Le blog de Jean-Luc Mélenchon est trop peu lu. Pourtant, toute sa ligne politique est détaillée : conflictualisation à outrance, communautarisme électoral, mépris de la presse, haine contre toute forme de contradicteur, paranoïa... Son dernier article est à cet égard très révélateur de ce qu’est le "mélenchonisme".

Quelle est la stratégie exacte de Jean-Luc Mélenchon ? Quels sont ses buts et ses objectifs ? Pour répondre à ces questions, il existe une méthode simple. Lire avec attention le blog du leader Insoumis. Le "Patron" y détaille clairement sa pensée, immédiatement mise en œuvre par les responsables et les militants de LFI. Pour les amoureux de la démocratie, elle fait froid dans le dos. Le dernier post publié par le triple candidat à la présidentielle le 22 octobre donne un éclairage qui permet de mieux comprendre la crise que traverse la Nupes et le positionnement des Insoumis vis-à-vis du conflit entre Israël et le Hamas. Tentative d’exégèse du mélenchonisme.

Éloge de la conflictualité

Dans un régime démocratique, la politique suppose de faire des concessions, de chercher le plus petit dénominateur commun et d’essayer de séduire un maximum d’électeurs dans le but d’accéder au pouvoir. Influencé par les thèses de la philosophe Chantal Mouffe, Jean-Luc Mélenchon prône une stratégie différente, celle de la conflictualisation et du bruit et de la fureur. Son dernier article réaffirme une fois encore cette doctrine : "Les animateurs du mouvement Insoumis appliquent une tactique de combat déjà éprouvée (…) Il s’agit de s’appuyer sur l’énergie de la conflictualité."

Les alliances partisanes et la recherche d’accord commun importent peu à Jean-Luc Mélenchon. Soit on est à 100 % derrière lui sans discuter, soit on est un ennemi. Les partis qui se sont unis avec lui au sein de la Nupes auraient mieux fait de lire son blog. S’allier à lui c’est se soumettre. Pour les déviants, un traitement spécial est réservé.

Tous nazis et racistes, sauf nous !

Émettre des réserves sur la doctrine de Jean-Luc Mélenchon donne droit automatiquement au qualificatif d’extrême droite. Marine Tondelier s’est sentie mal à l’aise d’entendre crier Allah Akbar place de la République (avant de se rétracter) ? "Tondelier récuse les manifestations de soutien à la Palestine avec les arguments du RN." Danièle Obono persiste à ne pas qualifier le Hamas de groupe terroriste ? La critiquer c’est de "l’incitation au racisme". Quant à Olivier Faure, il est accusé d’avoir "participé à la manifestation du Crif au cri de Zemmour Président". Le Crif qui a déjà été qualifié d’extrême droite pour s’être opposé à la ligne défendue par le chef de file de la gauche française. Suivant la pensée du "maître", la garde rapprochée de l’ancien député des Bouches-du-Rhône reprend la même trame sémantique, essentialise, communautarise, voit l’extrême droite et le racisme partout.

Comme tous les populistes autoritaires, Jean-Luc Mélenchon voit la presse comme un ennemi. Elle est le jouet de "9 milliardaires", est "alignée sur la fachosphère française et israélienne" et chercherait à "l'éliminer" en pratiquant "la lapidation médiatique"

Haine de la presse

La lecture du blog de Jean-Luc Mélenchon permet également de confirmer qu’il possède un trait propre aux populistes autoritaires de droite et de gauche : la presse est un ennemi à partir du moment où elle n’est pas un soutien sans faille.

Pour Donald Trump ou Jair Bolsonaro, les médias sont aux mains des progressistes honnis. Chez Jean-Luc Mélenchon, ils sont le jouet des "neuf milliardaires" et sont alignés sur "la fachosphère française et israélienne". Le Monde, TPMP, Charlie Hebdo ou CNews sont tous mis dans le même sac. Ce sont des fachos aux mains des puissances de l’argent. Ces propos s’en prenant à la liberté d’informer sont récurrents et expliquent en partie le harcèlement que subissent certains journalistes de la part de comptes Twitter anonymes partisans de la France insoumise…

La haine de la presse est telle que, pour disqualifier la députée LFI de Seine-Saint-Denis Raquel Garrido devenue opposante interne, il la qualifie d’"ex-chroniqueuse" alors qu’elle fait partie des premiers à l’avoir accompagné dans la création du parti de gauche en 2008.

