Lundi soir, BFM TV organisait une rencontre entre Dominique Carlac'h et Patrick Martin, tous les deux candidats à la présidence de l'organisation patronale dont l’élection aura lieu le 6 juillet. L’occasion de dérouler leur vision sur des sujets aussi centraux que le travail, les taxes ou la compétitivité industrielle.

 

Les adhérents du Medef ont jusqu’au 6 juillet pour désigner le nouveau patron de l’organisation patronale. Alors que la campagne pour départager les deux candidats en lice entre dans sa dernière ligne droite, BFM TV leur a offert lundi soir l’occasion de débattre. Pendant deux heures, Dominique Carlac'h et Patrick Martin ont été interrogés sur les grands sujets qui préoccupent les entreprises et leurs patrons. Si dans les grandes lignes les deux prétendants à la sucession de Geoffroy Roux de Bézieux affichent des combats communs, quelques différences se font jour.

En début d’émission, les candidats ont été invités à présenter leurs ambitions pour le prochain quinquennat. Patrick Martin a ouvert le bal affirmant vouloir un "Medef de solutions". "Nous sommes un pivot essentiel de la démocratie sociale dont la France a plus que jamais besoin", martèle le président et actionnaire majoritaire du groupe familial Martin Belaysoud Expansion. Sa concurrente propose "un Medef énergique, moderne", "force de propositions dans le débat public" qui "parlera haut et fort et ne se laissera jamais intimider".

Sur le rôle de l’organisation, qui regroupe 190 000 adhérents, les deux candidats ne s’opposent pas. En revanche, Dominique Carlac'h, présidente de D&Consultants, envisage l’ouverture du Medef aux micro-entrepreneurs. Très opposé à cette proposition, Patrick Martin insiste : "C'est la mort du Medef" (…) “on ferait entrer des personnes estimables, mais qui pour beaucoup d'entre elles ne sont pas des entrepreneurs."

Former, former, former 

Concernant la question centrale du travail, Patrick Martin – par ailleurs président délégué du Medef – estime qu’il faut "couper le robinet (sous-entendu des aides ?) en amont" afin de ramener les personnes éloignées de l’emploi vers celui-ci. Il souhaite une réforme du lycée professionnel aussi réussie que celle de l’apprentissage, qui concerne essentiellement des personnes de plus de 20 ans, là où le lycée professionnel touche les plus jeunes.

Les deux candidats rappellent leur attachement à l’apprentissage

Les deux candidats rappellent d’ailleurs leur attachement à l’apprentissage et n’aimeraient pas que l’État, comme cela est évoqué, puisse revoir à la baisse les aides dans le domaine. "Ce serait une erreur politique de renoncer à l’investissement dans l’apprentissage", certifie Dominique Carlac’h, également vice-présidente et porte-parole du Medef.

Le télétravail en question 

Les discours des deux concurrents sur le télétravail se font échos. Là où Dominique Carlac’h se dit ouverte aux différentes formes de travail, elle insiste sur le fait que celles-ci doivent "s’inscrire dans la productivité", laquelle est en train de chuter depuis quelque temps.

Pour Patrick Martin, si l’on manque encore de recul sur le télétravail, il faut se méfier de trois écueils : les risques de délocalisation, de fracture dans l’entreprise (entre ceux qui peuvent travailler en dehors du bureau et les autres) et la perte du collectif.

Réindustrialisation 

Pour faire face à la concurrence américaine et chinoise, l’Europe doit aider son industrie à combler son retard et, dans cette optique, arrêter de réglementer à tout-va. Là où Patrick Martin parle de "délire normatif au niveau européen et français", Dominique Carlac’h dénonce "une réglementation complètement anti-performance industrielle, qui met en avant le principe de précaution et de vigilance au lieu du principe d’innovation et de sobriété".

Deux méthodes différentes pour peser à Bruxelles

Toutefois, les candidats ne semblent pas totalement d’accord sur la méthode à adopter pour remédier à cette situation. Patrick Martin envisage une vice-présidence du Medef à Bruxelles afin d’être au plus près de l’exécutif européen. Sa concurrente, pour sa part, estime qu’il faut construire des feuilles de route avec les différents métiers représentés au sein de l’organisation, se fixer des objectifs et se rendre régulièrement en Belgique pour porter ces idées.

Économie et écologie 

En matière d’écologie, "si on doit aller plus loin, on ne peut pas demander aux entreprises françaises dans un laps de temps aussi court de se décarboner, sans quoi on aura des effets paradoxaux, des effets de désindustrialisation, de paupérisation et de fractures territoriales, s’inquiète Patrick Martin. On va beaucoup trop vite." Il ajoute que l’approche américaine, qui consiste à subventionner massivement les entreprises, est la bonne.

Pour Dominique Carlac’h, qui ne croit pas en la décroissance, "l'innovation signifie investissements donc il faut libérer certaines charges qui nous empêcheraient dans nos investissements et l'innovation. Ça prend du temps." Sans grande surprise, la candidate s’oppose à de nouvelles taxes pour financer la transition verte. Même son de cloche du côté de son concurrent pour qui la taxation relève d’une "maladie française". D’ailleurs, les deux candidats prônent une baisse supplémentaire des impôts de production. Et pour aller plus loin dans les sujets qui fâchent, Patrick Martin a évoqué son souhait de voir lancer un fonds de retraite par capitalisation.

L’IA à certaines conditions 

Enfin, en ce qui concerne l’intelligence artificielle, Patrick Martin estime qu’elle est une chance “en termes de pertinence de l’offre, de productivité, de confort de travail” mais qu’"il faut anticiper les effets de bords massifs". Pour Dominique Carlac’h, le "vrai sujet, c’est que l’IA est très sélective, donc il faut un grand programme d’inclusion numérique".  

Pour l’instant, Patrick Martin part favori, mais, Dominique Carlac’h, qui est une ancienne athlète, sait qu’en compétition la victoire reste possible jusqu’à la dernière minute.

Olivia Vignaud