Encouragée par les sondages qui la donnent en tête au premier tour, la candidate frontiste, qui stagne toujours autour de 25 % d’intentions de vote, espère bénéficier de la montée du populisme au Royaume-Uni et aux États-Unis pour l’emporter.

Rien dans cette campagne n’aura fait chuter la popularité de Marine Le Pen. Comme si d’elle, ses partisans n’attendaient pas une présidente exemplaire, mais un chef d’État autoritaire. Peu importent donc les soupçons d’emplois fictifs d’assistants au Parlement européen qui pèsent sur elle ou ses liens potentiels avec certaines banques russes. En tête des sondages depuis le début de l’année, la candidate frontiste dispose d’un socle électoral plus solide que n’importe quel autre candidat. La preuve?: 76 % de ses électeurs sont sûrs de leur choix et affirment qu’il est définitif. De quoi, a priori, lui assurer une place au second tour. Sans compter qu’avec une attitude plus consensuelle que celle de son père et les accusations qui pèsent sur son adversaire à droite, Marine Le Pen n’est plus la personnalité politique la moins appréciée de l’Hexagone. 60 % des Français ont d’elle une image négative, contre 64 % pour François Fillon. Mission dédiabolisation réussie.

 

Candidate populiste

 

Véritable animal politique, Marine Le Pen galvanise son auditoire à chacune de ses apparitions publiques, promettant de redonner à la France de sa superbe. De quoi rassurer les inquiets et séduire les nostalgiques. Sortie de l’euro, patriotisme économique, préférence nationale… la candidate l’a bien compris?: c’est elle qui, la première, pourrait bénéficier de la dynamique populiste née des victoires de Donald Trump et du Brexit. «?Avec moi, celui qui déballera ses cartons à l’Élysée, c’est le peuple?», lance-t-elle lors d’un discours le 11 mars, traitant ses adversaires de «?candidats du système?».

 

Inexactitudes économiques

 

Seulement voilà, sur le plan économique, le projet du Front national pèche par ses inexactitudes. «?Marine Le Pen n’a aucune maîtrise de la réalité, juge l’économiste Jean-Marc Daniel, opposé à la volonté du FN de rétablir une monnaie nationale. Sortir de l’euro impliquerait inévitablement une baisse du pouvoir d’achat des Français.?» Peu importe. La priorité de Marine Le Pen est ailleurs. Et pour cause?: elle n’hésite pas à évacuer la question lors de ses rassemblements, préférant s’attarder sur ses thématiques emblématiques comme la sécurité ou l’immigration. Pour espérer récupérer les électeurs d’Emmanuel Macron ou de François Fillon entre les deux tours, la candidate devra néanmoins se pencher davantage sur les sujets économiques. Son unique chance d’accéder à l’Élysée.


Capucine Coquand 

@CapucineCoquand

 

                               Le programme 

 

Économie

 

  • Sortir de l’euro et rétablir une monnaie nationale « adaptée à notre économie, levier de notre compétitivité».
  • Instaurer un patriotisme économique en se libérant des contraintes européennes et en réservant la commande publique aux entreprises françaises.
  • Abaisser les charges sociales des TPE-PME de façon lisible et significative en fusionnant l’ensemble des dispositifs d’allégement de manière dégressive. ·
  • Maintenir le dispositif à taux réduit à 15 % de l’impôt sur les sociétés pour les TPE-PME, et créer un taux intermédiaire à 24 % pour les PME.

