Pour rester populaires, les présidents de la République sont contraints de perpétuer la tradition de l’État nounou en augmentant la dépense publique. Tout en donnant des gages aux marchés qui permettent de faire fonctionner un pays endetté jusqu’au cou. Une équation de plus en plus impossible.

Fin avril, l’agence Fitch a envoyé un signal fort en abaissant la note de solvabilité de la France passée de AA à AA-. Sur le papier, rien de bien grave, l’État reste un emprunteur sûr, possède la quatrième meilleure note sur 21. Moody’s et Standard & Poors n’ont pas suivi Fitch qui soulève toutefois un point important dans son rapport.

La dégradation s’explique notamment par des "mouvements sociaux parfois violents" qui conduisent à une possible "impasse politique" et à "un risque pour le programme de réforme". Ce qui met Emmanuel Macron, pourtant spécialiste autoproclamé du "en même temps" face à un dilemme. D’un côté, il doit assurer la pérennité d’un modèle très dépensier. De l’autre, il doit rassurer les marchés qui demandent des changements structurels pour continuer à financer le système.

Comme ses prédécesseurs, le Président doit louvoyer en permanence. Il lui faut réduire la deette publique et rationaliser les dépenses. Mais sans trop braquer l’opinion publique attachée à un modèle plus généreux qu’ailleurs (les dépenses sociales pèsent 31,6 % de notre PIB, record de l’OCDE où le taux moyen est de 20 %) qui ne veut pas voir certains avantages rognés. La réforme des retraites en est la preuve, même si rien ne se passe comme prévu : conçue pour rassurer les marchés, elle bloque le pays et braque les prêteurs.

S'il y a un coupable, c'est notre système politique devenu accro à la dette

Alors, à qui la faute ? Aux manifestants et aux grévistes qui effraient les marchés ? Au gouvernement qui pousse la population dans la rue alors que la réforme était comptablement loin d’être primordiale ? Car, rendons justice à Emmanuel Macron, depuis son arrivée au pouvoir, le déficit public s’améliore peu à peu. Après avoir atteint un pic de 208 milliards d’euros en 2020, il n’est plus "que" de 125 milliards désormais.

S’il y a un coupable, c’est notre système politique tout entier qui est devenu accro à la dette. Depuis 1974, jamais un gouvernement n’a présenté un budget en équilibre. Nos dirigeants empruntent, empruntent, empruntent sans assez réformer. Et de ce fait rognent la souveraineté nationale qui doit "rendre des comptes" aux banquiers autant qu'aux citoyens.

Certains, notamment à gauche, invitent à leur dire "merde". Cela a déjà été essayé de manière implicite lorsque Louis XVI a renvoyé son ministre Necker en 1789. Objectif : faire perdurer un modèle intenable sans le réformer. Ça n’a pas marché bien longtemps…

Lucas Jakubowicz