réunions de triage qui sont opérationnelles et dont le but est de faire le tri entre les tensions qui sont signalées et de synchroniser les différents projets. Puis il y a les réunions de gouvernance. Celles-ci ne sont pas habituelles dans les organisations classiques. Elles permettent à chacun d’agir. Elles créent plus de transparence et de clarté concernant les interactions entre les différents métiers. Le directoire de l’entreprise ーqui, en signant la constitution de la holocratie, s’est départit d’une part de son pouvoir ー se limite ainsi à rendre des comptes aux sociétaires et à fixer le cap global.

L'holocratie a permis de libérer la parole…

On s’est rendu compte que notre ancien système ne permettait pas à tous les collaborateurs de dire ce qui les gênaient au quotidien. Avec la holocratie, chacun peut s’exprimer. En l’espace de six mois, nous avons ainsi pu traiter 4 000 tensions opérationnelles. 60 000 depuis 2015. 

Comment ce changement a-t-il été perçu en interne ? Cet outil ne prive-t-il pas les rapports humains de leur spontanéité ? 

Certains se sont montrés réticents, arguant qu’ils ne sont pas des robots. Mais la méthode est emplie de bon sens et permet d’établir de bonnes relations de travail. 

Capucine Coquand