Il aurait pu choisir la facilité, il a opté pour le combat. Le ministre délégué chargé de l’Europe se présente dans la septième circonscription de Paris où le duel avec la Nupes s’annonce serré. Un choix courageux : s’il perd il quitte le gouvernement, s’il l’emporte il en devient un poids lourd.

Marché d'Aligre, boulevard Richard Lenoir, place de la Bastille, rue des Archives, rue de la Roquette… Ces lieux, épicentre du Paris bobo, fourmillent de buveurs attablés aux terrasses, de cyclistes, d’étudiants, de familles incarnant le Paris gentrifié… Parmi cette foule, des hommes et des femmes sourient, alpaguent les passants et distribuent des tracts : "Votez Nupes, votez Mecary", "Votez majorité présidentielle, votez Beaune". Plus qu’ailleurs, les militants sont hyper-actifs. Il faut dire que la septième circonscription de la capitale est l’une des plus disputées de l’Hexagone.

Une circonscription disputée

Elle comporte les très huppées île de la Cité et île Saint-Louis, les quartiers autour de l’Arsenal, de la place de la Bastille, de Saint-Ambroise, de la Folie-Méricourt ainsi qu’une grande partie du Marais. Peu représentative de l'Hexagone, la "septième" abrite une population beaucoup plus jeune, riche, diplômée et ouverte sur la mondialisation que la moyenne nationale. Longtemps fief du PS, la circonscription a adhéré avec enthousiasme au "nouveau monde" proposé par Emmanuel Macron en 2017. Le marcheur Pacôme Rupin, élu haut la main avec 56%, ne se représente pas.

Comme une grande partie de l’électorat estampillé progressiste, les électeurs se sont partagés entre Emmanuel Macron et la gauche lors du premier tour de la présidentielle de 2022. Le président sortant a obtenu 36,42% des voix, suivi par Jean-Luc Mélenchon (31,29%), tous deux au-dessus de leur score national. Mais, au total, la gauche y pèse 43%, soit une forte croissance en cinq ans.

Unie, elle a de bonnes chances de l’emporter. Pour rafler la mise, la Nupes a investi une candidate au profil idoine : Caroline Mecary, avocate spécialisée dans le droit des migrants et des personnes homosexuelles, à la sensibilité écolo affirmée. C’est pour la contrer que Clément Beaune est descendu dans l’arène pour la première fois de sa vie. Lui aussi possède un profil adapté pour cette circonscription qu’il connaît bien

Pour son baptême du feu électoral, Clément Beaune hérite d'une circonscription loin d'être acquise.

Clément Beaune, voyage en terrain connu

Les électeurs de la "septième" ont le cœur à gauche ? Clément Beaune aussi. Adhérent à Territoires de Progrès, l’aile gauche de la majorité, il ne cache pas son attachement à la social-démocratie mais fustige la "gauche d’agitation" et peut se targuer du soutien officiel de Daniel Cohn Bendit. Mais aussi de l’appui plus officieux de certains socialistes locaux effrayés par les dérives populistes de la "nouvelle gauche"…

Pour le moment les sondages du second tour placent Clément Beaune et Caroline Mecary dans un mouchoir de poche

La question des droits de la communauté LGBT y est plus importante qu’ailleurs ? Son parcours personnel le rend légitime pour prôner davantage d’inclusion, notamment lors de visites de terrain comme celle menée auprès des coqs festifs, équipe de rugby gay friendly. Autre détail important : les électeurs semblent pro-UE. Lors des dernières élections européennes, Nathalie Loiseau, tête de liste de Renaissance a terminé nettement en tête avec 38% des suffrages, loin devant EELV (17%). Les Insoumis, bien plus eurosceptiques, n’ont récolté que 3,8%. C’est pourtant derrière la ligne LFI que les candidats de la Nupes se sont rangés puisque le programme commun défend la "désobéissance" à certains traités. Un positionnement que Clément Beaune attaque vivement. L’offensive est d’autant plus légitime que son engagement en faveur de l’UE est clair : conseiller Europe d’Emmanuel Macron puis secrétaire d’État et ministre chargé des Affaires européennes, il a toujours privilégié l’intégration communautaire au repli national.

"Prendre son risque"

Un sacerdoce pro européen qui pourrait bien s’arrêter en cas de défaite aux législatives. Car la règle fixée par le président de la République est claire : un ministre vaincu doit démissionner. Pour reprendre une expression chère à Emmanuel Macron, Clément Beaune, qui n’avait aucune obligation de se présenter, a "pris son risque" en connaissance de cause : "C’est une étape de ma jeune vie politique. Soit je franchis la haie, soit je ne la franchis pas et dans ce cas il y aura des conséquences". Triompher de l’obstacle permettrait à Clément Beaune de conserver son poste, de devenir l’une des voix de la gauche macroniste et, pourquoi pas de rêver à l’Hôtel de ville. Ce qui en fait l’un des hommes à abattre pour la Nupes parisienne. Pour le moment, le duel Mecary-Beaune s’annonce serré. Selon un sondage publié par l’Ifop le 3 juin, le second tour se jouerait dans un mouchoir de poche : 51% pour Mecary, 49% pour Beaune.

Lucas Jakubowicz