Quand Xavier Norlain a enfilé la robe, le private equity vivait ses tout premiers balbutiements. L’avocat qu’il est maintenant a mûri en même temps que la pratique… Jusqu’à devenir incontournable dans son secteur, lui qui cultive avec ses clients et ses confrères un lien de confiance précieux et pérenne.
Xavier Norlain, le droit corps et âme
Xavier Norlain a eu une première vie, avant celle d’avocat spécialiste du private equity et du M&A. Le tout nouveau managing partner de Shearman & Sterling n’avait "pas d’atavisme familial ni générationnel pour le droit". Sa double formation, HEC et droit, le conduit d’abord dans la stratégie : il passe les quatre premières années de sa vie professionnelle chez l’ancêtre d’Airbus EADS puis KPMG Peat Marwick. Avant de revenir à ses premières amours : "Le code, la jurisprudence, la doctrine." Xavier Norlain quitte le conseil pour la robe, qu’il revêt à 29 ans. Dans le conseil, il "ne se sentait pas vraiment légitime pour conseiller aussi jeune les PDG de grandes entreprises." Chez Willkie Farr & Gallagher, qu’il intègre en 1999, il se sent à sa place. Il exerce entre Paris et New York en private equity, une matière peu connue à l’époque. "La période est passionnante, les méthodes juridiques pour faire du private equity venaient à peine d’être écrites, c’était à nous de développer la pratique." Il continue de le faire chez Latham & Watkins entre 2005 et 2008 avant de s’associer à un plus petit cabinet, Frieh & Associés. Xavier Norlain y découvre "l’adrénaline liée au développement entrepreneurial d’une petite boutique, qui a grandi et traitait un volume d’opérations significatif". La suite, ce sera neuf ans chez DLA Piper, qui n’avait pas de pratique private equity à Paris, et une arrivée chez Shearman & Sterling il y a tout juste un an.
Trente-six heures
Ce qu’il fait aujourd’hui "ressemble davantage" à ce qu’il avait en tête avant de prêter serment. Au départ, Xavier Norlain a connu "les longues heures devant les fax, les nuits blanches, le peu d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle". L’avocat voit son métier comme "une courbe d’apprentissage permanente et exponentielle", qui mêle expérience et savoir-faire technique, mais aussi le fait d'être totalement disponible pour les clients. La quintessence de l’avocature, pour lui, est l’intelligence des individus et des situations. Il faut développer son empathie, savoir donner des conseils utiles au-delà du conseil juridique. Aujourd’hui, Xavier Norlain est exactement comme il voulait être quand il a embrassé la profession : "Avoir l’oreille de [ses] clients." Clients qui, de leur côté, bénéficient de l’expérience en conseil en stratégie de l’avocat – il connaît les usines, les ingénieurs, les sujets opérationnels – et de sa sensibilité entrepreneuriale. En vingt ans d’exercice, Xavier Norlain a appris davantage qu’anticipé : "Je n’aurais pas imaginé une telle importance des opérations transfrontalières, des investissements asiatiques ou africains en France, et des investissements français à l’étranger, notamment aux États-Unis ces cinq dernières années." Sa pratique, désormais "totalement mature", évolue en continu. Lui a débuté avec l’industrie, l’aéronautique et la défense, il accompagne aujourd’hui de nombreux acteurs protéiformes – entrepreneurs, family offices, fonds d’investissement – du service et de la tech.
"Si j’étais resté le très bon technicien qui travaillait jour et nuit, je n’intéresserais personne"
À chaque nouveau dossier, Xavier Norlain veille à "adopter corps et âme la cause de [son] client". À faire jouer le collectif, aussi. Résultat : 80 % de son chiffre d’affaires repose sur des clients qu’il suit depuis quinze ans, et il a noué, depuis quinze ans là encore, une relation de travail solide avec plusieurs associés. La fidélité compte pour l’avocat, qui a grandi avec sa clientèle. Avec le temps, il a "heureusement changé", sourit-il : "Si j’étais resté le très bon technicien qui travaillait jour et nuit, je n’intéresserais personne." Xavier Norlain a compris que "tout le monde ne fonctionnait pas avec les mêmes valeurs et les mêmes approches" et qu’il fallait s’adapter. Son pragmatisme s’est développé. Son activité est un processus intellectuel de tous les instants – "sauf quand [il] conduit" –, qui exige de savoir se remettre en question et de revenir sur chaque dossier d’envergure pour savoir ce qu’il faudrait améliorer. Il veut pouvoir offrir à ses clients et ses confrères de la transparence et continuer d’apprendre. "Les journées devraient durer trente-six heures", pour celui qui soigne sa culture générale et qui, quand il ne lit pas Belle du Seigneur, parcourt les journaux, réfléchit, reformule et anticipe.
Euphorie
Si le métier est "très exclusif", l’avocat a su se créer des soupapes. Sport en nature, à pied ou à cheval, trekking en haute altitude… L’activité en plein air est fondamentale pour ce passionné du "monde vu d’en haut" qui a obtenu son brevet de pilote, saute en parachute et en parapente. Cet heureux père de triplées s’accorde chaque semaine un "non-négociable", un moment qui lui appartient. Les événements les plus beaux de sa carrière ? Son premier dossier en totale responsabilité et son premier dîner de closing à quatre ans d’ancienneté – "un grand moment d’euphorie" –, le jour où il est devenu associé, ses nominations comme managing partner de DLA Piper puis de Shearman & Sterling. Celui qui s’imaginait dans l’aéronautique quand il était plus jeune ignore ce qu’il ferait s’il n’était pas avocat. "Il y a bien astronaute, mais ce n’est peut-être pas bien réaliste." Le conseil lui correspond, sans aucune frustration de ne pas exercer dans les prétoires : "Le transactionnel a l’avantage d’être une vraie pratique de synthèse, qui impose de sortir de son couloir et d’avoir une connaissance dans toutes les matières importantes, du droit social à la fiscalité en passant par le droit des sociétés." Xavier Norlain est exactement là où il devrait être, en somme.
Olivia Fuentes