La réforme de la formation professionnelle n’est pas encore effective qu’elle suscite déjà des interrogatio quant à son efficacité.

La réforme de la formation professionnelle n’est pas encore effective qu’elle suscite déjà des interrogations quant à son efficacité.

La formation professionnelle mobilise chaque année plus de 27 milliards d’euros avec toutefois de réelles inégalités selon la taille de l’entreprise et le profil des salariés. L’un des objectifs annoncé de la réforme est de réduire ces inégalités et d’améliorer l’efficacité et la lisibilité du système de formation.

Quels sont les impacts que l’on peut attendre de la réforme, qui pourrait entrer en vigueur dès le 1er janvier 2010 et dont les contours aujourd'hui sont désormais définitivement arrêtés, sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel ? Cette première partie s’attachera aux impacts RH de la réforme afin de mieux en comprendre les enjeux, la problématique financière sera abordée dans une seconde partie publiée ultérieurement.

Une des mesures attendues de la réforme est la simplification de la présentation du plan de formation au Comité d’Entreprise par la suppression de la catégorie 2 – Actions de formation liées à l’évolution des emplois ou au maintien dans l’emploi  des salariés qui se trouve intégrée dans la catégorie 1 qui devient – Actions d’adaptation du salarié au poste de travail ou liées à l’évolution et au maintien dans l’emploi dans l’entreprise. Les formations de cette catégorie seront effectuées pendant le temps de travail avec le cas échéant, paiement des heures supplémentaires1.

La dernière catégorie intitulée, Actions de développement des compétences, demeure inchangée. Toutefois, l’ajout dans la catégorie 1 de la mention « dans l’entreprise » interroge. Cela aura-t-il pour conséquence de créer une obligation plus forte pour les entreprises qui devront, notamment en cas de licenciement pour motif économique, s’expliquer encore plus longuement sur les actions menées pour garantir l’employabilité du salarié ? Dans le même sens le pouvoir donné aux médecins du travail de se prononcer sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation pour faciliter son reclassement après accident ou maladie professionnelle risque de renforcer un peu plus l’obligation qui pèse sur l’employeur en la matière et fragilisera les licenciements pour inaptitudes physiques déjà malmenés par la jurisprudence.

Autre mesure qui, à l’inverse, a fait l’objet d’âpres discussions au Parlement, est la mise en place de la portabilité du DIF. Déjà mentionnée par les partenaires sociaux dans l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2009, cette mesure doit permettre à chaque salarié de devenir acteur de son évolution professionnelle. Il s’agit en réalité d’une extension du mécanisme mis en place avec la loi du 4 mai 2004 dénommé « transfert du droit à DIF ».
Le mécanisme actuel permet en cas de licenciement (à l’exclusion de la faute grave et lourde) de bénéficier d’une allocation de formation pour financer une action de bilan de compétence, VAE ou formation. Le nouveau dispositif de « portabilité » sera autonome et s’ajoutera au DIF « transférable ». Il permettra, en cas de rupture ou arrivée à échéance du contrat de travail ouvrant droit à l’assurance chômage et non consécutive à une faute lourde, de bénéficier d’une monétisation de ses droits à DIF (le forfait DIF) sur la base du solde des heures acquises multipliée par 9,15 euros. Il sera mobilisable pour des actions de formation au cours de la période chômage ou chez le nouvel employeur avec son accord dans les deux ans de l’embauche(ou à défaut d’accord pour financer un bilan de compétences, une VAE ou  travail et sans versement d’allocation de formation).

