Dans le cadre de notre activité de multi-family office, nous sommes amenés à conseiller activement des familles au sein desquelles plusieurs générations successives se côtoient. Ces jeunes héritiers abordent le monde, leur patrimoine et les relations avec leurs conseils autrement. Par souci de simplification, nous considérerons les enfants majeurs uniquement et les appellerons G3 ; la G2 étant la génération des dirigeants opérationnels, la G1 celle de leurs aînés retraités et retirés des affaires. Quelles sont les attentes, les pratiques, les objectifs de cette clientèle nouvelle génération ?
Un rôle de conseil…
La G3 souhaite bien sûr être accompagnée dans le cadre de la gestion de son patrimoine. Rapidement, ces jeunes héritiers sont en effet confrontés à la subtilité des libéralités, contrats de mariage, statuts de sociétés, démembrement de propriété... mais aussi aux arcanes de la finance. Le family office se positionne alors dans un rôle de conseil assez proche de celui qu’il assure déjà auprès des aînés.
 

…et de pédagogue

En parallèle, la pédagogie joue un rôle crucial dans l'accompagnement de la G3. Rapidement, les matières civiles, fiscales et financières peuvent paraître absconses, voire ennuyeuses. Tous les héritiers n’ont pas le même degré d'implication et d'intérêt envers le patrimoine familial. La plupart n'ont pas activement contribué à sa création et peuvent s’en sentir déconnectés. Le family office se doit donc de mettre en place des dispositifs pédagogiques adaptés, en proposant des formations personnalisées selon les besoins et les attentes de chaque individu. Cette approche permettra de favoriser une meilleure compréhension et une appropriation du patrimoine familial par les nouvelles générations.

 

Recherche de sens

Jamais depuis 20 ans nous n’avions autant parlé de "recherche de sens". La G3 souhaite donner du sens à ses investissements et privilégiera souvent des supports intégrant des critères extra-financiers, qu’ils jugent plus objectifs et plus mesurables. Si certains se contentent de prendre en compte ces nouveaux critères, d’autres les rendent prioritaires et éliminent d’entrée certaines propositions, quitte à faire passer la performance au second plan.

 

Jamais depuis 20 ans nous n’avions autant parlé de "recherche de sens"

Nous pensons bien sûr immédiatement aux notions d’impact environnemental et de durabilité et il est vrai que nous constatons une tendance de fond multigénérationnelle sur ces thèmes. Mais les jeunes héritiers accordent aussi une importance croissante aux aspects sociaux et sociétaux, tels que la création d'emplois locaux ou l'égalité entre les sexes. Il conviendra donc de mettre en place des stratégies d'investissement qui intègrent ces dimensions et qui contribuent à la réalisation d'un impact positif afin de remporter l’adhésion de ces jeunes héritiers.
 

Droit au but

La G3 est aussi une génération moins formelle et plus directe que ses aînés. Les codes vestimentaires ont évolué, influencés par les pratiques des start-up. La communication passe par des applis de chat, par messages courts et directs, sans s’embarrasser de formules de politesse à rallonge. Les entretiens se font régulièrement en visio, sont plus rapides et resserrés autour d’ordres du jour élagués. Le rôle du family office s’en trouve alors renforcé, la délégation de son client étant plus forte. Le niveau d’exigence n’en reste pas moins élevé, les conseils sont challengés et l’expertise doit être régulièrement démontrée.

 

Digital

Sans surprise, cette génération attend de ses conseils et partenaires une utilisation plus poussée d’outils digitaux. L’information et la contractualisation doivent impérativement être dématérialisées et les comptes, audits patrimoniaux et base documentaire disponibles en ligne à tout moment. L’esthétique et l’ergonomie des applications sont souvent critiquées.  Il est donc essentiel de mettre à leur disposition des outils digitaux performants et conviviaux, qui leur permettront de suivre l'évolution de leur patrimoine. Si la G3 casse les codes, elle cherche aussi à disrupter, à supprimer les intermédiaires : néo-banques, crypto et crowdfunding sont des exemples de sujets fréquemment abordés. L’émergence de l’intelligence artificielle va sans nul doute renforcer la tendance de cette nouvelle génération à rechercher elle-même l’information. Une nouvelle fois, le family office est challengé et doit faire la démonstration de sa valeur ajoutée.

 

Nomad

Études réalisées à l’étranger, conjoint(e) d’une autre nationalité, actifs détenus dans différents pays, résidence fiscale mouvante, la G3 est une génération nomade, beaucoup plus mobile que ses aînés. L’extranéité, déjà évoquée dans les patrimoines, est désormais omniprésente.

 

La G3 est une génération nomade

Le droit international privé et la fiscalité internationale sont des matières devant être maîtrisées par les conseils de nos clients. Cette internationalisation des patrimoines se développe en parallèle d’une mobilité accrue des personnes, des situations de famille et des projets et nécessite un suivi et une mise à jour plus régulière. Les schémas de planifications patrimoniaux doivent être plus réversibles désormais.
 

Une certaine défiance

Parfois, une certaine défiance vis-à-vis de la finance institutionnelle et des multinationales peut être observée dans les nouvelles générations. Ils sont, par exemple, sensibles au risque de "greenwashing". Le family office devra donc, plus encore qu’auparavant, bâtir une relation de confiance avec ces nouveaux clients en adoptant une approche transparente, ne pas hésiter à "ouvrir le capot", détailler les process de sélection, exposer la réalité de leurs investissements en mettant en avant leur réel impact positif.

 

Temps court/temps long

La G3 n’a pas la même notion du temps long. Autour d’elle, tout va plus vite. Son patrimoine et ses conseils doivent suivre le rythme. Cela a des impacts sur les choix des supports d’investissements. Dans certaines situations, la proportion des actifs illiquides, comme le non-coté et l’immobilier, est réduite afin de permettre des arbitrages plus rapides. L’âge auquel les futurs dirigeants sont amenés à exercer leurs responsabilités baisse également. Parfois, la présence du patriarche, également fondateur, n’est plus souhaitée ad vitam aeternam et le nouveau dirigeant manifeste clairement son souhait d’avoir les coudées franches. Cette temporalité s’inscrit dans une époque où une dirigeante d’une grande enseigne de bricolage est nommée DG France à 28 ans et où il n’est plus rare de rencontrer des entrepreneurs de 35 ans ayant déjà cédé leur première entreprise pour des montants considérables. 

 

Par Jérôme Jambert, Cofondateur et gérant, Julien Marot, Family officer associé, Erwan Mary, Expert non coté et Jérémy Daly, Gérant Herest Aura, Herest