L’Association of corporate counsel (ACC) vient de publier son étude mondiale sur les préoccupations des directeurs juridiques au quotidien. Des conclusions qui s’avèrent riches d’enseignement.
Quelle est la bonne question à poser aux directeurs juridiques ? L’Association of corporate counsel l’a trouvée : qu’est-ce qui vous empêche de dormir ? (!) Autrement dit, quelles sont vos préoccupations passées, mais surtout celles que vous voyez jaillir dans un futur proche ? Avec un panel de 1 104 directeurs juridiques répartis dans trente-six pays, l’association la plus représentative de la profession parvient à décrypter les tendances et les évolutions auxquelles les directeurs juridiques sont et se voient confrontés.

Repérage des tendances
Le métier, les priorités, la satisfaction et les tendances, incluant le budget des départements juridiques et les mouvements d’effectifs, les initiatives de pro bono et l’évaluation des performances des équipes, les sujets abordés par l’ACC auprès de ses adhérents sont nombreux. Ce large champ d’intervention de l’étude se retrouve également du côté du panel des personnes interviewées. Avec 1 104 questionnaires reçus, l’ACC parvient à réunir un maximum de réponses de juristes d’entreprise. Les personnes interrogées sont à la tête des services juridiques des plus grandes entreprises dans la plupart des pays du monde. En effet, l’association, qui regroupe environ 30 000 membres, est organisée en «?chapters?» régionaux et couvre un grand nombre de pays en Amérique du Nord, Amérique du Sud, Europe, Asie et Russie. L’enquête annuelle de l’association est donc un outil précieux d’évaluation des pratiques et de décryptage des tendances.

L’éthique et la compliance
Les tendances passées méritent d’être décryptées. Mais leur mise en perspective dans le temps est la démarche choisie par l’ACC. L’étude aborde également les tendances 2013 cernées par les directeurs juridiques concernant celles qu’ils sentent se présenter dans leurs dossiers et leur activité quotidienne. Au cœur de celle-ci : la compliance et l’éthique. La protection de l’entreprise par la mise en place de programmes internes devient centrale, et il est fréquent que la direction juridique prenne en charge ce projet, tant dans son élaboration que dans son déploiement. Le directeur juridique se transforme alors en expert compliance. Le recours aux conseils externes est également fréquent en la matière, puisque les cabinets d’avocats sont de plus en plus nombreux à développer cette spécialité et à recruter des avocats issus du monde de l’entreprise.
Viennent ensuite les préoccupations liées à la régulation et les changements de réglementation par le législateur. Ces craintes sont généralement répandues quel que soit le pays, et particulièrement auprès des directeurs juridiques exerçant dans des secteurs qui connaissent des mutations perpétuelles de leur réglementation comme le droit de la concurrence ou le droit social.

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La protection des données personnelles
Pour 2013, la préoccupation la mieux partagée des general counsels semble être en fin de compte la protection des données personnelles de l’entreprise, dont la maîtrise et la sécurisation constituent un enjeu essentiel. 75?% des participants indiquent s’en être préoccupés au cours des douze mois passés. Selon 20?% d’entre eux, cette question sera encore plus prédominante dans l’avenir. Une conjonction de facteurs (croissance de la collecte et du stockage de données notamment) nécessite une attention particulière des équipes. Les entreprises publiques et les entreprises privées sont ici concernées au même titre et le département juridique, même décentralisé, joue encore une fois un rôle primordial dans les moindres pans de sa gestion.
Hiérarchiser les priorités
À la question «?Pourriez-vous classer les priorités business selon leur importance ??», la communication entre le département juridique et le haut management arrive en tête des réponses, parallèlement à la croissance du poids de l’avis juridique dans la prise de décision stratégique pour l’entreprise. Vient ensuite l’importance de l’information législative, les directeurs juridiques considérant logiquement comme une nécessité de connaître toute modification législative ou réglementaire les concernant. Ils ressentent, en troisième lieu, une exigence accrue de confidentialité s’agissant de l’état général et de la stabilité économique du chiffre d’affaires.
Ces résultats sont à mettre en lien avec les effectifs. Seules 11?% des directions juridiques ont procédé à des réductions d’équipe, touchant 32?% d’avocats/juristes seulement. Le budget a également connu des coupes.
55?% des participants annoncent une diminution de leur budget au cours des douze derniers mois (66?% pour leur budget interne et 59?% pour leur budget externe) et 30?% prévoient une augmentation de ce même budget. Plus de la moitié espère des recrutements dans les prochains mois, en mettant peut-être un chiffre en avant : 38?% des participants touchent un salaire moyen annuel de 250 000?dollars. Côté mission, les données montrent une montée en puissance stratégique des postes juridiques. 77?% des personnes interrogées ont passé la majorité de l’année écoulée à travailler sur du conseil stratégique en matière d’opération corporate. Et ils relèvent une augmentation de 59?% du recours aux avocats externes par rapport à l’année passée. La technicité croissante des dossiers joue pour beaucoup dans cette évolution.

L’humeur du moment
Plus généralement, l’étude de l’ACC donne quelques chiffres qui mettent à jour les éléments de fonctionnement et d’appréciation des directions juridiques. Tout d’abord, la satisfaction au travail. 81?% des juristes d’entreprise interrogés aiment leur métier (34?% sont très satisfaits, 33?% sont satisfaits et 14?% sont passablement satisfaits). Une forte majorité, qui est cependant en baisse cette année puisqu’en 2011, ils étaient 92?% à se dire satisfaits. Deux pour cent seulement affichent clairement leur insatisfaction.
L’étude apporte quelques données complémentaires, comme la faible propension des directions juridiques à s’organiser pour développer le pro bono, en raison bien sûr de la faible taille des équipes mais également des freins légaux en matière de conseil juridique. Pour finir, la répartition homme/femme n’atteint pas la parité puisque 68?% des directeurs juridiques qui ont participé à l’étude sont des hommes. La féminisation des professions juridiques devrait inverser la tendance dans quelques années.