À la différence du DIF transférable, le DIF portable est financé par les OPCA et s’applique non seulement aux salariés licenciés mais également au salarié en CDD dont le contrat arrive à terme, aux démissions légitimes, et aux ruptures conventionnelles. Au passage, la transférabilité est également étendue aux cas de démission. Contrairement à la volonté des partenaires sociaux il n’existe aucune priorité d’utilisation entre la période chômage et les deux ans suivants l’embauche.
Au contraire la substitution dans le projet de loi du terme « son  nouvel employeur » par « un nouvel employeur » permet de penser que le salarié n’est pas contraint de l’utiliser, ni pendant sa période d’indemnisation chômage s’il n’est pas immédiatement réembauché, ni chez son « premier » nouvel employeur. Le salarié ne perd pas ses droits et peut les mobiliser plusieurs années après la rupture. Le texte prévoit également une nouvelle obligation d’information du salarié (droits acquis en heure et en montant et OPCA chargés des versements) sur le certificat de travail (ce qui permettra ainsi au nouvel employeur de savoir si son nouveau salarié a bien démissionné comme il le prétend ou s’il a été licencié…).

Des mesures renforçant et encadrant la formation des salariés.

Le bilan et entretien d’étape professionnel (BEP) et le passeport orientation et formation (POF) sont également deux mesures phares de la réforme visant à améliorer la connaissance souvent partielle des salariés s’agissant des dispositifs de formation. Le BEP doit permettre au salarié d’évaluer, à partir d’un diagnostic réalisé avec son employeur, ses capacités professionnelles et ses compétences afin de déterminer les objectifs de formation du salarié. Le dispositif est ouvert aux salariés ayant plus de deux ans d’ancienneté et peut être renouvelé tous les 5 ans. Les salariés devront être informés de leur droit à bénéficier de ce bilan, notamment à l’embauche et l’employeur devra veiller à insérer une disposition dans le contrat de travail afin de se ménager la preuve de l’information donnée.

Le POF est un document qui doit être mis à disposition de toute personne et qui recense la formation initiale ainsi que les actions suivies dans le cadre de la formation continue. Figurent également au titre des informations recueillies, les périodes de stage et les activités bénévoles avec les compétences et aptitudes professionnelles acquises. Il s’agit donc d’un document très personnel au salarié dont il n’est pas certain qu’il doit être rempli par l’employeur. Le texte prévoit en revanche que ce dernier ne peut exiger du candidat qui répond à une offre d’embauche qu’il présente son passeport, son refus ne pouvant justifier son éviction.

Le texte reprend également la Préparation Opérationnelle à l’emploi (POE) chère aux partenaires sociaux, qui a pour objectif de permettre un retour rapide à l’employabilité pour les demandeurs d’emploi en leur dispensant des formations adaptées à une offre d’emploi dans la limite de 400 heures. Le projet ferra l’objet d’une convention entre Pôle Emploi, l’entreprise ou la branche et l’OPCA concerné. Le coût de la formation sera pris en charge par Pôle Emploi avec possibilité de financement par les OPCA.
Enfin, le contrat de professionnalisation est étendu au bénéfice des publics les plus fragilisés : jeunes de moins de 26 ans, demandeurs d’emploi de plus de 26 ans, bénéficiaires du RSA, bénéficiaires de l’allocation de solidarité active, de l’allocation pour adultes handicapés et du contrat unique d’insertion. De plus, sont identifiés également comme salariés prioritaires, les jeunes de 16 à 25 ans n’ayant pas validé un second cycle de l’enseignement secondaire et qui ne sont pas titulaires d’un diplôme de l’enseignement technologique ou professionnel. Pour ces publics prioritaires la durée du contrat pourra être portée à 24 mois (au lieu de 12). Ils pourront bénéficier d’un tuteur externe à l’entreprise.

Notons que dans une volonté de protéger les jeunes dans l’accès à l’emploi, le texte interdit tout stage hors cursus et réduit la durée des stages non gratifiés de trois à deux mois. Est également créé un CIF hors du temps de travail pouvant être financé par l’OPCA pour tout salarié disposant d’un an d’ancienneté.

Bien plus qu’une réforme en profondeur, il s’agit ainsi de créer de nouvelles dispositions qui s’ajoutent au dispositif actuel dont les entreprises devront prendre rapidement la mesure, l’objectif de permettre au salarié de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle étant inscrit désormais dans le Code du travail.