Retrouvez chaque semaine trois questions à un candidat à l'élection présidentielle de 2012. Cette semaine, c'est Eva Joly qui répond depuis la conférence de presse organisée par Europe Écologie Les Verts.
Lundi 16 janvier 2012, depuis le siège d’Europe Écologie Les Verts à Paris, trois questions à Eva Joly, candidate officielle à l’élection présidentielle 2012.


Quelles leçons tirer de la perte du triple A ?

Eva Joly.
La crise est bien sûr européenne, mais vendredi, tous les États européens n’ont pas été dégradés. Il y a donc bien une maladie française, une spécificité française. Et qui d’autre que la droite au pouvoir depuis dix ans peut en être responsable ? Le déficit, ce n’est pas la crise qui l’a d’abord creusé mais les cadeaux fiscaux qui ont commencé en l’an 2000. L’austérité nous enfonce dans la crise et il est absurde de reprocher aux États de s’être endettés depuis 2008 pour empêcher une catastrophe financière plus grande encore. Il est tout aussi absurde de vouloir faire payer le peuple pour cela en détruisant le service public. Ce ne sont ni les retraités, ni les chômeurs, ni les fonctionnaires qui ont causé la crise.


Que proposez-vous face à cela ?

Eva Joly.
J’ai choisi un chemin mesuré pour la France, celui d’une réduction effective du déficit public et d’une politique d’investissement qui permet de retrouver l’espoir. Ce chemin équilibré prévoit de baisser d’un point par an le déficit budgétaire et d’investir en même temps 15 milliards dans la conversion écologique de l’économie.
Je propose la création d’un fonds européen de désendettement. Au niveau de la zone euro, nous pouvons créer un pot commun auquel les États de la zone euro transféreront une partie de leur dette équivalente à 20 points de PIB. Ce fonds doit permettre de garantir le remboursement des dettes sur une période plus longue qu’aujourd'hui. Il sera garanti par l’ensemble des États de la zone euro. Cette proposition, émise il y a plusieurs semaines par un groupe de cinq économistes qui conseillent le gouvernement allemand, est débattue cette semaine au Parlement européen.
Je propose également qu’une partie de la future taxe sur les transactions financières soit affectée au remboursement de cette dette de crise, puisque c’est la finance qui nous a mis dans cette situation.
Enfin nous devrions lever une taxation exceptionnelle sur l’ensemble des patrimoines de façon à lever un mur d’actifs face au mur des dettes. La détention du patrimoine est beaucoup plus inégalitaire que celle des revenus.


Où couper pour réduire le déficit budgétaire ?

Eva Joly.
La crise que nous traversons se caractérise en réalité par une dette de crise de 400 milliards d’euros (20 points de PIB) depuis 2008. L’idée est d’isoler la dette de la crise. Toute la question politique est de savoir ce qu’on fait de ces 400 milliards : est-ce qu’on casse le modèle social ou est-ce qu’on isole cette dette et on la traite avec un compromis, un remboursement plus long à travers un fonds européen de désendettement.
Un point de PIB par an représente 20 milliards d’euros. Le manque à gagner des paradis fiscaux, qui est un combat historique, représente 30 milliards d’euros de manque à gagner annuel selon les chiffres de la Cour des comptes. C’est la plus grande niche fiscale au monde ! Et aujourd’hui, rien n’a été fait contre cela. Il y a des lois au Brésil ou aux États-Unis qui sont beaucoup plus ambitieuses que ce qu’a fait Nicolas Sarkozy. Il existe donc une vraie marge de manœuvre.
La deuxième piste pour réduire le déficit sans toucher au modèle social, c’est de créer un impôt plancher sur les bénéfices pour les multinationales. Les entreprises du CAC 40 paient aujourd’hui 8 % d’impôt sur les sociétés quand les PME en paient plus de 30 %. Ainsi, aucune multinationale ne pourrait payer moins de 17 %. Cela rapporterait aux alentours de 5 milliards d’euros.