Point cocasse, un journal semble apprécier la ligne défendue par Jean-Luc Mélenchon depuis les attaques terroristes menées par le Hamas. Il s’agit de Rivarol, petite publication nostalgique de Philippe Pétain et de la collaboration. Son rédacteur en chef Jérôme Bourdon, condamné à plusieurs reprises pour incitation à la haine, antisémitisme et contestation de crime contre l’humanité, semble tenir Jean-Luc Mélenchon en haute estime. Dans son numéro du 24 octobre, Rivarol tresse des lauriers au leader insoumis. Il serait « diabolisé par le système comme naguère Jean-Marie Le Pen », « subit des attaques d’une rare violence de la part du Lobby parce qu’il refuse avec un certain courage de s’aligner inconditionnellement sur l’entité sioniste ». Traiter tout le monde de nazis et être soutenu par des nostalgiques du IIIe Reich, voilà qui ne manque pas de sel…

La dérive de Jean-Luc Mélenchon est telle qu'il a désormais le soutien du journal d'extrême droite antisémite Rivarol car il "subit des attaques du Lobby" et refuse de "s'aligner sur l'entité sioniste".

Le meilleur média, c’est moi !

Si la presse n’est pas "fiable", le meilleur média reste celui que l’on contrôle. Comme Donald Trump, Matteo Salvini ou Jair Bolsonaro, Jean-Luc Mélenchon axe sa communication autour de son propre compte Twitter. Sa ligne de conduite est simple : les journalistes sont des ennemis, des incompétents, qui veulent sa mort sociale voire physique. Il est possible de se passer d’eux en utilisant ses propres réseaux et en faisant plus de vues qu’eux car le peuple est conscient de leur nullité.

Dans son blog, il l’affirme crânement puisqu’il souligne que "l’audience à l’écrit comme à l’audiovisuel, de l’officialité est trop résiduelle par rapport à nos propres moyens de diffusion". "Je pense me contenter pour l’instant de tweets (…). Quatre de mes tweets ont réalisé entre deux et quatre millions de vues par exemplaire sur l’ensemble des réseaux". Peu importe que les vues génèrent essentiellement des critiques, l’essentiel semble être de faire parler de soi, d’occuper l’espace.

Complexe de persécution

C’est d’ailleurs un autre point de convergence entre Jean-Luc Mélenchon et les dirigeants populistes autoritaires. Tous ont la certitude qu’ils sont au centre de tout, qu’ils sont les meilleurs, les plus clairvoyants. Ce qui pousse le "système" à vouloir les réduire au silence.

Pour Jean-Luc Mélenchon, les médias ont pour unique but de s’en prendre à  sa personne. Le triple candidat à la présidentielle le répète à satiété avec une certaine tendance à la paranoïa : "J’occupe une place spéciale puisqu’il s’agit de m’éliminer. Politiquement, bien sûr… Si je ne me fais pas tuer en route par la folie de quelqu’un qui aura pris au sérieux toutes ces divagations", "le dispositif haineux est complété par un ciblage personnalisé qui me désigne comme cause de tous les problèmes." La presse aurait "deux obligations (…) continuer à critiquer LFI et Mélenchon". Qui parle de lui à la troisième personne. Une belle preuve de modestie.

Que veut vraiment Jean-Luc Mélenchon ? La paix ou des tensions communautaires en France pour continuer à conflictualiser la société comme il le préconise ? Le doute est permis

Hamas, Israël. La recherche de la paix, vraiment ?

Enfin, dans son post de blog, Jean-Luc Mélenchon ne cesse de répéter que son mouvement et lui-même sont les chantres de la paix. Pourtant, une phrase laisse penser qu’un cessez-le-feu n’est pas le seul objectif de Jean-Luc Mélenchon. Ceux qui ne sont pas entièrement sur sa ligne font preuve "d’une indignation à géométrie variable" qui "contient une trame raciste à présent évidente".

En filigrane, il s’agit de dire que condamner le Hamas est une preuve de racisme envers la communauté musulmane française. Par ricochet, Jean-Luc Mélenchon et les Insoumis sont leurs protecteurs. Sa grille de lecture semble donc basée sur le communautarisme, la volonté d’attiser des tensions religieuses en France. Le tout pour atteindre son principal objectif qui n’est pas la paix mais la conflictualisation.

La lecture de cette note de blog ne peut qu’alarmer, que l’on soit de gauche ou de droite. Jean-Luc Mélenchon a une qualité rare, il ne ment pas, ne triche pas et joue carte sur table. Le pire est à attendre de lui et l’on ne pourra pas dire que l’on ne savait pas.

Lucas Jakubowicz