EDITO. Choqués, agacés, révoltés, fatigués, désabusés… Jamais dans l’histoire de la Ve République, une campagne présidentielle n’aura plongé les Français dans un tel tsunami émotionnel. Jamais la droite républicaine n’aura été aussi partagée entre le cœur et la raison. La raison, parce que, les experts le reconnaissent, le programme économique de François Fillon est à la fois le plus cohérent et le plus abouti. Le cœur, parce qu’il est pour beaucoup inenvisageable de porter à la fonction suprême un homme incapable de respecter sa propre parole. Jamais, de son côté, la gauche modérée n’aura été si peu crédible, brandissant un programme approximatif dont même certains socialistes semblent, à quelques jours du scrutin, toujours douter du réalisme. Jamais l’extrême droite  ?  en tête des sondages depuis le début de l’année  ?   n’aura aussi bien cerné le besoin des Français : celui d’un discours politique simplifié, décomplexé et directement connecté à leur réalité. Jamais enfin, un ex-banquier, diplômé de l’ENA et passé par le ministère de l’Économie, n’aura autant insisté sur son positionnement « hors système », alors même que le projet qu’il porte  ?  visant à créer d’abord de la richesse pour la redistribuer ensuite  ?  aurait peut-être suffi à séduire toute une partie de l’électorat. Encore aurait-il fallu, pour cela, miser sur le fond plutôt que sur l’image. 

 

Révélations, querelles d’ego, ambitions personnelles auraient-elles eu raison des programmes ? Sans doute. Certains journaux avides d’exclusivités et de scandales ont effectivement rebattu les cartes de la campagne, mettant en lumière les « affaires » plus que les projets. Mais ni la presse ni les juges ni ses adversaires n’ont « enfoncé » le candidat de la droite. Le champion des Républicains s’est enfoncé lui-même, moins en raison des faits qui lui sont reprochés (dont seule la justice appréciera la légalité), que par son incapacité à comprendre le choc provoqué par son comportement. Ecœurés par le sentiment d’impunité de cette élite qui monopolise les plus hautes fonctions de l’État les électeurs pourraient plus que jamais cette année décider de bouder les urnes. Une fois élu, le prochain Président devra donc impérativement réconcilier les Français avec la classe politique. Condition sine qua non pour éviter un affaiblissement durable de notre démocratie.

 

Capucine Coquand

@CapucineCoquand