Une extrême droite en forte croissance qui séduit les catégories populaires, une gauche de plus en plus limitée aux grandes métropoles et aux CSP+, une droite repliée sur les personnes âgées, l’émergence d’un parti centriste pro-européen, une haine contre le système, une abstention record... D’une certaine manière, les élections générales italiennes ressemblent quelque peu à notre dernier scrutin présidentiel.

Comme prévu, les élections générales italiennes qui se sont tenues le 25 septembre ont donné lieu à un score historique pour l’extrême droite. Dans l’Hexagone, la condamnation des résultats et les accusations envers des Italiens décrits comme des xénophobes nostalgiques de Mussolini ont vite fait la Une des médias. C’est oublier un détail : la situation n’est guère différente à l’intérieur de nos frontières.

Zemmour en rêvait, Meloni l’a fait

Chez nos voisins transalpins, Giorgia Meloni se place en tête avec 26,4 % des suffrages contre 4,4 % en 2018. Un triomphe pour cette « Zemmour italienne » qui revendique son attachement à l’identité chrétienne, sa haine des immigrés et du progressisme ; même si elle a tenté d’atténuer son image durant la campagne. De son côté, le leader de la Ligue, Matteo Salvini, termine à 8,9 % et se trouve ringardisé par la quadragénaire romaine. Son parti paie notamment sa participation au gouvernement et sa proximité avec Vladimir Poutine. Au total, l’extrême droite culmine à 35 %. En France, lors du premier tour de la présidentielle de 2022, l’addition des scores de Marine Le Pen, Éric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan donne un total de 32,5 %. Seule différence, l’extrême droite italienne est parvenue à unir ses chapelles, à allier classes populaires et bourgeoisie et à vassaliser la droite « classique » d’un Silvio Berlusconi qui ne veut pas quitter la scène. Le rêve d’union des droites cher au candidat Reconquête a pris forme.

L'extrême droite italienne a récolté presque le même pourcentage de voix que son homologue française au premier tour de la dernière présidentielle...

Gauche : allo maman bobos

À gauche, on observe la même tendance des deux côtés des Alpes : un progressisme sociétal mais une relative impuissance à améliorer le quotidien des plus démunis lorsqu’elle est aux affaires. Et le bilan des courses est similaire. La gauche abandonne peu à peu les catégories populaires à l’extrême droite et se replie sur le centre des métropoles et des villes universitaires où elle mène largement la danse, qu’il s’agisse de Milan, Turin, Florence ou Bologne. Nos voisins ne parlent pas de « bobos », mais, comme l’observe Mathieu Gallard, directeur des études de l’Ipsos de « vote ZTL, soit zone de trafic limité, ce qui revient à désigner le cœur des grandes villes ». Une différence est notable : le peuple de gauche français a pu compter sur un Jean-Luc Mélenchon charismatique, habitué à mener campagne et à rassembler derrière son panache.  Nos voisins n’ont pas eu cette possibilité et ont donné les clés du camion à Enrico Letta au profil plus technocratique. Autre différence, le mouvement 5 étoiles a permis d’attirer les voix de « fâchés mais pas fachos ». Une offre politique inexistante pour les électeurs français qui se sont reportés sur le candidat insoumis.

Une droite en état de mort cérébrale

À droite, dans les deux pays, les derniers scrutins nationaux tournent à la soupe à la grimace. Forza Italia et LR se rétractent sur une base composée en grande partie de retraités et ne renouvellent pas leur électorat. Ce qui donne des résultats historiquement bas : 8 % pour Silvio Berlusconi, moins de 5 % pour Valérie Pécresse. Dans les deux cas, les partis manquent de chef capable de relancer la machine à court terme. Ce qui laisse de la place pour une troisième voie.

Une Italie bientôt en Marche ?

Pour faire face à Giorgia Meloni et à sa coalition, la gauche et la droite « classique » sont démonétisées. L’avenir se situerait-il dans un mouvement « en même temps », pro-européen, pro-business et à la ligne progressiste ? C’est le pari de Carlo Calenda et Azione qui, pour sa première participation, a attiré 8 % des électeurs. Certains lieutenants de Silvio Berlusconi se sont ralliés à l’aventure. En attendant, peut-être, des sociaux-démocrates désenchantés.

Le scrutin s’est déroulé sur fond d’abstention massive puisque seuls 63,9 % des électeurs se sont rendus aux urnes, soit 9 points de plus que lors de la dernière consultation. Toute ressemblance avec la France ne serait que fortuite…

Lucas Jakubowicz