Catapultée associée chez Bryan Cave Leighton Paisner en 2021, Élodie Valette ne s’essouffle jamais. Et multiplie les activités tant qu’elles ont trait à sa plus grande passion, le droit. Avocate, autrice, engagée dans des associations emblématiques de la profession, la jeune femme court sur tous les fronts.

Élodie Valette a choisi les salons feutrés de l’Hôtel Amour de la rue de Navarin du 9e arrondissement de Paris pour nous rencontrer. Elle tenait à découvrir l’endroit depuis longtemps. C’était l’occasion. Il ne faudra pas longtemps pour cerner l’associée de Bryan Cave Leighton Paisner, qui se décrit comme une "geek du droit". Une façon de dire qu’elle appartient à la catégorie des passionnés. Si elle n’était pas avocate, elle serait avocate. "Les chèvres dans le Larzac, je n’y crois pas."

Auberge espagnole

Après son bac, la Grenobloise s’envole aux États-Unis. Pendant un an, Élodie Valette vit la "vie d’une Américaine de 17 ans" dans une high scool américaine. Bal de promo, blouson de l’équipe de foot… Nul besoin de pousser l’imagination pour se figurer son quotidien là-bas. Changement de registre quelques années plus tard : on passe de la série américaine à l’Auberge espagnole de Cédric Klapisch. C’est à peu près à la sortie du film que l'étudiante part faire un LLM à Aberdeen, la ville grise. "Une très belle année." Elle aussi comptait parmi ses colocataires, des Italiens, une Anglaise, une Suédoise… Elle aussi partageait un frigo où chacun avait son étage.Une époque gravée dans les annales : elle a fêté dix ans d’amitié avec ses condisciples et reçu trois faire-part de naissance de "bébé Erasmus"De retour en France, son master 2 de contentieux et droit processuel en poche, elle amorce une carrière d’huissier de justice avant de se reconvertir en juriste d’entreprise et de passer le CRFPA un peu par hasard. "Un peu en dilettante", confesse-t-elle. À l’EFB, elle travaille la journée et suit les cours du soir, le lot des inscrits en "série salariée". Un avant-goût du "rythme de travail effréné" qui l’attend dans son futur cabinet, White & Case.

Passage en Commission des lois

C'est en 2012 qu'elle passe la porte du cabinet de la place Vendôme, des "étoiles plein les yeux". Elle y rencontre son mentor Philippe Métais. L’alchimie opère rapidement entre les deux avocats. "C’est un stratège hors norme", nous apprend Élodie Valette. C’est avec lui, après environ un demi-siècle à eux deux de White & Case (trente-quatre ans pour lui, dix ans pour elle), qu’elle s’en va chez BCLP, où elle est propulsée associée. Ensemble, ils traquent les "solutions originales, y compris en matière de procédure". L’avocate explique : "Le socle du contentieux, c’est la procédure civile et le droit des obligations." La procédure, c’est un peu un tremplin qui lui permet de s’illustrer ailleurs, en droit européen de la consommation, lors des conflits d’actionnaires ou dans les actions de groupe et collectives. Un sujet qu’elle connaît par cœur. Preuve en est : elle a été auditionnée, aux côtés de Philippe Métais, en tant qu'expert en matière d’action de groupe par la Commission des lois de l'Assemblée nationale chargée de l'évaluation et de l'examen des opportunités de développement des recours collectifs en France. L’un de ses plus beaux souvenirs, qu’elle doit probablement à ses nombreux articles sur la question. Si, quand elle parle droit, Élodie Valette mitraille, elle semble aussi volubile avec une plume, avec des retombées souvent fructueuses. L’un de ses papiers – sur le séquencement de l’instance – a été repris par le rapport Agostini-Molfessis, lui-même repris par la loi de programmation de la justice pour 2018-2022.

"Il faut rejoindre des associations professionnelles, s’intéresser aux instances représentatives des avocats, à l’avenir de la profession"

Loin d’être un “rat de bibliothèque”, la jeune femme au carré long brun court les audiences. Jusque dans les couloirs de la Cour de justice et de l’Union européenne à Luxembourg, pour la défense d’une grande banque française dans le cadre d’un contentieux sériel "emblématique" en droit bancaire et financier. L’exercice de la plaidoirie n’a rien d’inconnu pour l’avocate qui pointe au tribunal au moins trois fois par semaine. Si elle ressent toujours cette peur qui précède l'audience, elle a trouvé la formule pour la transformer en force. Une fois sa robe sur le dos, des talons aux pieds et du rouge aux lèvres, ses dossiers maîtrisés jusqu'au bout des doigts, elle ne tergiverse pas. Un peu comme si elle devenait "quelqu’un d’autre". Selon l’avocate, on n’est pas obligé d’être un ténor du barreau pour tirer son épingle du jeu. Et à ce jeu, elle connaît ses adversaires. Que ce soit par le biais de la vie du palais ou de ses engagements associatifs. "Il y a une certaine complicité. Au palais chacun défend son dossier, mais à la fin on se serre la main et on peut aller prendre un café." Élodie Valette croit dur comme fer au bénéfice des associations. Elle prêche "l’esprit d’entraide" et exhorte les jeunes générations de juristes à se créer un réseau de confrères. À "rejoindre des associations professionnelles, mais aussi à s’intéresser aux instances représentatives des avocats, à l’avenir de la profession et en particulier, aux enjeux liés à l’utilisation de l’intelligence artificielle". Il faut savoir "porter ses convictions au-delà de ses dossiers", insiste Élodie Valette qui siège au conseil d’administration de l’association Droit & Procédure et qui co-préside la Commission justice climatique de Paris place de droit. Les questions environnementales interpellent cette jeune maman. Et stimulent son appétit juridique. Les contentieux émergents climatiques et environnementaux, le devoir de vigilance ou encore l’écoblanchiment la captivent.

Équipe de choc

Celle qui se dépeint comme "stressée, mais pas stressante" semble infatigable. Son mariage en 2022 et l’arrivée d’une petite fille en 2023 n'ont pas changé sa cadence. Même si concilier vie de famille et vie d’avocate d’affaires relève pour elle d’un défi quotidien "pour lequel il est avant tout essentiel d’être bien entouré". "À la maison comme au cabinet, on avance plus vite et plus loin en équipe." Avec un mari à la fois avocat et cordon bleu, une "équipe de choc" qui souffle ses deux bougies, Élodie Valette est servie. Si elle n’insiste pas sur ce point, on devine entre les lignes la rançon de la gloire : le stress du contentieux, les nuits à passer en revue les délais de procédure, nuits qui parfois sont blanches. Qu’importe, Élodie Valette est une avocate épanouie. Et avec un peu de fierté, elle se dit qu’elle constitue la preuve vivante de la possibilité de faire ses études en province et devenir associée dans un grand cabinet parisien. CQFD.

Anne-Laure Blouin