La sénatrice de Paris et ancienne secrétaire d’État chargée de l’Écologie (2009-2010) s'exprime sur la révolution écologique menée par le gouvernement Sarkozy
« Pour la première fois, la droite a assumé sur l’écologie des choses qu’elle n’assumait pas avant. »


Décideurs. En quoi le quinquennat de Nicolas Sarkozy marque-t-il une rupture en matière de politique environnementale ?

Chantal Jouanno.
D’abord une rupture dans la méthode. À travers le Grenelle, nous avons laissé le soin aux acteurs de la société civile de faire des propositions et nous nous sommes engagés à les reprendre. Mettre autour de la table des représentants de chaque secteur d’activité, et les faire dialoguer était assez inédit. L’État avait même l’obligation de se taire. Autre rupture : arrêter de dire que l’écologie coûte cher. Au contraire, ce sont désormais les projets non écologiques qui doivent
prouver qu’ils sont rentables. Arrêter également d’opposer le nucléaire et le renouvelable, et dire qu’il faut combiner toutes les formes d’énergie qui n’émettent pas de gaz à effet de serre. Une rupture dans les principes, et notamment à droite. Pour la première fois, la droite a assumé sur l’écologie des choses qu’elle n’assumait pas avant. Jacques Chirac a fait de très grands discours sur la maison qui brûle, mais il défendait des thèmes précis qui n’étaient pas défendus par tous.


Décideurs. En période de crise économique, les objectifs portés par le Grenelle sont-ils toujours d’actualité ?

C. J.
Ils le sont plus que jamais car la crise que nous traversons n’est pas une crise conjoncturelle. Il s’agit d’une crise qui condamne un modèle basé sur l’endettement, et sur le tout-pétrole, qui a conduit à l’explosion de notre déficit commercial. On voit également une contestation sur le fond de notre mode de consommation et de production. Le Grenelle répond à tout cela. Quand on prend l’exemple simple de ne pas manger de fraises en hiver, tout est dit. C’est incohérent d’importer des fraises en plein hiver pour un besoin qui n’en est pas un. Quant à la proposition que nous avions faite de modifier notre indicateur de croissance, qui n’est pas adapté aux nouveaux enjeux écologiques, plus que jamais une nouvelle fois nous étions dans le vrai. Avec la crise malheureusement, les anciens reflexes ressurgissent. Une partie de la droite fait du nucléaire une énergie formidable et de l’écologie une dépense superflue, tandis que la gauche prône la décroissance et
la sortie du nucléaire.


Décideurs. Pourquoi n’y a-t-il plus consensus autour de la politique gouvernementale en matière d’environnement ?

C. J.
Il y avait un énorme consensus, absolument fabuleux, sur des sujets tradionnellement conflictuels. Ce consensus existe toujours en grande partie. Plus personne en France n’explique que les changements climatiques sont un sujet anecdotique, à part M. Allègre qui cherche toujours un moyen de faire parler de lui. Plus personne n’explique non plus que les énergies renouvelables ne servent à rien. En revanche, à l’approche des échéances électorales le consensus politique a volé en
éclats. La taxe carbone, attaquée d’abord par la gauche, a été la grande victime des élections régionales. Le consensus a également été victime du discours d’Europe Ecologie. Au départ, l’idée de rassembler les bonnes volontés quelle que soit la couleur politique était très bonne. Europe Ecologie a perdu son âme en s’alliant avec les Verts, et en développant un discours extrêmement clivant. Il n’y a aucune raison que l’écologie appartienne à une tendance plutôt qu’à une autre. Aucun parti
n’est désormais crédible s’il n’intègre pas ces enjeux-là.


Décideurs. Quel bilan tirer de l’action du gouvernement en matière d’indépendance énergétique ?

C. J.
On a bien évolué sur les économies d’énergie, sur les normes dans le bâtiment. Il faut être conscient que l’on ne verra les résultats de cette politique qu’à un horizon 2015-2020. Le court terme dans l’écologie, c’est 2020. Dans le domaine des énergies renouvelables, nous avançons selon l’objectif qui a toujours été fixé de 23% d’énergies renouvelables en 2020. Pour autant l’impact sur l’indépendance énergétique sera faible sans alternative au pétrole dans le transport. En renonçant à la contribution carbone, on a renoncé à modifier profondément les comportements des uns et des autres. Le grand défi, c’est le transport, et davantage que le transport de personnes, le transport de marchandises. Il y a eu un mauvais signe avec les retards de la taxation poids lourds. L’utilisation du camion sur les petites distances est un véritable problème auquel on peut trouver des solutions. Dans nos grandes villes comme Paris on n’a pas mis en place de systèmes de navettes
électriques pour pallier à cela. Il reste du chemin à faire dans les esprits.
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