Aurore Bergé, Marine Le Pen, Mathilde Panot, Olivier Marleix, Boris Vallaud… Les présidents de groupe à l’Assemblée nationale remplissent une mission peu connue du grand public. Elle est pourtant stratégique, notamment en cas de majorité relative. Eclairage avec l’universitaire Christophe Bellon, spécialiste de l’histoire parlementaire.

Décideurs. Quelles sont les fonctions principales d’un président de groupe ?

Christophe Bellon. C’est une sorte de primus inter pares qui coordonne le travail parlementaire de son groupe. Il attribue les questions au gouvernement, choisit dans quelle commission siège un député. Par ailleurs, il participe à la conférence des présidents qui se réunit chaque semaine et fixe le calendrier parlementaire. C’est également lui qui peut demander ou s’opposer à la création d’une commission spéciale, réclamer une suspension de séance ou expliquer dans l’hémicycle la position de son groupe sur des projets de loi. Le poste est donc technique et nécessite une certaine expérience du fonctionnement de l’Assemblée nationale. Mais il est également indispensable de disposer d’une bonne connaissance des députés, voire de l’âme humaine.

Christophe Castaner, ancien président du groupe LREM, déclarait que sa mission principale était de faire de la "câlinothérapie" …

Certains députés, notamment dans un groupe pléthorique, peuvent ressentir un sentiment d’inutilité, il faut les rassurer, leur donner des missions, du temps de parole, de l’écoute. Il arrive aussi que des élus souhaitent quitter un groupe, soit pour en fonder un nouveau, soit pour en rejoindre un autre. Le rôle du président est justement d’assurer la cohésion et la discipline, tout en faisant en sorte que chacun puisse exprimer son opinion et ses idées. Ainsi, le président du groupe LR, Olivier Marleix, devra donner à la fois la parole à la "ligne Ciotti" et à la  "ligne centriste". Aurore Bergé, son homologue chez LREM, devra veiller au respect du "en même temps".

"Le poste est un tremplin ou un couronnement de fin de carrière"

La majorité relative va-t-elle augmenter l’influence d’un président de groupe ?

Certainement. En l’absence de majorité absolue et sans contrat de gouvernement, l’exécutif ne pourra pas faire adopter ses projets de loi avec ses seuls députés. Il sera contraint de trouver des voix dans les autres partis. Et le président de groupe va avoir un rôle central dans cette architecture en disant : "Nous voterons ce texte, mais vous suivez nos recommandations sur tel autre."

Pour un député, quel est l’intérêt d’accéder à ce poste ?

C’est un accélérateur, un poste tremplin qui permet bien souvent de prendre la lumière et d’aller plus haut. Certains profitent de la fonction pour occuper une place centrale dans leur parti. Ce fut le cas de Jean-François Copé qui a utilisé sa bonne connaissance des députés pour accéder à la tête de l’UMP. La fonction peut également être attribuée à un poids lourd qui a quitté le gouvernement comme Christophe Castaner mais peut s’avérer constituer un poste de fin de carrière comme pour Jacques Barrot ou Jean-Louis Debré. Notons également que certains peuvent rester entre les murs du Palais-Bourbon et monter en grade en devenant président de l’Assemblée nationale. Citons par exemple Bernard Accoyer ou plus récemment Richard Ferrand.

Propos recueillis par Lucas Jakubowicz