Valérie Pécresse contre Éric Ciotti. Si la finale de la primaire LR peut surprendre certains, son issue ne fait guère de doute. Mais la probable victoire de la présidente de la région Ile-de-France suffira-t-elle à enclencher une dynamique ? Pas si sûr. Analyse d’un premier tour qui ressemble à la primaire EELV.

LR EELV : même combat !

Cela peut paraître étrange mais le premier tour de la primaire LR ressemble étrangement à celui de la primaire EELV. Quatre candidats terminent dans un mouchoir de poche : à droite Éric Ciotti et son score de 25,6% reste très proche du quatrième Xavier Bertrand (22,3%). Chez les Verts, l’écart entre Yannick Jadot (27,7%) et Éric Piolle qui termine au pied du podium (22,3%) est également infime. Ajoutons à cela un nombre de votants pratiquement similaire (113 000 contre 106 000).

Autre point commun la qualification d’un candidat incarnant une ligne dure, voire extrémiste. D’une certaine manière l’identitaire Éric Ciotti ressemble fortement à l’écoféministe Sandrine Rousseau. Tous deux jugent leur parti trop mou et trop tourné vers le centre. Du reste le député des Alpes-Maritimes et la vice-présidente de l’université de Lille ont tous deux accusés les autres prétendants d’être "Macron-compatibles", insulte ultime à leurs yeux. Ce type de discours plaît aux militants les plus radicaux et suffit pour atteindre le second tour. Mais pas à remporter le second. Logiquement, Valérie Pécresse fait figure de grandissime favorite pour le deuxième tour de scrutin prévu le 4 décembre.

Eric Ciotti est le Sandrine Rousseau de la droite

L’union sacrée derrière Pécresse

Les choses n’ont pas tardé à se décanter puisque dans les deux heures qui ont suivi la proclamation des résultats du premier tour, la présidente de la région Ile-de-France peut se targuer d’avoir reçu le soutien de tous ses rivaux. Xavier Bertrand, qui espérait apparaître comme le candidat naturel doit se sentir blessé dans son amour propre puisqu’il termine à la quatrième place. Pour autant, il a très vite apporté son soutien à Valérie Pécresse pour qui il "souhaite faire campagne". Michel Barnier qui a longtemps cru en sa chance de l’emporter, malgré des débats en demi-teinte a déclaré : "Je pense que Valérie Pécresse est la mieux préparée pour gagner l’élection présidentielle, je lui apporte mon soutien". Même Philippe Juvin, bon dernier du scrutin, se range derrière elle en la qualifiant de "femme qui peut amener à la victoire". Le président du groupe LR, Damien Abad, est lui aussi sur la même longueur d’onde : "Ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, présidente de la première région de France, libérale et chiraquienne, j’apporte mon soutien à Valérie Pécresse".

Ciotti l’isolé

De son côté, Éric Ciotti semble bien seul puisqu’aucun ténor du parti ne s’est exprimé en sa faveur. En revanche, il a reçu le soutien embarrassant d’Éric Zemmour qui dans un tweet destiné au "Cher Éric" se félicite de "voir nos idées si largement partagées par les militants LR. Le RPR n’est pas mort". Le message a surement une arrière-pensée. Le néo-candidat peine à attirer des poids lourds de la politique qu’ils viennent du RN ou de LR. Le polémiste espère proabablement faire venir à lui le camp Ciotti avec qui il partage beaucoup. Pour séduire la base, le finaliste a tressé publiquement les louanges de Laurent Wauquiez : "Un homme d’État, un esprit brillant,à l'énergie hors norme. Le chantier du redressement qui nous attend nécessite un général en chef hors du commun. Laurent en a toutes les qualités. Un bulldozer comme l’a été Chirac".

La mort de LR ?

Quel que soit le scénario du second tour, les choses s’annoncent compliquées en vue du premier tour. Trois configurations sont possibles. Les voici, de la moins probable à la plus vraisemblable : Éric Ciotti l’emporte, Valérie Pécresse gagne mais Éric Ciotti passe avec armes et bagages dans le camp Zemmour, Valérie Pécresse gagne et rassemble toute la famille.

Une (très hypothétique) victoire d’Éric Ciotti aurait un effet répulsif sur les électeurs de centre droit que ne votent pas encore pour Emmanuel Macron. La consécration d’une ligne identitaire signerait l’avènement d’un parti rabougri qui n’aurait plus rien à voir avec Charles de Gaulle, Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy. Le parti qui ne serait plus qu’un ersatz de la candidature Zemmour. Et puisque les électeurs préfèrent l’original à la copie…

Autre scénario, Éric Ciotti, défait, désavoué, ne se reconnaissant plus dans le parti actuel décide de franchir le Rubicon et de rejoindre Éric Zemmour en quête de soutien. Cela affaiblirait LR qui se verrait amputé de son aile droite. Cette transhumance du noyau identitaire ne sera peut-être pas suffisant à empêcher l’exode vers Horizons, nouveau mouvement lancé par Édouard Philippe.

Enfin, Valérie Pécresse l’emporte et rassemble la famille comme doit le faire chaque vainqueur de primaire. Problème : cela l’obligerait à faire des concessions à Éric Ciotti dont la ligne risquerait de déranger une bonne partie de l’électorat de droite qui pourrait suivre Christian Estrosi et Renaud Muselier. Cela tombe bien, Horizons ne demande qu’à accueillir l’électorat de droite modérée. En somme, Éric Ciotti et Sandrine Rousseau constituent une éprouvette de nitroglycérine qui peut exploser à tout moment.

Lucas Jakubowicz