Peu de choses prédestinaient Emeric Sorel, enfant de la ville de Bourges, à devenir l’un des fondateurs d’Actance, un cabinet incontournable de droit social. Retour sur le parcours d’un avocat qui refuse les carcans et qui privilégie une approche constructive des relations collectives et individuelles en entreprise.
Emeric Sorel, un homme de construction
Certains de ses clients le surnomment “le pitbull”. Fils d’un avocat, Emeric Sorel s’oriente assez naturellement vers le droit. Mais, inspiré qu’il est par l’exercice généraliste de son père, le jeune homme n’a pas envie de devenir un avocat parisien. Il n’a pas l’intention d’“attendre ses 50 ans pour arriver en haut de la pyramide” et redoute d’être “bridé” dans des “cabinets parisiens constitués de grosses équipes”. Raison pour laquelle deux-trois ans à Paris suffiront selon lui pour “voir et surtout ne se fermer aucune porte. [Il veut] au préalable pratiquer et découvrir le fonctionnement des cabinets parisiens de taille importante”. Emeric Sorel n’a pas de plan de carrière franchement établi. Un master de droit social, un doctorat et le barreau poitevin en poche, il commence chez Barthélémy où il ne reste que quatre ans, déjà habité par l’envie d’être “décideur” d’un cabinet “peu importe sa taille”. À cette époque, il pense peut-être naïvement qu’une petite structure lui garantira “prise de décision et initiative” et il ne souhaite pas a priori “s’inscrire dans un cabinet existant où la marge de manœuvre est nécessairement limitée”. Après seulement quatre ans de barreau, il fonde Actance avec trois autres avocats, une boutique spécialisée en droit social, qui trouve rapidement son public. De quoi tordre le cou à tous les clichés sur les cabinets parisiens qui lui avaient jusque-là encombré l’esprit.
Convivialité
Actance monte. Emeric Sorel raconte que le challenge est constant. “On devient leader et il faut s’assumer comme tel. Entretenir la culture du cabinet, donner de la visibilité aux équipes, communiquer sur des éléments évidents à 30 avocats mais moins au-delà.” Des défis quotidiens qui nourrissent l’avocat en permanente recherche de progression. “Ce qui m’intéresse ce n’est pas ce que j’ai réalisé mais ce que je vais faire demain.” Emeric Sorel est un “homme de construction“. C’est ce qui lui a fait choisir le droit social plutôt que le pénal pendant ses études. Le droit du travail lui offre un “équilibre entre l’entreprise et l’humain”. Et lui permet surtout “d’apporter une approche innovante et agile au service des entreprises grâce, notamment, à l’importance de la négociation collective qui permet, dans beaucoup de domaines, d’adapter les normes légales”. Il préfère la logique constructive de cette matière ainsi que ses négociations à la logique défensive du pénal. Il apprendra encore avec le temps que le conseil juridique doit se doubler de stratégie. “On apporte le droit et la clef d’entrée.” L’avocat doit avoir une “vision macro et des réflexes, des notions de business” pour interagir avec les différents interlocuteurs de l’entreprise. Son objectif : “Ne pas être un diseur de droit mais apporter, grâce aux compétences techniques et à une bonne connaissance de l’environnement des entreprises, des solutions opérationnelles.” Et “connaître les forces en présence.” Plus le conseil se place en amont de la prise de décision, meilleur il sera.
“Le rire et la bonne humeur ne nuisent pas, contrairement à certaines idées reçues, au professionnalisme !”
Avec l’expérience, Emeric Sorel sait aussi qu’il faut toujours “garder un temps pour prendre de la distance et faire preuve de sérénité pour traiter ses dossiers”. Ne jamais aborder une affaire avec des “idées arrêtées”. Et “écouter”. Ses clients, ses associés, ses collaborateurs. Celui qui “n’aime pas trop la hiérarchie” perçoit sa profession de manière plus collective qu’avant et applique ce précepte chez Actance. Le cabinet s’est doté d’un “culture book” et d’un “parcours collaborateur” plus bienvenu que le “marche ou crève” qui régit la chaîne alimentaire des avocats. Emeric Sorel explique qu’à côté de l’investissement et de la performance nécessaires à ce métier “parce qu’on n’est pas dans un monde de bisounours”, il favorise à travers Actance “l’entraide“ et la “convivialité”. Pour lui, “il ne faut pas toujours se prendre au sérieux dans ce travail et savoir rire. Le rire et la bonne humeur ne nuisent pas, contrairement à certaines idées reçues, au professionnalisme !”
Pitbull
Pour décompresser, du vide et du sport. Le premier, il le fait avant chaque plaidoirie. “Je coupe.“ Le second, il s’en sert pour se décharger du stress, partenaire quotidien de l’avocat. “Une partie de ce métier, c’est de rassurer les clients et les équipes et de prendre leur stress afin de l’utiliser positivement.” Alors il court, il pédale dans la montagne, joue au tennis. Emeric Sorel avoue ne pas aimer perdre “sans être mauvais joueur” pour autant. Il a le “sens du dépassement” et savoure “l’exercice physique et mental”. Et puis il aime la campagne. “Je suis un campagnard.” Son plaisir ? “Être avec des amis à la campagne ou bord de la mer et si possible faire un peu la fête et du sport !” Un peu chef de bande, Emeric Sorel adore l’esprit de groupe, les grandes tablées. La musique aussi. Cet amateur de Johnny ou d’ACDC a bien pensé, enfant, à devenir chanteur. Vivre la “scène” et “l’interaction avec les gens”. Il fait le parallèle avec son attirance pour le métier d’avocat, la robe, la “logique de conviction”. Emeric Sorel est aussi père de trois enfants auxquels il essaie de consacrer ses soirées et ses week-ends. Il s’inquiète pour eux, de ce que devient la société. “De plus en plus fragmentée, dépourvue de vision à long terme et faite de buzz.” Il le ressent d’ailleurs dans sa pratique : ce sentiment “d’être dans une société où l’on ne sait plus appréhender l’accusation et la culpabilité”. Mais, n’en doutez pas, l’avocat qui se décrit lui-même comme “offensif mais jamais violent”, se donnera corps et âme pour vous défendre.
Anne-Laure Blouin