Ce week-end, le Premier ministre a posé en compagnie d’un chiot qu’il venait d’adopter. Cette initiative n’a rien d’un hasard et rappelle un certain Emmanuel Macron.

La majorité et l’opposition sont d’accord sur un point : Gabriel Attal est un professionnel des relations publiques. Un homme capable d’accaparer les sujets populaires et de transformer une situation défavorable ou un bad buzz en séquence de communication réussie. Le Premier ministre l’a encore prouvé la semaine dernière.

Effet Waf waf

Tout commence sur les bancs de l’Assemblée nationale lundi 5 février. Alors qu’une motion de censure du gouvernement est en discussion, il est filmé hilare en train de montrer son téléphone à certains ministres. Sur l’écran, un chiot au pelage noir s’ébat joyeusement. Aussitôt, des députés de la Nupes critiquent son "indifférence", son "manque d’écoute", son "manque de sérieux" ou son "attitude lunaire".

Pour reprendre l’initiative et faire taire les critiques, Gabriel Attal passe à l’offensive. Dimanche 11 février, sur son compte Instagram, il publie une photo de lui-même en tenue casual, assis sur les marches de l’hôtel de Matignon en compagnie du chiot adopté. En légende, il écrit : "Elle devait rester mon jardin secret… Une photo de mon écran de téléphone cette semaine en a décidé autrement (…) J’ai toujours été passionné par les animaux (…) J’ai toujours eu à cœur de m’engager pour le bien-être animal." Il explique que l’animal est un cadeau de sa famille à l’occasion de sa nomination au poste de Premier ministre. Son petit nom ? Volta, en "hommage à l’inventeur de la pile électrique" et à son "énergie débordante". Sur les réseaux, c’est un carton plein. En deux jours, le post récolte 65 000 likes, trois fois plus que l’hommage à Robert Badinter ou les photos de son déplacement en Allemagne.

Le même jour, Le Parisien publie un article dans lequel l’ancien ministre de l’Éducation nationale s’épanche encore. Le grand public apprend ainsi qu’il s’agit "d’une femelle, de la race chow-chow (…). Dans l’hémicycle pendant la motion de censure, mes sœurs m’ont envoyé une photo de ma chienne dans le jardin. Spontanément, j’ai voulu partager ce moment avec les ministres à côté de moi".

S’humaniser

Reste à savoir si cette stratégie de communication est spontanée. En matière de communication politique, l’adoption d’un chien et sa mise en avant est un grand classique que l’on pourrait qualifier d’arme de séduction massive. Joe Biden, Boris Johnson, François Hollande ou encore Emmanuel Macron sont tous passés par cette étape.

Pour un responsable politique, un chien est un véritable atout. La France en compte 7,5 millions, un tiers des ménages possède soit un chien soit un chat qui font pratiquement partie de la famille. En mettant son chow-chow en avant, Gabriel Attal montre qu’il est comme eux. Lui aussi ne peut s’empêcher de le montrer aux autres, lui aussi a choisi le nom avec attention, lui aussi a une famille avec qui il échange des photos mignonnes.

"La séquence a pour but de s'humaniser, de casser une image de membre de l'élite parisienne ambitieux et éloigné du peuple"

Cette séquence lui permet de s’humaniser, de casser son image de membre de l’élite parisienne ambitieux et éloigné des préoccupations populaires. Cette "dogmunication" lui permettra-t-elle d’améliorer sa popularité ? Une chose est certaine, l’opération Volta est lancée alors que la popularité de Gabriel Attal est en recul…

Dans un post Instagram, le successeur d’Élisabeth Borne a également l’habileté de préciser que "comme député puis ministre, j’ai toujours eu à cœur de m’engager pour le bien-être animal". Une phrase qui ne manque pas de flair puisque les Français sont de plus en plus sensibles à la question. Signe des temps, lors des dernières élections européennes, le parti animaliste a réuni plus de voix que le parti communiste. Autre point intéressant, lors de la présidentielle de 2022, tous les partis sauf Reconquête! avaient intégré dans leur programme une partie consacrée au bien-être animal.

Joue-la comme Macron

À tort ou à raison, Gabriel Attal est parfois considéré comme le clone d’Emmanuel Macron. En ce qui concerne les chiens, c’est vrai. Les amateurs de politique se souviennent peut-être que, lors de son élection en 2017, Emmanuel Macron n’a pas bénéficié de l'état de grâce. Lors du premier été de son quinquennat, sa cote de popularité n’était que de 40 %, soit moins que Nicolas Sarkozy (69 %) ou François Hollande (54 %).

Pour renverser la vapeur et casser le cliché de jeune technocrate issu de l’élite parisienne coupée du peuple, lui aussi avait mis en avant l’adoption d’un chiot noir mi-labrador mi-griffon nommé Nemo. Objectif : s’humaniser, susciter de la sympathie. Le Président avait alors mobilisé la presse et ses réseaux sociaux pour raconter son "coup de cœur" lors d’une visite à un refuge de la SPA, le choix du nom en hommage à Vingt Mille Lieues sous les mers, l’un de ses ouvrages favoris. Évidemment, il a fait part de son attachement au bien-être animal. Dans les mois qui suivirent, il a partagé son quotidien de "maître", ses difficultés de dressage et son attachement à Nemo. Coïncidence ou non, sa popularité a remonté.

Scrutez bien les réseaux sociaux de Gabriel Attal. Il est probable que Volta fasse prochainement parler de lui !

Lucas Jakubowicz