 

Rares sont les experts favorables au projet de sortir de l’euro. C’est pourtant la mesure emblématique du programme économique de Marine Le Pen. Son objectif ? Créer une dévaluation. Une mauvaise idée selon Jean-Marc Daniel, professeur à l’ESCP, qui « provoquerait inévitablement une chute des taux de change, une augmentation brutale de l’inflation et donc une baisse du pouvoir d’achat des Français ». Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la situation au Royaume-Uni. Si la livre a effectivement perdu 15 % de sa valeur depuis le vote du Brexit, l’inflation a, de son côté, atteint 1,8 % en janvier (un chiffre au plus haut depuis plus de deux ans et demi). « Il est vrai que la dévaluation pourrait permettre de réduire le chômage [selon la courbe de Phillips], reconnaît néanmoins l’expert. Mais je crois que la France n’est pas aujourd’hui dans cette configuration. » Outre la sortie de l’euro, Marine Le Pen consacre le reste de son programme économique aux PME. « Les grands groupes n’ont pas besoin de moi », estime-t-elle. Son ambition est double : baisser les charges et simplifier le rapport entre l’entreprise et l’État. « À partir du moment où l’on impulsera l’idée que l’administration est là pour aider les entreprises, alors les choses changeront », promet-elle. 

 

 

Emploi

 

  • Supprimer la directive relative au détachement des travailleurs qui crée une concurrence déloyale « inadmissible ».
  • Instaurer une taxe additionnelle sur l’embauche de salariés étrangers, pour assurer la « priorité nationale à l’emploi des Français ».
  • Supprimer la loi El Khomri.
  • Maintenir la durée légale hebdomadaire du travail à 35 heures, mais autoriser la négociation sur l’allongement du temps de travail au niveau des branches professionnelles.

 

La priorité nationale à l’emploi est également l’une des mesures phares de la candidate du Front national. Celle-ci prévoit d’instaurer une taxe additionnelle sur tout nouveau contrat d’employé étranger, même européen. « Cette recette sera versée à l’indemnisation des chômeurs », explique Marine Le Pen. Une telle disposition existe pourtant déjà, puisque chaque entreprise employant un non-Européen pour une durée de trois à douze mois, paye actuellement une taxe entre 70 et 300 euros. Une pénalité que Marine Le Pen souhaite étendre à tous les ressortissants de l’UE et qui rapporterait, selon elle, un milliard d’euros. Une proposition scandaleuse selon certains chefs d’entreprise, notamment dans le secteur du bâtiment où la main-d’oeuvre française se fait rare. Marine Le Pen souhaite intégrer la mesure dans la Constitution ce qui irait contre les traités européens prévoyant l’égalité des citoyens quelle que soit leur nationalité.

 

 

Sécurité

 

  • Fermer toutes les mosquées extrémistes recensées par le ministère de l’Intérieur et interdire tout financement public des lieux de culte et des activités cultuelles.
  • Augmenter le budget de la Défense à 2 % du PIB dès le début du quinquennat.
  • Quitter le commandement militaire intégré de l’Otan « pour que la France ne soit pas entraînée dans des guerres qui ne sont pas les siennes ».
  • Créer 40 000 places de prison.

 

La lutte contre le terrorisme est l’une des pierres angulaires du programme de Marine Le Pen. « Les Français fichés S seront frappés d’une peine d’indignité nationale. Les lieux de prédication islamiste seront fermés », répète-t-elle. Outre des mesures visant l’islam radical, Marine Le Pen promet également d’en finir avec « l’impunité des délinquants, les zones de non-droit, les trafics de drogue ». Son leitmotiv : la « tolérance zéro ». Prenant régulièrement la défense de la police, la présidente du Front national n’hésite pas à proposer une présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre. « Notre pays a besoin d’être réarmé », estime celle qui mise sur les questions sécuritaires pour se différencier de ses adversaires.

 

 

Immigration

 

  • Rétablir les frontières nationales et sortir de l’espace Schengen.
  • Réduire l’immigration légale à un solde annuel de 10 000 individus.

 

Au sujet de l’immigration – qu’elle juge actuellement « incontrôlable » –, Marine Le Pen souhaite ouvrir un « débat national » portant sur « la nature, le périmètre et l’accès à notre système de protection sociale et à nos régimes solidaires ». Une position moins autoritaire que celle de son père, qui en 2007, préconisait « d’arrêter le torrent de l’immigration de masse ».  

 

 

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